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PME : l'introduction en Bourse, rôle du commissaire aux comptes

par Bachagha Saheb*

Un projet d'introduction en Bourse ne peut pas s'improviser. Or, le dirigeant et le directeur financier d'une PME sont souvent insuffisamment informés des différentes options qui s'offrent à eux, des implications de leurs décisions et de la masse d'informations à produire. Dans ce contexte, le commissaire aux comptes, au-delà de sa mission de certification, est en mesure d'accompagner la société sur ce type de projet, fondateur pour l'entreprise.

Il doit en être un acteur-clé pour contribuer à sa réussite.

1. La préparation de l'introduction en Bourse

En amont du projet, l'entreprise doit définir les modalités de mise en œuvre et son auditeur est parfaitement placé pour l'alerter sur les écueils à éviter. Ce dernier doit être intégré le plus tôt possible au process de réflexion pour assurer la réussite de ce projet.

- Quel marché choisir ? Le marché sera déterminé en fonction des besoins et de la taille de l'entreprise. Il existe en Algérie quatre types de marchés gérés par la Bourse d'Alger : le marché des titres de capital, le marché des titres de créances, le marché bloc OAT et le marché PME. L'entreprise doit à la fois considérer l'importance des fonds qu'elle souhaite lever, le pourcentage du capital qu'elle souhaite céder et le niveau de transparence qu'elle souhaite accorder aux investisseurs. Le commissaire aux comptes alertera alors la société sur l'obligation d'appliquer le référentiel IFRS en cas de choix d'introduction sur un marché réglementé. La transition IFRS est un aspect qui ne doit pas être négligé, compte tenu des impacts sur les principaux agrégats financiers (Ebitida, capitaux propres, endettement, etc.) et la volumétrie des informations financières à produire.

- Dispose-t-on des ressources et compétences à mobiliser ?

L'importance de l'effort de préparation d'un dossier d'introduction en Bourse, tant pour la direction de l'entreprise que pour la direction financière, ne doit pas être sous-estimée. En effet, ce projet, extrêmement consommateur de temps et d'énergie, s'ajoute à la gestion quotidienne de l'entreprise. Son commissaire aux comptes disposant d'une bonne connaissance de l'entreprise et de son activité est à même d'avertir la direction sur sa capacité à mener à bien l'opération avec ses propres ressources. En effet, outre le recours obligatoire, pendant 05 ans, à un conseiller accompagnateur dénommé «promoteur en Bourse», les PME disposent rarement de l'ensemble des compétences requises en interne et d'une disponibilité illimitée de ses équipes; elles devraient savoir s'entourer de conseils rompus à l'environnement, cotés et être à même de garder le leadership sur la gestion du projet.

L'instruction du dossier d'introduction en Bourse

Le projet d'introduction suppose l'établissement par l'entreprise d'un prospectus qui est constitué d'un document de base représentant les informations financières et les caractéristiques de l'entreprise et d'une note d'opération décrivant l'offre. Ce prospectus, élaboré par l'entreprise et sur lequel le commissaire aux comptes réalise des diligences, sera visé par la commission de contrôle.

La qualité de ce document, fondamentale pour l'attractivité de la société auprès des futurs investisseurs, implique un travail conséquent d'analyse, de traitement et de validation. Le commissaire aux comptes devra être fortement impliqué dans ce processus pour anticiper les difficultés généralement rencontrées (qualité des données, existence d'informations pro forma, etc.) et pour alerter la direction financière de la société. Il devra également être présent pour confirmer les retraitements comptables envisagés et leur exhaustivité ainsi que les options comptables retenues.

Avant d'accorder son visa. La commission de contrôle de la Bourse (COSOB) aura questionné l'entreprise sur l'information financière communiquée. Une fois encore, le commissaire aux comptes aura un rôle important pour assister l'entreprise dans ses réponses et dans ses relations avec cette autorité.

Les PME algériennes toujours réticentes pour se joindre à la Bourse d'Alger

Malgré les efforts faits par le gouvernement algérien en créant en 2012 un marché et un compartiment dédié exclusivement aux PME avec moins de contraintes d'admission, et plus d'assouplissements et d'avantages considérables, celles-ci demeurent toujours réticentes pour s'allier à la Bourse d'Alger. Il y a plusieurs raisons :

La plupart des PME algériennes sont des sociétés familiales qui restent dans leur majorité très réticentes à l'obligation de fournir des informations au public. Pis encore, elles considèrent qu'ouvrir leur capital à des investisseurs étrangers est une ingérence dans leurs affaires. Les chefs d'entreprises devront donc être sensibilisés pour renoncer à quelques habitudes et accepter d'assurer la responsabilité de cette tâche. Livrer des informations financières ne signifie pas révéler des secrets stratégiques : la notion de secret des affaires doit être ramenée à sa juste proportion. La COSOB est très ouverte à ce genre de considérations et fait toujours droit aux remarques fondées qui seraient présentées par les sociétés. En cas d'ambiguïté sur cette question, la meilleure solution consiste certainement à consulter la commission et lui présenter un argumentaire exposant le préjudice de la société et le niveau de risque qui pourrait en résulter pour les investisseurs. Il n'est exigé de personne de livrer des renseignements pouvant être utilisés au profit de la concurrence ou nuire sans juste motif.

Ainsi, ce nouveau marché créé pour les PME leur offre un environnement propice pour leur épanouissement. Il ne s'agit pas d'ouvrir leur capital à la cote officielle, mais au capital investissement : c'est une activité financière consistant pour un investisseur à entrer au capital des PME qui ont besoin de capitaux propres. Ainsi donc, le capital investissement concerne l'investissement dans les sociétés non cotées en Bourse (d'où son nom de capital non coté ou de «private equity» en anglais en opposition au terme public). En français, cela correspond aux notions de capital fermé en opposition au capital ouvert. Les entrepreneurs porteurs de projets ambitieux pour leurs technologies trouvent dans ce mode de financement une solution unique pour leurs PME. D'abord, les moyens disponibles peuvent être importants mais surtout les «capitaux investisseurs» apportent leurs expériences et leurs contacts pour partager les décisions stratégiques et opérationnelles.

Nous lançons un appel à toutes les chambres de commerce et d'industrie à l'échelle nationale pour provoquer des journées d'études au profit des PME à l'effet de les sensibiliser à rompre avec les anciennes habitudes : elles ne doivent plus restées cloîtrées dans un environnement familial restreint avec des affaires simples : achats et reventes en l'état et des sources de financements limitées, pour s'inscrire désormais, «situation économique du pays exige», dans une démarche d'innovation, de développement, de création de valeur ajoutée et d'emplois. Et nous sommes persuadés que tous les moyens (matériels ou humains) existent pour réussir ce grand chantier. Il suffit de prendre de l'initiative, de la bonne volonté et surtout avoir un grand sens du patriotisme.

*Expert-comptable et commissaire aux comptes - Membre de l'Académie des sciences et techniques financières et comptables - Paris