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Réunion gouvernement-walis: Dynamiser l'économie nationale et rétablir la confiance Etat-citoyens

par Abderrahmane Mebtoul*

Les walis se réuniront les 25/26 septembre 2021 sous la haute autorité du président de la République, afin de procéder à «l'examen des voies et moyens de relancer une nouvelle dynamique dans le processus du développement local notamment les axes liés à l'adaptation des programmes du développement local et ceux du développement régional équilibré et les modalités et outils de relance de l'investissement et de gestion des crises au niveau local ainsi que la réformes des méthodes de gestion des services publics». Depuis les années 1970 avec les programmes spéciaux à 2021, nous avons assisté à des dizaines de réunions de ce genre sans pourtant dynamiser réellement la gestion des collectivités locales. Cette nouvelle réunion permettra-t-elle de dépasser la léthargie actuelle ? Il existe une unanimité des experts nationaux et internationaux, si le gouvernement veut réaliser son programme d'action qui ne saurait s'assimiler à un programme politique (idées générales), il doit quantifier les moyens humains/financiers et les objectifs datés avec précision pour s'adapter au nouveau monde. Car, l'impact de l'épidémie du coronavirus préfigure d'importantes mutations géostratégiques mondiales, politiques, économiques, sociales et sécuritaires où le monde ne sera plus jamais comme avant. Mais cette épidémie n'est rien face aux impacts du réchauffement climatique qui risque de bouleverser toute la planète avec la guerre pour l'eau, posant le problème de la sécurité alimentaire, et la nécessaire adaptation à la transition numérique et énergétique. D'où l'urgence de la refonte du système politique et socio-économique et une réorganisation institutionnelle centrale et locale

1.-La gouvernance centrale doit se fonder sur une vision stratégique

Sans une planification stratégique, il est illusoire de dynamiser les collectivités locales devant éviter sept mythes qui ne peuvent que conduire le pays à l'impasse.

1.1.-Sans un retour à la confiance et la moralité des dirigeants, cette société anémique comme l'a mis en relief le grand sociologue maghrébin Ibn Khaldoun, il est illusoire de parler de développement et d'un Front intérieur poudrant indispensable en faveur des réformes qui seront douloureuses à court terme mais porteuses d'espoir à moyen terme. L'annonce de l'amélioration de la balance commerciale pour 2021 ne relève pas d'une bonne gestion mais de la réduction drastique des importations qui ont paralysé bon nombre de secteurs. C'est comme dans un ménage où la réduction de la nourriture entraîne des maladies mais cette fois sur le corps social. Le taux de croissance du produit intérieur brut PIB dépend fondamentalement via la dépense publique de l'évolution du cours des hydrocarbures, le taux d'intégration des entreprises publiques et privées ne dépassant pas les 15%, plus de 95% étant des entreprises unipersonnelles ou de petites SRL peu innovantes, qui détermine à la fois le taux de croissance, le taux d'emploi et les réserves de change. Les 2,9 milliards de dollars d'exportation hors hydrocarbures pour les huit premiers mois, 2021, annoncés par le ministère du Commerce ne doivent pas faire illusion, 70/80% étant des dérivés d'hydrocarbures ou des produits semi- bruts, les produits manufacturés et les produits alimentaires représentant environ 600 millions de dollars et devant pour avoir la balance devises nettes pour l'Algérie, soustraire les matières premières importées en devises et les exonérations fiscales.

L'Algérie ne peut continuer à fonctionner sur la base d'un cours supérieur à 100 dollars le baril, où selon le FMI le cours budgétaire inscrit dans les différentes lois de finances tantôt 30 ou 40 dollars étant un artifice comptable, le prix d'équilibre était estimé de 104,6 dollars en 2019 et à plus de 110 dollars pour les lois de finances 2020/2021. Les tensions sociales, tant qu'il y a la rente, sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions et transferts sociaux représentant 23,7% du budget général de l'Etat et 9,4% du PIB pour l'exercice 2021, mais mal gérés et mal ciblés.

