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Pour un plan global de gestion des eaux pour limiter les risques d'inondation et de sécheresse dans le pays: Enjeux et problématique de la gestion des eaux pluviales et usées (2ème partie)

par Ben Amara El Habib*

Sans eau il n y a pas de vie, nécessaire à tous les êtres vivants, à la régulation climatique, au maintien des écosystèmes, à l'agriculture, à l'industrie et à la production d'énergie.

L'urbanisation et les remaniements qui en découlent : la création de routes et des cités d'habitat et équipements entraînent l'imperméabilisation des sols et modifient fortement le cycle naturel de l'eau.

Les conséquences sont nombreuses et significatives, il s'agit notamment, d'inondations et de dégradation de la qualité de l'eau des milieux récepteurs (cours d'eau, nappes phréatiques...)

Les ressources en eau sont de plus en plus exploitées dans le territoire, souvent au-delà des capacités naturelles de recharge, et la qualité de cette ressource vitale est souvent compromise par les rejets d'eaux usées urbaines, agricoles et industrielles dans l'environnement. Les eaux usées domestiques infectent les nappes, polluent l'air et favorisent la multiplication des moustiques, vecteurs de maladies.

En milieu saharien, les eaux usées sont déversées dans les oueds qui traversent les palmeraies, ce qui contribue à l'achèvement de ces palmiers que l'Homme du désert a plantés et entretenus depuis des siècles. Les oasis sont en agonie, leur écosystème est rompu à cause des aménagements réalisés depuis des décennies. Qualifiés de modernes, ces derniers négligent pourtant le traitement des eaux usées. Ayant rompu avec les traditions vivantes dans les ksours, de récupération-réutilisation des déchets, les nouveaux villages, avec l'option du «tout à l'égout » vers le rejet à l'oued sans traitement, polluent les sols avant les nappes par les effluents domestiques : résultat en quelques dizaines d'années des siècles de labeur et de laborieux labour sont achevés, sacrifiés sur l'autel d'un modernisme non maîtrisé, aux solutions importées incomplètes et non adéquates. Et des risques sanitaires latents pour les humains.

Les eaux de pluie: dans tous les cas, ne se récupèrent pas et se mélangent aux eaux usées. La conséquence de la pollution de l'eau est la contamination de tous les écosystèmes, la dégradation des rivières et réserves souterraines d'eau douce, et la perte de biodiversité. La pollution de l'eau est une cause majeure de mortalité dans le monde. (typhoïde, choléra, dysenterie, ...).

Les risques de maladies des personnes entraînent la perte de bien-être social. La pollution de l'eau, des forêts et des rivières repousse le tourisme.

Le défi des années à venir réside donc dans la gestion de l'eau dans les villes, au vu de sa rareté et de sa pollution au rejet.

Les agglomérations du pays, dont l'urbanisation ayant commencé à la suite de la colonisation au début du siècle dernier, se sont développées à l'indépendance, en attirant une population rurale à la recherche de meilleures conditions de vie. Cette migration vers la grande ville s'accompagne par une extension aux multiples dysfonctionnements, notamment dans les régions périurbaines: habitat informel, insécurité, pauvreté et dégradation de l'environnement.

Avec la croissance urbaine galopante, la ville est de plus en plus confrontée aux risques de sécheresse, d'inondation et de pollution.

La problématique des inondations devient un enjeu majeur en termes de sécurité publique, notamment de part les impacts à venir du réchauffement climatique qui ne vont faire qu'accentuer les phénomènes extrêmes, plus de sécheresse d'un côté et plus d'inondations d'un autre.

L'urbanisation grandissante et la densification de l'habitat ont entraîné une imperméabilisation croissante des terrains par les revêtements des sols, l'eau de pluie n'est plus absorbée par la terre, elle ruisselle et s'écoule dans les réseaux qui ne sont pas calibrés pour de telles quantités. Une situation aggravée par la récurrence d'épisodes pluvieux de plus en plus violents. Ne pouvant absorber autant d'eau, les réseaux débordent et provoquent des inondations.

