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La mission du président Tebboune : mettre en état un etat qui était dans tous ses états (Suite et fin)

par Chaïb Aïssa-Khaled*

La mondialisation s'accélérant et s'intensifiant, elle appelle les Etats à promouvoir le pouvoir citoyen parce qu'il est l'émanation de la volonté populaire, parce qu'il est le seul capable d'écarter les risques de la marginalisation et d'exclusion et le seul habilité à développer une coopération confiante et fructueuse avec les peuples qui s'engageront dès lors à relever les défis qui s'érigent, d'ailleurs, dans des allures grandiose-. Les futurs gouvernants algériens, incarnant le peuple, ne s'encoconneront pas dans leur bulle ou dans des fantasmes mégalomaniaques. Ils n'occulteront pas ce qu'ils devront avoir en commun avec leur peuple, (œuvrer ensemble à la valorisation des atouts du pays).Ils banniront le pouvoir policier, cette forme d'entreprise qui faisait carrément fi de l'intérêt du peuple et constitutionnaliseront le pouvoir citoyen pour en faire une entreprise qui se chargera de sauvegarder les intérêts de la nation.

A l'opposé de ceux qui, ayant fait dans une logique de non-Etat, avaient aveuglément et sans remords, perpétué le chaos qu'ils avaient par petites touches mais magistralement réussi, ceux qui seront en charge du pilotage de la nouvelle République algérienne, se démarqueront de tout ce qui risquerait de pervertir le sens réel de la gouvernance génératrice du développement durable, équitable et équilibré entre régions. Ils promouvront un modèle de gouvernance ouvert, transparent, animé par une volonté politique ferme et qui sera à l'écoute des préoccupations de la société, (ses ambitions, ses aspirations, ses besoins et ses contraintes). La confiance s'établissant et devenant une monnaie d'échange, celle-ci se sentant alors concernée, elle réagira positivement et collaborera pour que s'accomplisse le rêve national. Alors que le système régnant révolu, pataugeant dans une situation monopolistique aggravée par le manque de visibilité politique et de transparence, avait ignoré les attentes de celle-ci, (la société), le pouvoir intronisé par la force de la démocratie, en prendra acte et en mesurera l'immensité.

Evaluant, en outre, les séquelles des écueils qui s'étaient dressés sur la voie d'un hypothétique renouveau national et qui n'avaient fait que raviner le fossé de la méfiance, du raz le bol, de l'exaspération, de la détresse, de l'incertitude même, le pouvoir politique élu du peuple n'en fera pas une fatalité. Il œuvrera, plutôt, pour que la société algérienne ne soit plus abusée et résignée à nourrir le dépit, l'amertume et ce sempiternel état d'angoisse qui l'étouffait. Il veillera, à cet effet, pour que la routinisation du syndrome de prédation sur les ressources nationales n'ait plus droit de cité. Rappelons à ce propos que la corruption par parts captées qui sévissait, c'est-à-dire par des prélèvements illégitimes sur les revenus nationaux, avait altéré la richesse nationale, saigné l'économie et affecté les rouages des institutions qui se distinguaient alors par un discours apathique, une éthique dévitalisée, une gouvernance à sens unique ou plutôt une non gestion, une tactique farfelue, une stratégie opaque, un autoritarisme sans retenue et de surcroît par incompétence notoire.

A l'avenir et parce que les débats ne seront plus biaisés, les forces vives et les bonnes volontés ne seront plus à pervertir. Elles croiront aux réformes, (relance économique, lutte contre les pratiques malsaines), parce qu'elles les accompagneront.