1.2. La récupération des transferts illicites de capitaux grâce à un accord à l'amiable est une illusion

L'introduction de cette clause a fait débat au niveau de l'APN. Selon la majorité des experts juristes consultés, si cela ne pose pas de problèmes pour les biens visibles notariés en Algérie, mais posant problème pour le capital-argent dans la sphère informelle et les prête-noms, c'est une opération très complexe à l'étranger pour les capitaux placés dans des paradis fiscaux, en actions ou obligations anonymes et dans la majorité des cas mis au nom de tierces personnes souvent de nationalités étrangères. Cette proposition qui certainement n'a pas fait l'unanimité au niveau des différents centres de décisions et pour éviter des débats stériles, explique la réponse du Premier ministre qui a déclaré officiellement que cela ne concerne pas les oligarques actuellement en détention et condamnées par la justice mais que les sociétés étrangères, opérations également complexe.

Dans cette conjoncture difficile de tensions géostratégiques, budgétaires et sociales, et pour éviter des débats stériles, il ne faut pas se focaliser sur l'accord à l'amiable, procédure très complexe, concernant les transferts illicites de capitaux, mais mettre en place de nouveaux mécanismes de régulation afin que ces pratiques ne se reproduisent plus, devant libérer toutes les énergies créatrices en combattant le terrorisme bureaucratique paralysant. Lorsque des responsables de la présidence de la République, le Premier ministre, un ministre ou un wali recevront au perron de leurs bureaux avec un tapis rouge, les managers publics et privés créateurs de richesses et des professeurs et chercheurs de renom, on pourra alors dire que l'Algérie aura changé.

1.3. La créationde millions d'emplois sans réformes ni rigueur budgétaire est un mythe

A la lumière des données officielles, on constate un gaspillage important des ressources financières. Selon le rapport du Premier ministère en date du 01 janvier 2021, repris par l'APS, durant les 30 dernières années, l'assainissement des entreprises publiques a nécessité environ 25 milliards de dollars dont plus de 80% sont revenus à la case départ, entre 2005/2020, la réévaluation des projets a coûté plus de 8.900 milliards de dinars, soit au cours moyen de 130 dinars un dollar le montant faramineux de 68,5 milliards de dollars, chiffre avancé par le Premier ministre, ministre des Finances, qui répondait aux questions des députés de l'APN dans le cadre du débat du Plan d'action démontrant une non-maîtrise dans la conduite des projets : mauvaise gestion et corruption. En 2021 directement et indirectement les exportations 98% des entrées en devises sont représentées par les hydrocarbures et leurs dérivés, montrant que le blocage est d'ordre systémique. Le déficit budgétaire qui selon la LF2021 serait de 21,75 milliards de dollars au cours de 128 dinars un dollar, cotation au moment de l'élaboration de cette loi, et un déficit global du Trésor prévu de 28,26 milliards de dollars. La croissance a été négative d'au moins 5/6% en 2020 et les prévisions de ¾% en 2021 se calculent par rapport à la période précédente, un taux de croissance négatif en To par rapport à un taux de croissance positif en T1 donne une croissance cumulée faible environ entre 0 et 1% en termes réels en 2021. En ce mois de septembre 2021, nous avons un tissu productif interne privé et public, peu performant, le taux d'intégration ne dépassant pas 15% où selon l'ONS plus de 80% du tissu économique est constitué d'unités personnelles ou de petites SARL peu innovantes. Il est utopique de créer en 2021, comme annoncé le 12/01/2021 au Forum Ech Chaab par un ministre délégué auprès du Premier ministère, entre 1 et 2 millions d'entreprises par décrets, soit pour dix emplois par entreprise la création entre 10 et 20 millions d'emplois alors que la majorité des entreprises existantes sont en sous-activité et qu' un projet PMI/PME pour sa maturation et sa rentabilité, répondant aux normes coûts/qualité, dans le cadre concurrentiel nécessitant au minimum deux/trois années et pour les grands projets 5/7 ans. Et se pose cette question avec quel financement relancer les entreprises actuelles et impulser de nouveaux projets sans puiser dans les réserves de change si on exclut l'endettement extérieur.