La mise en œuvre des plans d'urbanisme concrétisée entre autres par les opérations de lotissements pose d'énormes contraintes de viabilisation (voirie, assainissement des eaux usées et des eaux pluviales, etc.) qui viennent accentuer les graves problèmes de pollution de l'environnement et de pénurie de l'eau dus aux phénomènes suivants :

L'inondation des terrains urbains, la stagnation des eaux pluviales sur les chaussées et en particulier dans les dépressions, la sécheresse chronique et les perturbations dans l'alimentation en eau potable, la pollution des oueds et des rivières, et des nappes phréatiques, les risques sanitaires, le retard dans l'exécution des réseaux d'assainissement, dus à la crise, au niveau des lotissements et cités d'habitations lancés ces dernières années.

Comment gérer d'une manière économe et écologique l'eau, qu'elle soit pluviale ou usée, dans les aménagements urbains et les projets d'habitat notamment les lotissements lancés ces dernières années, dont la viabilisation connaît un déficit faute de moyens financiers ?

La sécheresse puis les inondations et les pollutions de ces dernières années soulignent toute l'actualité de la problématique de la gestion de l'eau (cf. les articles de presse des quatre dernières années qui ont couvert les émeutes relatives aux pénuries d'eau, les pollutions des eaux, les risques de choléra, et les dégâts des inondations dans certaines villes).

Comment diminuer les risques d'inondation, phénomène naturel inéluctable dont on peut sûrement atténuer les dégâts par des solutions techniques simples et peu coûteuses, à l'instar des villes des pays développés ?

Ces risques dus à des défaillances dans la gestion de l'eau entraînent des perturbations de son cycle naturel. Des lacunes dans les différents secteurs, produites par de multiples acteurs censés intervenir dans le processus d'aménagement sont les causes directes. Le cloisonnement, le manque de concertation, le retard dans l'appréhension des problèmes, la crise financière, et l'absence de rigueur de certains intervenants font que l'on n'arrive pas à prendre conscience du danger de la situation et de l'urgence de trouver les solutions adéquates en partant des expériences d'autres pays plus riches et plus aptes à relever les défis de l'urbanisation face au changement climatique.

Dans le contexte de sécheresse, de pénurie et de forte pression sur les ressources en eau, le traitement et la réutilisation des eaux pluviales et des eaux usées constitue une réponse à une demande sans cesse croissante qui s'inscrit dans une vision de développement durable.

Une analyse globale des problèmes de l'eau est nécessaire pou aborder tous les enjeux de sa gestion et de sa disponibilité pour les générations futures en quantités et en qualité. Il existe aussi des techniques alternatives de phyto-épuration ou jardin-filtrant pour l'épuration des eaux usées, consistant en bassins remplis de galets et plantés de roseaux (phragmites), dont des expériences pilotes réussies sont réalisées notamment à Laghouat-Ouargla depuis 2007, et qui se réalisent dans le monde depuis une trentaine d'années.

Ce plan vise leur présentation pour une généralisation pratique dans le territoire du pays, notamment à travers une sensibilisation élargie aux différents acteurs, et un plaidoyer pour une mise à niveau de la réglementation.

La récupération des eaux pluviales et l'épuration des eaux usées permettent d'ouvrir d'autres chantiers tels que la lutte contre la désertification en lançant des programmes verts pour l'ensemble du territoire.

La généralisation des techniques de récupération des eaux pluviales et d'épuration eaux usées par des filtres plantés de roseaux passe par une sensibilisation des différents acteurs de l'acte de bâtir et une mise à jour de la réglementation relative à la gestion durable de l'eau.

Il existe des stratégies adaptées pour une gestion durable des eaux pluviales urbaines et des eaux usées en harmonisant les actions de la parcelle au territoire en passant par le quartier, la ville, puis la région.

Il serait possible en gérant les eaux pluviales, par bassin versant à la source, de créer des zones humides dans tout le territoire, et en épurant les eaux usées, de créer des espace verts - tout en utilisant l'eau épurée pour les baignades, ou l'irrigation des végétations.

