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De l'islam, du chômage : «Dieu nous donne des bras mais ne construit pas les ponts» ! (Suite et fin)

par Dr. A. Boumezrag

  Un monde occidental sans état d'âme gouverné par l'argent dans lequel le profit est devenu un dieu universel pour l'adoration duquel l'être humain est prêt à n'importe quel crime et à n'importe quel mensonge. Un monde dans lequel les ressources naturelles sont pillées tandis que les habitants qui vivent sur le sol et le sous-sol qui les renferment croupissent dans une misère organisée par des tyrans qui les maintiennent dans l'ignorance des véritables enjeux. Aujourd'hui de plus en plus de jeunes occidentaux, en rupture avec leur société, s'interrogent ardemment sur le plan spirituel : Quel est le sens de l'existence ? Que se passera-t-il après la mort ? Seul l'islam apporte une réponse claire, nette et sans ambigüités à ce questionnement. Et l'occident ne manque ni d'intelligence, ni d'hypocrisie. Une Europe qui n'hésite pas à mobiliser en un clin d'œil plus de 200 milliards de dollars au profit de la Grèce et du Portugal et qui n'arrive même à réunir un milliard de dollars au titre de ses engagements dits «humanitaires» pour sauver des millions de personnes souffrant de la famine dans la Corne d'Afrique. Ce ne sont pas des êtres humains, ceux sont des bestioles qui empoisonnent l'atmosphère. Elle préfère rechercher de l'affection auprès des chiens et des chats en les cajolant. On se demande finalement de quel côté se trouve la barbarie ? Elle est bien triste l'Europe des droits de l'Homme et des lumières. Entre les bienfaits terrestres hypothétiques et les valeurs religieuses intangibles, le choix devient clair. Faute de bonheur à l'aune des biens consommés c'est la soif d'absolu qui l'emporte.

Il ne s'agit pas non plus de se complaire dans un autoritarisme stérile du pouvoir, et de voir dériver sans réagir la société vers un fatalisme religieux mais de se frayer un chemin vers plus de liberté, de justice et de dignité dans un monde sans état d'âme en perpétuelle évolution où le fort du moment impose sa solution au plus faible. C'est donc une réponse à une crise d'identité des valeurs modernes mal assimilées et des valeurs traditionnelles perdues que l'islamisme prend son essor. Facilité en cela par un vide idéologique créé par une équipe de dirigeants sans moralité et ni profession. Dire que la forme étatique moderne ne peut avoir de légitimité aux yeux du monde arabe et musulman revient à reconnaître l'incapacité des dirigeants à répondre aux problèmes et aux aspirations des populations dans un cadre étatique. L'Etat se trouve désigné du doigt comme étant responsable de la misère croissante qui frappe la majorité de la population et son incapacité à faire une place à la jeunesse dans le système politique et économique. L'islam est à la fois un mode d'expression des mécontentements et un refuge. Il sert à revendiquer davantage de justice sociale, de dénoncer le chômage, la pauvreté, la corruption des dirigeants et les perversions des valeurs occidentales. L'Etat national repose sur des intérêts particuliers, sources d'accumulation personnelle par le biais des commissions et de prédation qu'autorise la détention du pouvoir. C'est la raison pour laquelle les pays arabes veillent jalousement sur leurs frontières et ce, soi-disant pour des raisons de «souveraineté nationale». Pourtant, toutes les frontières sont aberrantes et artificielles mais aucun chef d'Etat arabe ou africain ne veut remettre en cause les frontières héritées de la colonisation, chacun tient à sa petite épicerie qu'il veut protéger des supermarchés. Les régimes du Maghreb, qu'ils soient monarchiques ou militaires, progressistes ou conservateurs, islamiques ou laïcs, connaissent, tous sans exception, le problème de la contestation au nom de l'islam et de la liberté. Or dans ces pays où la croissance de la population progresse souvent à un rythme vertigineux, l'élan démographique nourrit la dynamique islamique. D'un autre point de vue, on peut s'interroger sur les capacités de l'islamisme à se constituer en une nouvelle force politique, économique et culturelle qui pèse sur l'échiquier international, à se présenter comme une alternative crédible, capable de répondre aux graves défis qui se posent aux sociétés arabes et musulmanes ?

En d'autres termes, l'islam est-il compatible avec les institutions modernes au sens classique du terme ? Epouse-t-il les frontières actuelles ? Existe-t-il un véritable modèle islamique ? Constitue-t-il un frein au développement économique, au progrès scientifique, aux droits de l'Homme, à la démocratie comme le prétendent les occidentaux ? Il appartient dès lors aux chercheurs arabes et musulmans de prouver et de démontrer sur le terrain de la science et de la clairvoyance face à l'arrogance de l'occident, la grandeur de l'islam. Malheureusement les courants islamistes, travaillés par des forces internes et externes, effraient la majorité des musulmans face à l'islam et face à son environnement. Etant surtout de nature idéologique et politique, les mouvements islamistes n'ont pas conçu de programme global et cohérent de réforme, n'ont pas débarrassé l'islam du carcan dogmatique dans lequel il a été enfermé, n'ont pas fait de l'islam un cadre de discipline morale protégeant la jeunesse de la délinquance, de la prostitution, de la drogue et des autres fléaux sociaux.

