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Le début de la fin du pétrole et du gaz

par Akram Belkaïd, Paris

De l'avis général, militants écologistes, experts, diplomates et autres observateurs, la 26ème Conférence des Nations unies sur le climat (COP26) qui vient de se terminer à Glasgow (Écosse) est un échec. Face à l'urgence d'un plan d'action planétaire pour limiter la hausse de la température du globe à 1,5 degré Celsius et donc pour atténuer les effets dévastateurs du réchauffement climatique, la communauté internationale n'a pas réussi à faire un bond en avant. Au-delà des incantations et des promesses, le compte n'y est pas. La décarbonation des économies les plus avancées attendra encore tandis que l'aide aux pays qui font déjà face aux catastrophes climatiques demeure en-deçà de leurs attentes.

Après le charbon, l'or noir et le gaz ?

Mais il y a tout de même des signes annonciateurs qui ne trompent pas. On sait depuis longtemps que le charbon est dans le collimateur de nombre de pays à la fois producteurs mais aussi consommateurs. Une coalition de vingt membres - parmi lesquels le Canada, le Chili, l'Ukraine et même la Pologne (grand consommateur) - vient ainsi de promettre de ne plus recourir à cette source d'énergie - la plus abondante de notre planète - à l'horizon 2030-2040, autrement dit demain. Bien sûr, cet engagement doit être encore tenu mais cela signifie tout de même qu'il y a une tendance solide qui se dessine. Dans les années 1990, on expliquait que l'après-pétrole n'était pas une source d'inquiétude car le charbon était abondant. C'est désormais une source d'énergie en passe d'être abandonnée.

Mais la grande nouveauté, c'est que pour la première fois dans l'histoire des réunions sur le climat, le pétrole et le gaz naturel sont désormais ajoutés à la liste des sources d'énergie dont l'humanité doit se débarrasser. A l'initiative du Costa Rica et du Danemark, une nouvelle coalition est née pour préparer cet abandon. La " Coalition beyondoil and gas alliance" (BOGA) accueille aussi la France, le Groenland, l'Irlande, le Pays de Galles, la province canadienne du Québec et la Suède. Tous ces pays s'engagent à ne plus délivrer de permis d'exploitation ou de licence pour exploiter les gisements d'hydrocarbures que recèlent leurs sous-sols. Cet engagement est à effet immédiat.
Bien sûr, cela reste modeste, cela ne concerne pas les grands producteurs que sont les Etats-Unis, la Russie ou l'Arabie saoudite et le terrain de jeux des grandes multinationales demeure immense. Mais c'est un début qui n'est pas neutre. Sans rejoindre la BOGA, la Nouvelle-Zélande, le Portugal et, surtout, l'état américain le plus riche qu'est la Californie, en sont des partenaires et visent à limiter au maximum l'exploitation de leurs ressources pétrolières et gazières. La Californie a même décidé d'interdire la fracturation hydraulique qui vise à exploiter les gaz et pétrole de schiste.

Nouveau paradigme

C'est donc un nouveau paradigme qui se dessine. Pendant longtemps, l'idée retenue était que le pétrole et le gaz naturel seraient exploités jusqu'à l'épuisement de ces sources, les énergies alternatives prenant ensuite le relais. La donne change peu à peu. Il s'agit de laisser le carbone sous terre (ou sous l'eau) et de passer à autre chose. Selon la revue Nature, limiter la hausse de la température moyenne du globe à 1,5 degré implique que 60% des ressources pétrolières et gazières existantes ne soit pas exploitées (50% pour le charbon). Une autre initiative de 30 pays va de pair avec la BOGA : il s'agit d'interdire aux banques de financer les projets pétroliers ou gaziers où qu'ils soient. L'Allemagne, les Pays-Bas et l'Espagne en font partie et la France se fait tirer l'oreille pour la rejoindre.
Bien sûr, il se passera beaucoup de temps pour que pétrole et gaz soient majoritairement proscrits. Pour les plus optimistes, c'est l'affaire de deux ou trois décennies. Pour d'autres, un demi-siècle. Dans le cas de l'Algérie, les deux options obligent tout de même à prendre les choses au sérieux et à se préparer. Encore faut-il en prendre conscience puis le vouloir et le pouvoir.