Répondre aux besoins d'économie d'eau, minimiser les risques sanitaires de pollution à moindres frais et limiter les dégâts causés par les inondations sont des principes qui nous ont guidés dans ce plan. Dresser des directives pour les interventions au niveau des points noirs de débordement des regards d'assainissement et de stagnation des eaux pluviales au niveau du tissu urbain, basé sur les concepts de techniques alternatives et de bassins à filtres de roseaux.

Proposer des recommandations à inclure dans les règlements pour permis de construire et permis de lotir au vu de la nécessité de récupération-épuration et des eaux pluviales et des eaux usées, par les techniques alternatives et les filtres plantés de roseaux.

Donner en ces temps de crise une réponse fiable aux problèmes de disponibilités financières obstacles à l'assainissement des lotissements ainsi que de cités d'habitations, aux milliers de lots et de logements lancés ces dernières années à travers le pays.

L'école privée pour l'élite américaine Sidwell Friends School à Washington DC, non seulement récupère toutes les eaux de pluie tombées sur son territoire, mais procède à l'épuration des eaux vannes et eaux usées par des filtres de roseaux installés dans la cour, les eaux traités son retenues dans un bassin au milieu de la cour, des canards et des poissons y vivent pour le bonheur d'apprendre des petits...

Enjeux de sécurité publique, amplifiés par le changement climatique à travers les risques d'inondation. Les inondations de 2008, puis celles de 2014 à Bechar et celles qu'ont connues certaines villes ces dernières années (Tébessa, Constantine, Alger, Skikda, Annaba...), avec leurs lots de dégâts dans les infrastructures et les bien privés et publics, estimés à des milliards de dinars, nous interpellent à entamer une présentation des techniques utilisées dans d'autres pays et les moyens de les adapter dans tout le territoire.

Les aménagements ont un impact qualitatif et quantitatif sur la ressource eau et sur les risques d'inondation. L'urbanisation extensive entraîne un déficit d'infiltration, un lessivage des polluants urbains et accentue les risques d'inondation.

Quant aux techniques de récupération des eaux pluviales, elles restent inconnues et inapplicables dans notre pays, surtout pour celles relatives à leur récupération et gestion pour limiter les risques des inondations ou pertes dans les égouts.

Le traitement de rétention-épuration des eaux pluviales permettrait aussi une atténuation des risques d'inondations générées par les crues, le stockage et la réutilisation de ces eaux augmenterait la superficie irriguée supplémentaire et sauverait les terres agricoles en danger de sécheresse.

Enjeu de disponibilité face aux pénuries, dues à l'abaissement du niveau des barrages, résultat de la sécheresse.

Enjeux de santé publique : étant donné que des quantités importantes d'eaux usées domestiques continuent, à ce jour, à être déversées dans la nature sans aucun traitement préalable, ce qui génère des impacts négatifs sur l'environnement, la nappe phréatique et la santé des personnes en contact avec ces eaux en raison des maladies hydriques qu'elles peuvent causer. Il existe des indices de pollution des eaux qui méritent dès à présent qu'on se penche dessus.

En révisant les limites de la réglementation algérienne en matière de gestion de l'eau (pluviales et usées) comparativement aux législations de certains pays développés.

Cette démarche vise la prise en charge cohérente de la problématique d'ensemble de l'eau, qu'elle soit pluviale ou usée, dans les différentes échelles du local au global.

Ce plan montrera l'expérience des pays développés dans la gestion alternative à la solution « du tout à l'égout » des eaux pluviales et eaux usées avec des moyens économiques et écologiques : basée sur le concept du filtre planté de roseaux.

Ce plan est une opportunité pour définir, présenter et mettre en valeur la gestion durable des eaux pluviales par la généralisation des techniques alternatives à la solution du tout à l'égout devenues incontournables car plus efficaces et moins onéreuses.

Enjeux réglementaires et législatifs de rationalisation de l'action des collectivités et de sensibilisation des citoyens face à tous les aspects concernant l'eau et sa gestion.

Le plan définira des mesures visant à généraliser la création de zones humides plantées de roseaux. Des mesures structurantes et valorisantes en terme paysager pour la prévention des inondations urbaines et la limitation des pollutions seront ainsi prises.