Il faudrait que l'islam parvienne à constituer une force cohérente et homogène capable de se hisser au-delà des contingences matérielles, de transcender les frontières nationales et de peser lourdement sur le système international dominant. Sans renouvellement intellectuel, l'islamisme a eu pour seul résultat de déconnecter, de plus en plus, l'islam des besoins urgents des sociétés arabes et musulmanes car les populations aspirent simultanément au bien-être matériel occidental et au respect des valeurs morales de l'islam. Elles rejettent l'occidentalisation plus que le progrès technique et scientifique, les injustices générées par la modernité plus que la modernité elle-même. «Elles ne veulent pas aller au paradis le ventre vide» ! Dans ce monde matériel éphémère, de nombreuses personnes ne sont sensibles à la vérité divine que si elles ont un ventre bien plein. Ces gens sont comparables à des bêtes que l'on reconduit à leur enclos au moyen d'une botte de foin maintenue à une certaine distance devant leurs bouches.

Ils ne reconnaissent pas cette vérité si elle ne s'adresse qu'à leurs seuls esprits à la différence des occidentaux qui ont développé un esprit critique indéniable. L'islam s'adresse plus à la tête et au cœur des hommes qu'à leurs ventres et à leurs passions. La société moderne mondialisée est devenue «un troupeau de consommateurs infantilisés» par un marketing ravageur omniprésent et omnipotent. Quant aux minorités agissantes, elles sont favorisées par les puissances coloniales. Elles suscitent la méfiance de la majorité. Les courants islamistes n'ont pas fourni une conception nouvelle de ce que doit être un modèle politique et économique de l'Etat islamique dans le contexte contemporain.

Car, le danger que court l'islam est qu'il soit transformé en idéologie politique, au même titre que d'autres en déroute et lorsque cette idéologie est mise en application elle pourrait révéler ses limites et être exposée à diverses critiques. Une telle évolution pourrait être préjudiciable à la crédibilité de l'islam tout entier. Ce que recherchent les populations à travers le nationalisme, le socialisme, l'islamisme et la démocratie, c'est une certaine dignité face à leurs gouvernants et face au monde extérieur : une soif de dignité, de liberté et de justice. Mais n'est-ce pas là les valeurs de l'homme moderne prônées par la culture occidentale contemporaine dominante ? Ces valeurs ne sont-elles pas comparables à celles développées par l'islam ancestral et éternel des peuples arabes et musulmans qui rayonnèrent au moment où l'Europe du Moyen-âge était plongée dans les ténèbres ? Le Dieu unique, ce maître de l'univers, le créateur de l'humanité n'est-il pas le plus grand démocrate de tous les temps et tous les espaces, n'est-ce pas lui qui a accordé à l'homme, sa créature et qui pourvoit à ses besoins, le droit de choisir entre le bien et le mal, entre le mensonge et la vérité, entre la foi en un Dieu unique et la mécréance satanique, entre la vie d'ici-bas et la vie dans l'au-delà, entre l'enfer et le paradis ?

Aujourd'hui, l'occident du XXIème siècle domine le monde arabe et musulman grâce à sa haute technologie de pointe et à ses armes sophistiquées de destruction des masses que les dictatures arabes et africaines s'arrachent à prix d'or au détriment du bien-être de leurs populations affamées et meurtries ? Pauvres dirigeants arabes et africains, pris en otage par les puissances du moment, classés amis ou ennemis selon leurs intérêts, exploitant sans vergogne les frustrations des populations arabes et africaines, ces tyrans, les uns exposés en vitrine comme des modèles à suivre, les autres cachés dans l'arrière-boutique pour ne pas froisser les droits de l'homme, de l'homme occidental évidemment, enivrés par le modèle occidental de consommation, infantilisés par l'occident, corrompus par l'argent et emportés par leurs délires mènent à, tambour battant, leurs peuples respectifs, les yeux bandés, à l'abattoir sous le regard moqueur de l'occident des «gardiens du temple».

Le malheur, c'est qu'ils n'en ont même pas conscience, ils sont sur un nuage. Comme dirait Jean Rostand «Tant qu'il y aura des dictatures, je n'aurai pas le cœur à critiquer une démocratie» même si ces dictatures endossent le burnous blanc de l'islam pour développer de nouvelles dynasties ou portent le costume deux pièces de la laïcité avec une cravate qui les accroche aux puissances dominantes du moment où les deux à la fois, ce qui n'est pas incompatible, le burnous blanc pour tromper la vigilance des peuples, la cravate pour dire aux occidentaux, nous sommes des vôtres. Le monde arabe et musulman est schizophrène. D'une main, il signe un pacte avec le diable, de l'autre il prie Dieu de lui venir en aide. «Dieu nous donne des bras mais ne construit pas les ponts». En terre chrétienne, «tu gagneras ton pain à la sueur de ton front», en terre d'islam, «tu auras ton pain à la souplesse de ton échine». Le jeune musulman ne désire plus «partir au paradis le ventre creux comme il ne veut pas servir de nourriture aux poissons de Méditerranée. Il veut vivre dans la modernité, sa «modernité» et mourir dans l'islam, son «islam». Il est interconnecté et ouvert sur le monde. Il vit dans un monde virtuel, il veut en faire son monde réel. Malheureusement, «les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts» nous rappelle Isaac Newton.