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Energie en tension

par Akram Belkaïd, Paris

On ne sait pas encore s’il ne s’agit que d’une conjoncture occasionnelle ou si l’on entre dans une période durable aux conséquences potentiellement dévastatrices. Où que l’on soit, les nouvelles concernant l’énergie sont des plus inquiétantes même si les exportateurs de gaz et de pétrole sont ravis car la rente se fait (enfin) plus conséquente. En effet, les cours ne cessent de grimper. L’or noir est au-dessus des 80 dollars pour le baril de Brent et en Europe tandis que les prix du gaz pourraient atteindre 100% d’augmentation à la fin de l’année par rapport à leur niveau de décembre 2020.

Coupures en Chine

En Chine, une série de coupures d’électricité pénalise l’économie. Des usines sont à l’arrêt tandis que des villes entières sont plongées dans le noir. Pas de répit en vue, les autorités reconnaissent qu’il n’y aura pas de solution miracle. Même la capitale Pékin est touchée avec des coupures de plusieurs heures et, dans tout le pays, 18 provinces sur 31 sont concernées. Les autorités avancent trois raisons : la demande augmente en raison de l’arrivée de basses températures précoces, la machine économique qui redémarre et la mise hors circuit de centrales à charbon trop polluantes. Pour Pékin, la situation est emblématique de ce que vivra le pays au cours des prochaines années à moins qu’il n’investisse massivement dans de nouvelles installations.

En France, les tarifs de gaz vont encore augmenter au 1er octobre avec un bond de 12,6% toutes taxes comprises (9,1% pour ceux qui ont un double usage du gaz : cuisson et eau chaude et 14,3% pour les foyers qui se chauffent au gaz). Là aussi, les raisons avancées combinent hausse de la demande, problèmes d’approvisionnement, baisse des stocks et incapacité de la Russie et de la Norvège, les deux principaux fournisseurs de l’Europe et de la France, à augmenter leur production.

En attendant la transition

Voilà donc une conséquence inattendue de la sortie progressive de la pandémie de Covid-19 (qui reste encore à confirmer). L’économie mondiale va faire face à une sévère tension sur l’énergie. De quoi aggraver les tensions sociales et politiques et de donner un aperçu de ce que risque d’être le XXIe siècle si rien n’est fait pour accélérer la transition énergétique. Il suffirait aujourd’hui qu’un producteur majeur de gaz diminue sa production, pour une raison ou pour une autre, pour que la situation dégénère et que la panique s’empare des marchés et des consommateurs. On imagine aussi ce que sera la campagne électorale française si un mouvement comparable à celui des gilets jaune apparaît. Pour mémoire, c’est une hausse des taxes sur le gasoil qui avait provoqué la colère de nombre de Français.

Cette situation est aussi le résultat de décennies de dérégulation et de levées de contraintes à la spéculation. On imagine la situation si l’on était en octobre 2023, date à partir de laquelle l’Union européenne aura imposé à ses membres une totale libéralisation du marché et donc la fin des prix réglementés.