Se dressant comme un I face à ce forfait majeur, (la prédation), ceux que le peuple a cautionné pour gérer son sort, s'investiront dans l'édification d'un authentique projet démocratique, celui qui œuvrera à redonner leur légitimité profonde aux institutions de l'Etat dont le discrédit, du fait des dérives de tous les ordres, avait affaibli la conscience citoyenne du peuple parce qu'elle n'était pas fondée sur le respect mutuel des convictions, sur la compétition pacifique des idées et des programmes, sur la garantie des droits constitutionnels intangibles aux libertés publiques et individuelles, sur la moralisation de l'Etat parce qu'elle porte en elle la réponse aux revendications de la société pour la justice, la dignité, la solidarité dans l'effort et les sacrifices » Cela dit, ils s'évertueront à définir les objectifs de leur gouvernance dont l'aboutissement conditionnera le recouvrement de la pleine confiance dans les institutions de la République et donnera pertinence et pleine efficacité aux actions publiques de développement économique et social. Parmi ces objectifs on répertorie :

*la protection concrète des citoyens contre tous les abus d'où qu'ils viennent ;

*l'établissement dans les faits du principe de la primauté de la loi et de l'égalité absolue devant elle ;

*la consécration du mérite et de l'effort comme seuls critères de promotion et d'élévation sociales ;

*la garantie de l'égalité des chances pour tous ;

*l'impartialité de l'administration et la qualité des prestations du service public ;

*la définition des mécanismes à mettre en œuvre pour promouvoir es compétences tout en leur offrant le cadre adéquat à leur plein expression ;

*la mise en place des conditions de contrôle ferme et efficace pour concourir à l'élimination des gaspillages et des détournements des moyens de la collectivité.

S'investissant dans l'édification de la légitimité des institutions de l'Etat, le pouvoir mis en place, tout en réhabilitant le savoir faire managérial et le savoir être entrepreneurial, il combattra le phénomène de l'appartenance à?, la corruption qui prenait du pas, l'anarchie qui a maculé les appareils de l'Etat, la décadence des mœurs qui a altéré la pratique de l'autorité, l'opacité constitutionnelle dans laquelle se débattait leur pays, la démagogie que nourrissait la propagande qui tenait lieu de discours politique. L'information claire, juste et nette sera de mise. En somme, il combattra la spirale de la régression multisectorielle qui était devenue en Algérie une vérité profonde de laquelle le peuple était, en quelque sorte, sommé de s'accommoder mais à laquelle il ne s'était jamais adapté. Les affaires de l'Etat ne seront pas en annexe à d'autres considérations. Il n'assujettira pas les préoccupations de la société, il en fera les siennes. Il ne managera pas une gestion populiste de l'économie en vue de tenter de provoquer une euphorie sociale pour s'assurer une éventuelle paix sociale. Il ne fera pas dans des dépenses ostentatoires pour les besoins de la magnificence. Il bannira les ressources consommées par des postes oisifs, par des semblants de management et de contrôle. Il valorisera les qualifications et les compétences. Il mettra fin aux jeux éhontés des transferts de fonds qui ont favorisé et engraissé la prolifération des foyers de la corruption. Il punira la surfacturation des projets liés à l'ineffectivité des dispositifs de contrôle de l'exécution des marchés.

Prenant acte tant des soucis des jeunes que de celui des moins jeunes, (leur droit à une vie décente), il engagera des réformes structurelles multisectorielles qui seront entreprises à travers un programme cohérent et graduel au profit d'une croissance civilisationnelle forte et durable. Cela suppose que le dignitaire qui émargera au système politique et le Chef de l'Etat appelés à gérer le sort de la nouvelle République en marche, devront aimer leur peuple pour pouvoir remettre son Etat qui était dans tous ses états, c'est aussi simple que çà !!.

Profil du dignitaire qui aime son peuple

Un Smig d'histoire

Coincés dans une forme humaine, les dignitaires qui régentaient les affaires du système politique révolu, ne vivaient que pour entretenir et exacerber des dynamiques destructrices, que pour promouvoir et orchestrer la dépossession, que pour s'assurer une relève par des démons non moins despotes, que pour provoquer la dérive des mentalités, des comportements et des consciences, que pour accélérer l'usure de ce qui est, en chacun des Algériens, de profondément humain.