1.4. Aucun pays de par le monde ne s'est développé par l'exportation des matières premières brutes

La filière mines à travers tout l'arbre généalogique est contrôlée au niveau mondial par quelques firmes avec d'importantes restructurations ces dernières années. Pour l'Algérie, il y a des données contradictoires des responsables : le ministre de l'Industrie en février 2008 à la télévision algérienne repris par l'APS annonce que le coût du projet de Gara Djebilet avec toutes les annexes est de 15/16 milliards de dollars. En Conseil des ministres courant 2011 on annonce entre 8/9 milliards de dollars et le ministre de l'Industrie en date du 11 juin 2020 avec le projet du phosphate donne le montant de 16 milliards de dollars, précisant que pour le fer de Gara Djebilet il faudra investir dans les centrales électriques, des réseaux de transport, une utilisation rationnelle de l'eau, des réseaux de distribution qui fait défaut du fait l'éloignement des sources d'approvisionnement, tout en évitant, idem pour le projet phosphate des investissements additionnels pour éviter la détérioration de l'environnement, ces unités étant très polluantes. Où trouver les financements en ces moments de grave crise mondiale en ajoutant toutes les sorties de devises pour le port de Cherchell, 6 milliards de dollars selon le gouvernement, le projet gazoduc Nigeria-Algérie dont une étude de l'Union européenne, principal client, l'évalue entre 17/18 milliards de dollars, sans compter les importations pour relancer l'appareil de production en berne, impulser de nouveaux investissements structurants alors que les réserves de change avoisinent 40 milliards de dollars.

A un cours de 100 dollars la tonne pour le fer brut, hypothèse très optimiste, la tonne (cours moyen entre 80/85), pour une exportation brute de 30 millions de tonnes auquel le chiffre d'affaire serait de 3 milliards de dollars, montant il faudra retirer 40% de charges, le coût d'exploitation étant très élevé restant 1,80 milliard de dollars. Ce montant est à se partager selon la règle des 49/51% avec le partenaire étranger, restant à l'Algérie 920 millions de dollars. Par ailleurs, ces projets avec la numérisation de cette filière pour réduire les coûts, au niveau mondial, créent de moins en moins d'emplois. Seule la transformation en produits nobles (aciers spéciaux) peut procurer une valeur ajoutée plus importante, mais nécessitant d'importants investissements et des partenaires qui contrôlent le marché mondial. Pour la production d'or, rappelons-nous le déficit structurel de l'ENAOR, le départ de l'australien pour qui la rentabilité était aléatoire, le coût de prospection élevé et dont la rentabilité dépend des fluctuations de l'once d'or pouvant aller entre 20 et 40%. Comment de jeunes Algériens peuvent-ils rentabiliser ces gisements ?

1.5. Les solutions purement monétaristes pour dynamiser les exportations hors hydrocarbures appliquées à l'économie algérienne ont eu des effets pervers

Le dinar a été dévalué de 5 dinars un dollar vers les années 1970, à 76 dollars vers les années 2000 et le 21 septembre 2021, un dollar s'échange à plus de 136 dinars et l'Algérie est toujours mono-exportatrice ayant contribué à accélérer le processus inflationniste. L'inflation sera de longue durée dans la mesure où la loi de finances 2021 prévoit, pour 2022, 149,32 DA pour 1 USD et pour 2023 l'on verrait donc la dévaluation de la monnaie nationale se poursuivre avec 156,72 dinars pour un dollar ce qui rend sceptiques les investisseurs créateurs de valeur ajoutée à moyen terme, face tant à l'instabilité juridique que monétaire, spéculer étant plus rentable que réaliser un projet. La dépréciation du dinar par rapport au dollar et l'euro a pour but essentiel de combler artificiellement le déficit budgétaire, non articulé à un véritable plan de relance économique et donc assimilable à un impôt indirect que supporteront les consommateurs algériens.

Cette cotation du dinar est donc fortement corrélée au niveau de production et productivité et dans une économie rentière aux réserves de change qui ont évolué du 01 janvier 2014 à 194 milliards, selon le plan d'action du gouvernement ayant clôturé à 48 milliards de dollars au 31/12/2020 et à environ 44 entre avril/mai 2021. Dans ce cadre, il s'agira d'éviter d'appliquer des schémas de pays développés comme le financement non conventionnel 16 milliards de dollars prévus en 2021, où les recettes keynésiennes de relance de la demande globale applicables à une économie productive structurée, alors que l'Algérie souffre de rigidités structurelles et de la faiblesse de l'offre.

