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Bouteflika et compassion religieuse

par Abdou BENABBOU

Abdelaziz Bouteflika a été enterré hier sous le sceau d'une étrange commémoration funèbre entremêlant la compassion religieuse et les griefs ruminés. L'enterrement du corps du chef de l'Etat qu'il a été, se devait être surtout l'ensevelissement d'une page d'histoire chargée qui n'a livré que le préambule des lourds secrets. L'homme ainsi disparu a tout de même permis de dissiper une gêne et des non-dits pour que l'encombrement qu'il représentait permette une clarté politique recherchée par un peuple et ses gouvernants. Les avis discordants sur l'homme et sur sa gouvernance sont le reflet d'un mirage flou des sérails compliqués à observer.

L'événement funéraire n'a pas été seulement l'enterrement d'un homme choyé et décrié en même temps, mais il a aussi été un intermède d'un peuple haletant, courant derrière un bonheur insaisissable souvent disposé à se laisser aller aux incartades. C'est d'avoir abusé de cette naïveté populaire calculée, commune au demeurant à tous les peuples, qu'Abdelkader le Malien devra rendre compte à la grande Histoire. Pour sa décharge, il aurait pu et dû faire d'elle un sublime et reconnaissant procureur.

Le meilleur et juste profil qui soit donné de lui a été tracé par un ancien ministre algérien aujourd'hui disparu. Il disait que Bouteflika avait l'époustouflante technique d'un grand joueur de football. Mais il avait la tare de dribbler toute l'équipe adverse, puis ses propres coéquipiers pour finir à se dribbler lui-même. Avec un bout de vérité, ce jugement est sans doute sévère car la réalité n'est pas simple. La cascade des crises algériennes répétées n'avait aucune similitude avec des empoignades sportives. Sa profondeur et son ampleur recommandaient parfois des circonstances atténuantes à des hommes politiques leurrés par une bonne foi et des convictions inconsistantes.

Le tort de Bouteflika n'a pas été uniquement son abus outrageux du boursicotage politique. Sa faiblesse a résidé dans la priorisation de son égo convaincu qu'il était que son intérêt était indéfectible de celui de tout un peuple.