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De l'Islam, du chômage : «Dieu nous donne des bras mais ne construit pas les ponts» ! (1ère partie)

par Dr. A. Boumezrag

«Le terrorisme vise à paralyser une société par la peur. Les terroristes amateurs font exploser des voitures. Les professionnels font grimper les chiffres du chômage» Maurice et Patapon

Laboratoire de toutes les idées importées, l'Algérie semble avoir expérimenté pratiquement toutes les théories intellectuelles venues d'ailleurs. Elle peut s'enorgueillir d'avoir pu démontrer de manière irréfutable l'inefficacité et la perversité d'un certain nombre de modèles, présentés, dans les années 60 et 70 comme les «clés du paradis socialiste», dans les années 80 et 90 comme les «clés du paradis céleste» et dans les années 2.00 comme «les clés des paradis fiscaux». Les idéologies nous font croire que les choses vont de soi qu'il suffirait de croire à la magie des mots pour éclipser la réalité des maux. «On ne mesure pas la puissance d'une idéologie aux seules réponses qu'elle est capable de donner mais aussi aux questions qu'elle parvient à étouffer». Le premier des droits de l'homme, dira Franklin Roosevelt, est celui de pouvoir manger à sa faim. Le second est de pouvoir disposer d'un emploi qui lui assure une certaine dignité, le troisième est celui d'être protéger contre toute atteinte à son intégrité physique et morale, Après des siècles d'engourdissement, les peuples arabes reprennent conscience de leur passé glorieux, de leur aliénation présente, et de leurs forces potentielles futures. Les difficultés économiques, le malaise social, l'impasse politique, le règne de l'immoralité ne sont pas étrangers à ce réveil des peuples arabes et musulmans. Ce qui frappe d'emblée l'observateur, c'est la jeunesse des mouvements contestataires dans la quasi-totalité des pays où l'islam est majoritaire. Partout dans le monde les jeunes aspirent à participer plus activement à la gestion des affaires politiques et économiques. Cependant dans la plupart des pays arabes les systèmes sont sclérosés empêchant le renouvellement des élites et la renaissance des idées. La jeunesse arabe et musulmane ne veut plus d'un Etat comme un legs du colonialisme ou comme un instrument hégémonique occidental. Ce qu'elle désire par-dessus tout c'est d'un Etat de droit, ouvert sur le monde, fondé sur une morale et animé par des dirigeants honnêtes et compétents, élus en toute liberté sur la base d'un programme clair et d'un échéancier précis. En Algérie, le nationalisme et le socialisme ont été malmenés par un islam renaissant.

Nationalisme et islamisme apparaissent comme des visions diamétralement opposées à l'entité politique qu'est l'Etat. Pourtant l'Islam a joué un rôle moteur durant la guerre de Libération nationale. Mais les élites «nationalistes» considéraient la religion comme un moyen de mobilisation des masses et non comme une finalité en soi. Il ne faudrait pas non plus omettre de noter la volonté de la puissance coloniale de refouler l'islam dans le domaine privé pour en faire une valeur refuge des déshérités. C'est ainsi qu'après l'indépendance, l'islam devait s'effacer de la vie publique pour permettre la construction de «l'Etat national». C'est pourquoi les mouvements islamistes ont depuis longtemps rejeté le nationalisme comme le capitalisme comme instrument du colonialisme visant à détruire l'unité religieuse de l'islam. Ayant permis de parvenir à l'indépendance et d'amorcer un certain développement l'idéologie nationaliste et socialiste n'a cependant pas apporté le bien-être à tous, ni fourni les éléments constitutifs de l'identité. Le phénomène contestataire contemporain est le produit de toutes les tensions, les traumatismes et les frustrations accumulées durant ces dernières décennies. Les mouvements de protestation traduisent le désarroi d'une population privée d'idéal et de perspectives d'avenir dans un contexte de crise sociale et de contradictions économiques. La désillusion s'ouvre sur l'espérance religieuse. La pauvreté est l'idéal de vie qui donne accès à la vie éternelle. Les sociétés traditionnelles n'ont aucun idéal consumériste et ne développent aucune idéologie productiviste. Les secours de la religion paraissent plus accessibles que le consumérisme moderne. La civilisation occidentale suscite des envies sans les satisfaire. La pauvreté n'est plus vécue comme un échec mais perçue par la plupart par un élan vers Dieu.