1.6. Il ne peut y avoir le développement des start-up et de la privatisation comme facteur de développement, sans visions stratégique

L'expérience des pays développés montre que la rentabilité des start-up est fonction d'institutions et d'entreprises performantes. Evitons de renouveler les expériences négatives de l'ANSEJ que selon un rapport officiel de 2020, plus de 70% des projets, des jeunes promoteurs, sont en difficulté ou en faillite, ne pouvant pas rembourser les emprunts bancaires. Le développement des start-up nécessite un fort débit d'internet qui fait cruellement défaut et leur succès dépend de la 5G afin de maîtriser de l'intelligence artificielle, non encore mise en place.

Concernant la privatisation sans réformes structurelles même partielle via la Bourse d'Alger peut conduire au bradage du patrimoine national où le constat est l'absence de titres de propriété clairs, des comptabilités défectueuses, des sureffectifs, des banques qui croulent sous le poids des créances douteuses et le déficit structurel de la majorité des entreprises publiques processus. Elle ne peut intervenir avec succès que si elle s'insère dans le cadre d'une cohérence et visibilité de la politique socio-économique globale, que si elle s'accompagne d'un univers concurrentiel et un dialogue soutenu entre les partenaires sociaux. C'est un acte éminemment politique et non technique ne devant pas confondre privatisation et démonopolisation, qui est l'encouragement d'investisseurs privés nouveaux ou le partenariat public privé PPP s'appliquant surtout aux infrastructures, où l'Etat reste le maitre d'œuvre.

1.7.-Les mesures d'intégration de la sphère informelle par des mesures bureaucratiques ont été un échec. Cette sphère, contrôlant plus de 50% de l'activité économique, où selon la Banque d'Algérie entre 2019/2020, la masse monétaire en dehors du circuit bancaire a atteint 6140,7 milliards de dinars, soit une hausse de 12,93% par rapport à 2019, le président de la République en mars 2021 ayant annoncé entre 6000/10.000 milliards de dinars, entre 33 et 47% du PIB, ayant dénoncé le manque d'informations fiables qui faussent toute prévision. Faute de la compréhension du fonctionnement de la société, l'on croit combattre par des actions bureaucratiques, expliquant tous les résultats mitigés de cette intégration. Ainsi, malgré tout un tapage publicitaire, l'argent capté à travers la finance islamique selon les données du Premier ministre devant le Parlement pour un montant dérisoire de 10 milliards de dinars, une soit rapporté à 6140 milliards de dollars donnant 0,16% (voir le poids de la sphère informelle et ses incidences géostratégiques au Maghreb étude du professeur Abderrahmane Mebtoul réalisée pour l'Institut français des relations internationales IFRI-Paris décembre 2013 et revue stratégie du Ministère de la Défense nationale IMDEP octobre 2019).

2. Problématique de la gouvernance locale : pour un espace équilibré et solidaire

Il y a bien longtemps que nous avons tracé les axes directeurs pour dynamiser les collectivités locales mais nos propositions n'ont jamais eu d'échos car la décentralisation réelle s'attaque à de puissants intérêts rentiers (Cette analyse qui est une synthèse de différentes contributions parues entre 1976/2008 sur la décentralisation, est un hommage au feu le Professeur Majid Ait Habouche décédé en septembre 2019, qui a été mon étudiant à l'université d'Oran et dont j'ai eu l'honneur de diriger sa thèse de magister en 1983 sur l'aménagement du territoire et décentralisation en Algérie et qui depuis avait mis en place un des plus grands laboratoires de recherche en Algérie dans ce domaine).