Renaissant perpétuellement de leurs forfaits, ils se permettaient d'appeler au respect des règles du jeu, eux qui ne les ont jamais respectées et au respect de la morale, eux qui ne l'ont jamais considérée.

Ils étaient nombreux, mais ils étaient si solidaires et tellement autoritaires que chacun d'eux avait l'impression qu'ils étaient des millions. Ils avaient l'œil inquiet, les rides travaillées, la fausse dent bien acérée et le carnet d'adresses bien rempli. Ils étaient riches et à l'abri du besoin. Ils avaient des contacts avec le progrès et la technologie que par la consommation immédiate et sans plus. Ils sortaient indemnes des ruines des affrontements qu'ils fomentaient, (rappelons l'affrontement qui a duré de 1988 (5 octobre) à 1999).

Ce qui était paradoxale, c'est qu'ils n'avaient pas d'âge même s'ils avaient plus de soixante dix ans car pour eux le temps ne comptait pas. Ils calculaient tout. Ils «mangeaient» en groupe. Chacun d'eux se déplaçait seul. Ils n'aimaient pas les jeunes, à part les leurs. Ils les considéraient comme mal élevés, comme ceux qui n'ont rien compris aux choses de ce monde. Ils aimaient l'argent, l'impunité et le pouvoir ce qui explique qu'à leur âge avancé, ils ne voulaient rien lâcher, ni avantages ni fonctions. Ils gardaient une main ferme sur tout ce qui bougeait, avec une prédilection pour ce qui ne bougeait pas. Ils n'aimaient pas le mouvement, sauf si c'était le leur. Quand ils voulaient travailler on leur donnait des postes supérieurs ou à la limite des entreprises publiques à gérer à leur profit exclusif. Quand ils tombaient malades, ils étaient pris en charge pour des soins à l'étranger. Quand ils avaient des démêlées avec la justice, on leur achetait la justice. Ils avaient un passé flou mais un présent bien solide. Ils ne mangeaient jamais leurs fruits mais ceux des autres.

Alors que les sciences politiques et sociales, les sciences humaines et la philosophie ont montré qu'aucune nation ne peut progresser et évoluer sans disposer d'un modèle, d'un paradigme ainsi que des valeurs vers lesquelles elle doit tendre pour s'accomplir, alors qu'elles avaient montré que chaque peuple doit cheminer la destinée qu'il s'est forgé lui-même, ceux qui furent les «dignitaires» algériens, (reste à prouver, sic !!!), avaient fait du pouvoir qu'ils avaient confisqué d'ailleurs, une affectation définitive. En conséquence, les changements tant souhaités par le peuple algérien et tant promis, étaient systématiquement décalés, reportés à son mépris, au mépris de ceux qui lui étaient opposés et au mépris, bien entendu, de la démocratie.

A propos de démocratie. En Algérie, la courroie de transmission entre le pouvoir et la société ne fonctionnait pas. Etant affirmée comme un processus de dialogue, de concertation et de négociation entre ceux qui gouvernent et l'opposition d'une part et entre ces deux entités et le peuple, d'autre part, en Algérie la machine était en panne. Ceux qui la pilotaient, laminés pour la plupart par un déficit physique, (décrépitude) et rongés par un syndrome mental, (jouer le rôle de Dieu sur terre), voulaient que les partis politiques qui quand bien même étaient agrées, ne se développent surtout pas selon un processus d'élections pluralistes disputées dans la confrontation des idées et faisant dans l'alternance démocratique.

Inspirés par leur seul instinct de base, détenir le pouvoir et s'y agripper crocs et ongles aussi longtemps que possible et demeurer indéfiniment, (quand bien même la mort s'en suivra), les seuls maitres à penser et à agir au plan politique, idéologique, économique, social et culturel et surtout, les seuls bénéficiaires de la rente. Comme l'autruche, ils enfonçaient la tête dans le cou occultant toute éventualité de mécontentement populaire qui risquerait d'engager leurs pays dans une épreuve vers l'inconnu.