Comment épurer les eaux par ces temps de crise, partout dans toutes nos villes et villages à moindres frais?

Enjeu d'assainissement à faible coût et d'épuration écologique pour une réutilisation dans l'irrigation, ou pour l'alimentation des nappes phréatiques sans risques de pollution.

Les effets de pollution liée aux rejets des eaux usées en milieu urbain et rural incitent à une gestion rationnelle de cette ressource hydrique par le recours à des actions d'optimisation de la gestion de l'eau dans toutes ses formes pluviales, usées, souterraines...

Comment réduire la pollution des eaux usées, source de maladies hydriques?

Si l'épuration des eaux usées est une évidence pour limiter la pollution et amoindrir les risques sanitaires, la mise en place de stations d'épuration est prise en otage d'un côté par la cherté des installations, et d'autres part par les difficultés techniques de leur fonctionnement et manutention (pièces de rechange et surconsommation d'électricité, ...)

Dans le même temps, les techniques évoluent, se diversifient, se perfectionnent dans le monde grâce aux recherches et réalisations entamées et entreprises depuis des décennies. Notamment les techniques de phyto-épuration : filtres plantés de roseaux.

Il existe de par le monde des solutions d'aménagement pour limiter les risques des inondations et des pollutions, qui convergent toutes vers la phyto-épuration pour plusieurs avantages, notamment son coût faible et sa facilité et de réalisation et d'entretien. L'on avance dans la littérature sur la question la formule : Le Génie Ecologique et Végétal au secours du Génie Civil.

Dans ce sens, notre plan vise à montrer la simplicité et l'efficacité des procédés naturels utilisant des macrophytes (roseaux) comme une solution alternative pour le traitement des eaux usées des petites collectivités, ou quartiers d'agglomérations urbaines.

Les filtres plantés de macrophytes (plantes aquatiques, dont les roseaux font partie), issus de l'observation des zones humides naturelles reproduisant les processus épuratoires des écosystèmes naturels, et offrent une alternative écologique, économique, durable et esthétique.

Mais celles-ci sont encore très peu nombreuses, dans notre région, et se limitent à deux expériences pilotes réalisées dans la wilaya d'Ouargla pour le traitement et la réutilisation des eaux usées.

La problématique de la pollution provoquée par les eaux usées est devenue inquiétante, l'épuration de ces eaux est devenue une nécessité. Dans ces moments de crise, l'expérience des jardins filtrants (gravier et roseaux), dont une expérience pilote a été réalisée à Timacine-Laghouat, est à généraliser à une centaine à travers le pays au vu des résultats probants obtenus dans l'épuration des eaux usées, comme l'a promis le ministre des ressources hydriques, lors d'une conférence de presse parue dans Le Soir du 08/05/2013.

Comment promouvoir, mettre en valeur et généraliser les solutions d'épuration plus écologiques, moins coûteuses et plus simples d'entretien, faites de bassin planté de roseaux ?

Pour sensibiliser, faire connaître, apporter des connaissances, corriger des habitudes mentales et mettre en valeur les techniques alternatives économes et écologiques de traitement des eaux usées, et de récupération des eaux pluviales : ce plan va se pencher exhaustivement sur la gestion économe et écologique de l'eau dans toutes les agglomérations.

La présentation de ce plan montrera des techniques simples à réaliser, à la portée de tous et mobilisables au quotidien.

Ce plan révèle la simplicité et l'efficacité de ce procédé naturel d'épuration des eaux usées domestiques dans des milieux ruraux et urbains, par rapport à la complexité et aux coûts importants des stations d'épuration classiques.

D'où la question globale :

Pourquoi ne pas généraliser et réadapter les techniques écologiques et économiques, de phyto-épuration dans la récupération des eaux de pluies et l'épuration des eaux usées, dans les milieux ruraux et urbains?

Mots clés : Eaux pluviales, Eaux usées, Techniques alternatives, Filtres plantés de roseaux, Phyto-épuration, Anti-inondations, infrastructures vertes.

*Architecte. Université de Mouloud Maameri