2.1.-L'Algérie s'étend sur 2.380 000 km2 dont 2.100 000 km2 d'espace saharien. La densité paraît faible, mais les 9/10e de la population sont concentrés sur les terres du Nord. L'objectif stratégique horizon 2021/2030 est d'éviter que plus de 95% de la population vive sur moins de 10% du territoire et avoir une autre vision de l'aménagement de l'espace. Nous assistons, hélas, à des constructions anarchiques avec le manque d'homogénéisation dans le mode architectural, un taux accéléré d'urbanisation avec des bidonvilles autour des grandes villes, avec le risque de l'extension de nouvelles formes de violence à travers le banditisme et de maux sociaux comme la drogue et la prostitution. Il suffit de visiter toutes les wilayas, sans exception, pour constater des routes, des infrastructures et des ouvrages d'art qui ont coûté à la collectivité nationale plusieurs dizaines de milliards de centimes inutilisables en cas d'intempéries, des routes éventrées à l'intérieur des villes où la plupart des autorités se complaisent uniquement aux axes principaux visités par les officiels, des ordures qui s'amoncellent depuis des années à travers la majorité des quartiers périphériques, des logements que les citoyens refont, surtout les secondes œuvres avec des VRD non finies, des espaces verts qui font place à du béton, la construction d'unités dangereuses et polluantes près des villes, des sites touristiques, près des côtes, contenant plusieurs centaines de lits et qui déversent à la mer leurs déchets sans compter le manque d'eau pour l'hygiène. Cela témoigne d'actions urgentes dont la responsabilité ne concerne pas seulement un département ministériel, mais à la fois plusieurs ainsi que les collectivités locales.

Cette situation peut avoir des conséquences très graves, avec la «bidonvilisation» sur le plan sécuritaire qui a un coût, d'où l'importance de l'aménagement du territoire et d'une véritable régionalisation économique. La notion de région est extrêmement variable : la régionalisation pouvant se réaliser au sein du pays ou bien par le regroupement d'un ensemble d'Etats dans une zone géographique particulière ou sur la base d'intérêts ressentis comme communs ce que les économistes qualifient d'intégration régionale. Je définirai la régionalisation économique à ne pas confondre avec l'avatar néfaste du régionalisme, comme un mode d'organisation de l'Etat qui confère à la région un rôle et un statut économique propre, caractérisé par une autonomie relative mais non indépendant de l'Etat régulateur central pour les grandes orientations stratégiques tant politiques qu'économiques, cette autonomie étant donc encadrée par l'autorité nationale. Toute régionalisation économique appelle les questions fondamentales suivantes : compétences des régions ; règles de composition et de fonctionnement des assemblées et exécutifs régionaux ; ressources des régions ; relations avec le pouvoir central ; modalités de transfert aux pouvoirs régionaux et enfin concertation entre régions. La mise en place de la régionalisation économique doit avoir pour conséquence un meilleur gouvernement réel ressenti comme tel par la population, l'argument de base résidant dans la proximité géographique. Cela signifie qu'il existe une solution locale aux problèmes locaux et que celle-ci est nécessairement meilleure qu'une solution nationale.

Selon les théories régionalistes, la diversité des situations locales impose une diversité de solutions pour s'adapter aux conditions locales spécifiques. La régionalisation économique couplée avec une réelle décentralisation supposant une clarté dans l'orientation de la politique socio-économique évitant des tensions et conflits entre le pouvoir local et central et des concurrences entre le centre et la périphérie permettrait un nouveau cadre de pouvoir avec des nouveaux acteurs, de nouvelles règles et de nouveaux enjeux avec des nouvelles stratégies élaborées. La création d'un nouvel espace public devrait favoriser un nouveau contrat social national afin d'optimiser l'effet de la dépense publique et rendre moins coûteux et plus flexible le service public et génèrerait une nouvelle opinion publique, voire une nouvelle société civile. Le débat permet l'émergence de thématiques communes, des modes de propositions communs et donc déterminerait des choix collectifs optimaux. Une centralisation à outrance favorise un mode opératoire de gestion autoritaire des affaires publiques, une gouvernance par décrets, c'est-à-dire une gouvernance qui s'impose par la force et l'autorité loin des besoins réels des populations et produit le blocage de la société.