Vouloir expertiser l'œuvre du dignitaire de l'actuel pouvoir politique est loin d'être une entreprise ardue puisqu'il s'agira d'un dignitaire qui aimera son peuple. Cela dit, ce dignitaire devra en premier lieu se démarquer, franchement et sans bavure, de la forfaiture ci-dessus narrée et par laquelle s'était singularisé celui qui émargeait au système politique qui, désormais fera partie de l'arriération du passé.

D'abord et en premier lieu, la circonspection dans la gestion des missions dont seront en charge, les dignitaires qui animeront la scène politique de la nouvelle république, devra être leur propre, car ils seront sensés de l'accomplir avec le maximum de chances de succès. Si dans un passé récent, la seule qualification dont devra se prévaloir le responsable algérien, était d'être coopté par le sérail et la seule compétence dont il devra être nanti était d'être capable de piloter sa tâche «au jugé» et de gesticuler pour que rien ne change au désordre des choses, refaire le sort d'un peuple, ne pourra plus, désormais, être un jeu de dilettantes et d'accaparateurs. Les responsables appelés à lui redonner son contour, devront avoir l'accent de la sincérité et ne feront pas de courbettes à la fatalité. Ils ne composeront pas avec cette démagogie qui fut élevée au rang de culture en s'inventant, au gré des situations, tantôt idéalistes, tantôt prêcheurs parce qu'ils ne devront pas perdre de vue qu'il seront chargés de mission par le peuple auquel ils rendront compte. Ils ne joueront pas à avoir la conviction entêtée, comme ils ne s'évertueront pas à doper leurs mots pour se faire entendre. Autrement dit, ils n'useront pas d'un langage intempestif comme pour dérouter l'auditoire. Sûrs de ce qu'ils feront et de ce qu'ils diront, ils n'auront pas besoin de gestes en quête de contenance comme pour s'affranchir des sens communs. Ils ne s'érigeront jamais en défi. Ils ne confondront jamais le bien avec leur volonté. Ils ne s'aventureront jamais à tout effacer pour tout recommencer avec une dose supplémentaire de désinvolture. De l'échec national, par petites touches traditionnalisé au point d'être devenu une norme de gestion, ils n'en feront pas une fatalité. La responsabilité ne sera donc pas une fantaisie et la morale, un artifice. Ils ne chercheront pas à se fossiliser dans la mission qui leur sera confiée. Dompter celle-ci, sera leur seul et unique souci.

Ne faisant pas dans l'air d'avoir l'air sans pour autant avoir l'air et ne se laissant pas aller sur la pente d'une imagination féconde en subtilités superflues, ils agiront. L'Algérie qui fut flagellée par des conditions de vie profondément dégradées et qui avaient failli provoquer une désintégration sociale, ne devra pas être un faubourg malfamé du monde. Elle devra sortir de l'isolement et devenir un Etat avec lequel il faudra compter.

Faisant table rase d'un passé politique qui avait épaissi la gabegie à coup de discours incarnant la stupidité alliée à la cruauté et à l'arbitraire, ils réhabiliteront la citoyenneté tant brimée, tant méprisée, rétabliront cet équilibre naturel entre le présent et le futur, entre l'ancien et la modernité, entre le libéralisme et la justice sociale et réinséreront le libéralisme politique, la démocratie et la liberté d'expression dans la logique qui est celle de leur peuple. Ne s'érigeant pas en agitateurs d'égoïsme et en promoteurs de chimériques généralités, Ils n'inciteront pas à l'épars, ils ne provoqueront pas la convulsion des énergies, ils n'encourageront pas à l'inertie.

*Directeur de l'éducation de wilaya - Professeur INRE