Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le modèle chinois en question

par Akram Belkaïd, Paris

Quel est le pays au monde qui ne rêverait pas d’enregistrer une croissance de 4,9% de son produit intérieur brut (PIB) ? Dans le cas de la Chine, qui vient d’enregistrer ce taux pour le troisième trimestre de l’année (après 18,3% et 7,9% pour les deux premiers trimestres), nombreux sont les commentateurs qui font la fine bouche, voire qui présentent la chose comme étant une contre-performance notable de ce qui est devenu depuis quelques années la première économie du monde.

Production affectée

On connaît les raisons de ce ralentissement. L’épidémie de Covid-19 a désorganisé l’appareil productif chinois. Les commandes de l’étranger font le yoyo, un peu à l’image d’un bouchon autoroutier qui avance par à-coups. Dans ce contexte, les décisions favorables à l’environnement, comme le fait de stopper les centrales à charbon, se sont avérées contre-productives en provoquant des coupures de courant qui ont donc mis à l’arrêt les chaînes de production. Dans le même temps, les circuits logistiques sont eux aussi perturbés avec des bateaux qui mouillent durant des semaines au large des ports occidentaux, notamment américains, avant de pouvoir débarquer leurs marchandises et repartir pour un nouveau chargement.
De plus, l’affaire Evergrande, déjà évoquée dans ces colonnes, est loin d’être terminée. Pire, la psychose de la faillite d’autres conglomérats alimente désormais la chronique. Le résultat est une perte de confiance des opérateurs chinois et une prudence quant à leurs projets de développement. Bref, on peut être tenté d’affirmer que le doute s’installe concernant la capacité de la Chine à rapidement digérer le choc de la pandémie tout en faisant face à ses problèmes structurels qui datent depuis plus d’une décennie.

Marché intérieur ou exportations ?

Ce qui est certain, c’est que la thèse apparue il y a quelques années, certes de manière fugitive, selon laquelle Pékin allait peu à peu donner plus d’autonomie aux acteurs économiques a complètement été contredite par les évènements. La crise due au Covid-19 a obligé l’Etat chinois à plus d’interventionnisme. De même, les déboires d’Evergrande poussent les autorités à être encore plus vigilantes à l’égard du secteur financier. Plus que de savoir si Pékin va sauver ou non ce conglomérat, la vraie question est de savoir ce qu’il fera avec les autres dont la santé financière est elle aussi défaillante.
Plus important encore, on se rend bien compte à quel point l’économie chinoise est dépendante du reste du monde. Là aussi, une autre thèse, plus répandue, vient d’être battue en brèche. Non, la Chine n’est pas capable pour le moment de ne compter que sur son seul marché intérieur et d’imiter les Etats-Unis où la consommation intérieure compte pour les deux tiers du PIB. Pour l’heure, les exportations, encouragées par les localisations d’entreprises étrangères (114 milliards d’investissements étrangers ont été enregistrés pour les huit premiers mois de l’année contre 144 milliards en 2020) restent le moteur économique de la Chine. L’heure de l’avènement d’une économie plus autonome n’a pas encore sonné.