2.2.-La réforme nécessaire des collectivités locales implique donc la réorganisation du pouvoir local dont la base est l'APC, pour une société plus participative et citoyenne, réorganisation fonction de la revalorisation de la ressource humaine renvoyant à l'urgence de la révision du statut de la fonction publique. Après le tout Etat, l'heure est au partenariat entre les différents acteurs de la vie économique et sociale, à la solidarité, à la recherche de toutes formes de synergie et à l'ingénierie territoriale. C'est dans ce contexte que l'APC doit apparaître comme un élément fédérateur de toutes les initiatives qui participent à l'amélioration du cadre de vie du citoyen, à la valorisation et au marketing d'un espace. C'est à l'APC que reviendra ainsi la charge de promouvoir son espace pour l'accueil des entreprises et de l'investissement devant se constituer en centre d'apprentissage de la démocratie de proximité qui la tiendra comptable de l'accomplissement de ses missions. Actuellement les présidents d'APC ont peu de prérogatives de gestion tout étant centralisé au niveau des walis alors qu'il y a lieu de penser un autre mode de gestion, de passer du stade de collectivités locales providences à celui de collectivités locales entreprises et citoyennes responsables de l'aménagement du développement et du marketing de son territoire.

Pour l'Algérie, il s'agit de procéder à une autre organisation institutionnelle, qui ne sera efficace que sous réserve d'objectifs précis, d'opérer un nécessaire changement qui passe par une approche basée sur une identification claire des missions et responsabilités et une restructuration des fonctions et des services chargés de la conduite de toutes les activités administratives, financières, techniques et économiques. Cette organisation institutionnelle implique d'avoir une autre organisation tant des ministères que des wilayas par des regroupements évitant les micro-institutions budgétivores, incluant la protection de l'environnement. Cette organisation doit être souple avec comme rôle essentiel la prospective du territoire en évitant le centralisme administratif, afin de construire un socle productif sur plus d'individus et davantage d'espace. Il convient de prendre le soin de ne pas confondre l'espace géographique avec l'espace économique qui intègre le temps, l'espace étant conçu comme surface, distance et comme ensemble de lieux. La conception volontariste étatiste de l'aménagement du territoire en Algérie, fondée sur la fameuse théorie des pôles de développement ou de croissance entraînant, a été un leurre et n'a pas eu les effets escomptés. L'aménagement du territoire ne peut être conçu d'une manière autoritaire, interventionniste, conception du passé, mais doit être basé sur la concertation et la participation effective de tous les acteurs sociaux. Il doit dépasser cette vision distributive à l'image des programmes spéciaux mais doit concourir à optimiser la fonction du bien-être collectif. L'aménagement du territoire devra répondre aux besoins des populations en quelque lieu qu'elles se trouvent et assurer la mise en valeur de chaque portion de l'espace où elles sont installées.

Il ne s'agira pas d'opposer le rural à l'urbain, les métropoles aux provinces, les grandes villes aux petites mais d'organiser leurs solidarités. Pour cela, il s'agira de favoriser une armature urbaine souple à travers les réseaux, la fluidité des échanges, la circulation des hommes et des biens, les infrastructures, les réseaux de communication étant le pilier. Cela implique une nouvelle architecture des villes, des sous-systèmes de réseaux mieux articulés, plus interdépendants bien que autonomes dans leurs décisions (voir l'ouvrage collectif pluridisciplinaire regroupant économistes, sociologues, politologues, sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul»réformes et démocratie Casbah Editions, deux volumes (2004 Alger 500 pages) avec un chapitre consacré à la décentralisation).