Dans les sociétés occidentales, dès la fin du XVIIIème siècle, s'est imposée une idée neuve du bonheur immédiat. Ce bonheur se mesure à l'aune des biens consommés sur terre. En contrepartie de ce bonheur matériel s'est développée simultanément une idéologie productiviste où le travail est une valeur sur laquelle se fondent les économies. C'est à partir du moment où la société européenne est parvenue à dégager un surplus agricole lui permettant de libérer une partie de la population active pour asseoir une industrie qu'un pouvoir démocratique a pu émerger. Cette démocratie permet à celui qui fournit du travail de mieux saisir les contreparties de ses efforts tout en se libérant du pouvoir en place. Les régimes autoritaires ont été tenus en échec en Angleterre et en France parce qu'une classe sociale a pu entreprendre le développement industriel qui a fourni un surplus économique indépendamment de l'Etat. Dans les sociétés traditionnelles, la pauvreté est l'idéal de vie qui donne accès à la vie éternelle. Il s'agit d'une économie de subsistance qui ne développe aucun surplus à écouler sur le marché. Elle est fondée sur une agriculture aux rendements dérisoires, le surplus vivrier reste faible. La division du travail est élémentaire répondant à des besoins strictement contenus à l'essentiel. Le surplus est de peu d'intérêt pour une société dont l'idéal de vie est la pauvreté. Avant l'avènement de l'islam, les dirigeants arabes étaient soit des chefs de tribus, soit des chefs de clans jouissant de la même autorité que les rois et une obéissance totale leur était due, en temps de guerre comme en temps de paix. Les Arabes avaient avec leurs parents ainsi qu'avec leur clan des relations profondes, l'esprit de clan était leur raison de vivre ou de mourir. L'esprit de société qui régnait au sein de la tribu était exacerbé par le tribalisme. Les chefs de tribus s'arrogeaient une part considérable du butin. Les tribus arabes furent constamment jalonnées de troubles et de désordres. Les guerres intestines incessantes firent des peuples arabes et musulmans des proies faciles pour des invasions étrangères. C'est l'islam qui a unifié les tribus arabes et sous sa bannière qu'ils se sont libérés du joug colonial. L'Etat post-colonial est né d'une contradiction externe et non interne d'où son autoritarisme foncier. Pour se légitimer aux yeux du peuple, ils tentent de promouvoir le développement économique, en réalité il étouffe la société civile. Cette vision des choses s'enracine dans la dichotomie société civile- société politique. Elle présente l'Etat comme sources d'autoritarisme auxquelles s'opposent les aspirations démocratiques de l'ensemble des citoyens. Plus l'Etat est contre la société, moins il y a production, moins il y a adhésion et plus il y a frustration et humiliation.

Or l'humiliation est peu productive économiquement mais remplit un rôle politique majeur pour le maintien au pouvoir de l'équipe dirigeante dans la mesure où elle démontre l'arbitraire qu'elle contient. Dans ce contexte, on cherche un recours, un point d'appui, un espoir. Entre les valeurs traditionnelles perdues et les valeurs modernes mal assimilées, les sociétés arabes se recherchent, victimes du paradigme consumériste occidental et les pesanteurs sociologiques du passé. Elles n'arrivent ni à assumer leur passé glorieux ni à se «frayer un chemin parmi les nations modernes. Les désillusions du progrès gagnent de plus en plus les esprits. Le refuge dans la religion musulmane apparaît plus plausible que le consumérisme occidental.

Des populations entières se trouvent désemparées, n'ont plus de repère. Les voici, de plus en plus nombreux, au milieu du gué menaçant de s'écrouler, ayant abandonné les acquis de la société traditionnelle sans avoir accédé aux promesses de la société occidentale. Sur les rives des sociétés occidentales, il reste peu de monde. Une minorité de privilégiés a pu traverser physiquement ou matériellement le fleuve sans pour autant être intégrés dans la société occidentale et sans pouvoir jouer le rôle dynamisant de la bourgeoisie occidentale. Mais l'ensemble des populations est au milieu du gué, se bousculant pour échapper aux tourbillons et aux courants. La frustration s'empare d'un nombre croissant d'individus qui oscillent entre la révolte et le rejet.

 C'est l'impasse. Le refuge dans la religion musulmane apparaît plus plausible que le consumérisme occidental. L'Europe, apôtre des droits de l'Homme et de la démocratie, défenseur des veuves et des orphelins, le Robin des bois des temps modernes, est-elle disposée a accueillir sur son sol des milliers de jeunes africains et arabes fuyant à bord d'embarcations de fortune, la pauvreté et la dictature, fascinés par le mode de vie virtuel de l'Occident, à la recherche d'une vie meilleure et leur offrir gîtes et couverts à la faveur de la charité chrétienne en attendant leur éventuelle exploitation sélective par le capital usurier ou au contraire va-t-elle ordonner aux dictatures de la rive sud de la Méditerranée, qu'elle protège ou qu'elle condamne, de constituer une ceinture de sécurité à l'émigration dite «clandestine» ? Aujourd'hui l'Occident, îlot de prospérité dans un océan de misère, semble être au sommet de sa trajectoire historique, il semble dominer le monde qui bon gré mal gré, s'est rallié à son modèle de développement, pays socialistes et pays du tiers monde compris. Il n'y a aucune chance que l'ensemble du monde puisse accéder au niveau de vie occidental. La seule perspective, c'est de croire que l'Occident doive un jour ou l'autre renoncer à ce niveau de vie élevé au profit du reste du monde. Ce jour-là marquera à tout jamais le triomphe des valeurs de l'islam.

L'intérêt est au centre de la problématique de la crise financière du monde occidental due au surendettement. L'intérêt rémunère le temps or le temps n'est pas un produit de l'homme mais un don de Dieu, tout comme l'air qu'on respire. C'est pourquoi il fait des ravages tant en Amérique du Nord qu'en Europe alors qu'il est proscrit en islam mais pratiqué par les régimes arabes décadents pour plaire à l'Occident. La fin de «l'obésité» en Occident signifiera alors la fin de la faim dans le monde. Quand l'Occident parle de droits de l'Homme, il faut comprendre les droits de l'homme occidental.

 Les autres n'ont pas de droits, ce sont des sous hommes, des attardés mentaux qui polluent le bonheur terrestre éphémère des sociétés évoluées. Pour s'en convaincre, il suffit d'entendre le vacarme étourdissant des médias européens, quand un des soldats meurt au champ de bataille en terre étrangère et le silence assourdissant des gouvernants occidentaux devant les milliers de morts en Afrique ou en Asie pour une guerre qui n'est pas la leur. La comptabilité macabre médiatique est précise et le palmarès revient à celui qui compte le plus de morts.

A suivre