2.3.- L'efficacité de ces mesures d'aménagement du territoire pour favoriser les activités productives impliquent la refonte des finances locales et des taxes parafiscales sans laquelle la politique d'aménagement du territoire aurait une portée limitée devant s'appuyer sur le système de péréquation entre les régions pauvres et riches qui doit être prise en compte par les pouvoirs publics évitant l'esprit centralisateur jacobin largement dépassé. La structure qui me semble la plus appropriée pour créer ce dynamisme, ce sont les chambres de commerce régionales qui regrouperait l'Etat, les entreprises publiques/privées, les banques, les centres de formation professionnelle et les universités/centres de recherche autour de six à sept pôles régionaux tenant compte du Sud-Est et du Sud-Ouest. L'action des chambres de commerce, lieu de concertation mais surtout d'impulsion pour la concrétisation de projets serait quadruple: premièrement, dynamiser les infrastructures de base et préparer des sites confiés à des agences de promotion immobilière publiques et privées ; deuxièmement, l'avenir appartenant à la science et ce dans tous les domaines économiques et militaires, sans laquelle aucun développement n'est possible en ce XXIème siècle, mettre à la disposition des sociétés une main-d'œuvre qualifiée grâce à un système de formation performant et évolutif allant des ingénieurs, aux gestionnaires, aux techniciens spécialisés et ce, grâce aux pôles universitaires et des centres de recherche, évitant ce mythe d'une université par wilaya. Par exemple, la chambre de commerce offrira un poste pour 10 candidats en formation, les 90% non retenus ne constituant pas une perte pour la région. L'apprentissage en dynamique est un capital humain pour de futures sociétés qui s'installeraient dans la région, une société installée payant des impôts qui couvriront largement les avances en capital de la formation avancée. Cette formation devra être adaptée pour tenir compte de la norme qualité standard, le label qualité étant exigé pour tout exportateur.

Ainsi, nous assisterons à une symbiose entre l'université et les entreprises. Car les sociétés ont besoin de l'accès aux chercheurs, aux laboratoires pour les tests d'expérimentation et l'université a besoin des sociétés comme support financier et surtout d'améliorer la recherche. Les étudiants vivent ainsi la dialectique entre la théorie et la pratique. (voir notre contribution l'expérience du pôle régional de Greenville USA www.google -Mebtoul 1995 suite à une longue tournée que j'ai effectuée aux USA). La troisième action est de favoriser des entreprises souples reposant sur la mobilité et les initiatives individuelles et collectives par des équipes auto-dirigées ; la quatrième action, la chambre de commerce intensifierait les courants d'échange à travers différentes expériences entre les régions du pays et l'extérieur avec la mise à la disposition des futurs investisseurs de toutes les commodités nécessaires (réseau commercial, loisirs) est fondamentale Cette symbiose entre ces différentes structures et certains segments de la société civile doit aboutir à des analyses prospectives fondamentales, à un tableau de bord d'orientation des futures activités de la région, afin de faciliter la venue des investisseurs.

En résumé, il faut éviter l'utopie en versant dans le juridisme stérile, croyant résoudre les problèmes en pondant des lois sans s'attaquer au fonctionnement de la société. Comme il ne faut pas confondre décentralisation avec déconcentration où le pouvoir central rejette les problèmes qu'il ne peut résoudre sur le pouvoir local en créant d'autres entités administratives alors qu'avec les nouvelles technologies l'organisation en réseaux peut facilement rapprocher l'Etat du citoyen. L'objectif est de mettre en place une réelle décentralisation autour de six à sept grands pôles régionaux économiques. L'aménagement du territoire plaçant l'homme pensant et créateur au cœur du développement doit réaliser un triple objectif : une société plus équilibrée et plus solidaire, la croissance au service de l'emploi. L'Algérie partageant des frontières terrestres avec ses 7 pays voisins : la Libye, le Mali, la Mauritanie, le Maroc, le Niger, la Tunisie et le Sahara occidental, pour un total de 6511 km, il s'agit d'imaginer des zones tampons de prospérité, de ne pas voir ces zones sous des angles négatifs d'assistance financière (assistanat) mais en privilégiant le co-développement. La pleine réussite du processus complexe de la gouvernance centrale et locale, action éminemment politique, implique de poser la refondation de l'Etat et son articulation avec le marché dans la future stratégie socio-économique pour une société plus participative et citoyenne. Aussi, loin de toute autosatisfaction destructrice à laquelle la population algérienne ne croit ne plus, l'Algérie, pays à fortes potentialités, sous réserve d'une nouvelle gouvernance centrale et locale, peut devenir un acteur stratégique de la stabilité du bassin méditerranéen et du continent Afrique, son espace social naturel.

*Professeur des Universités, expert international