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Présidentielles françaises, les couteaux sont-ils déjà tirés ?

par Salim Metref

Puisque l'année 2022 est déjà là, une incursion dans l'actualité de l'hexagone semble utile puisque deux importants évènements viennent de s'y produire.

Si leur exploitation s'inscrira incontestablement dans la bataille des présidentielles de 2022, ces évènements révèlent néanmoins que les ressorts des institutions fonctionnent encore dans ce pays et qu'ils permettent sans doute aux Français de ne pas désespérer complètement de leur système démocratique.

S'agissant ainsi du journaliste Eric Zemmour, le CSA, autorité française chargée de veiller au bon fonctionnement de l'audiovisuel et dont l'une des missions par son suivi des programmes, est de veiller notamment au respect des droits du public, à la protection des consommateurs, à la déontologie de l'information et des programmes et au pluralisme politique, a décidé de comptabiliser le temps d'antenne de cet éditorialiste devenu un candidat potentiel à la présidentielle de 2022. Eric Zemmour qui a su intelligemment profiter de l'audience que lui offre sa messe quotidienne à la télévision a trouvé plus malin que lui.

Le CSA a décrété qu'il y a confusion entre les deux casquettes, celle du journaliste et celle du politique, la première travaillant plutôt pour la seconde qui tarde à être portée puisque le journaliste préfère déclarer officiellement sa candidature le plus tard possible. La seconde affaire est celle liée à la gestion de la crise sanitaire. L'ancienne ministre de la Santé, éminent médecin par ailleurs, devenue depuis conseillère au niveau de l'Organisation mondiale de la santé, a été mise en examen pour mise en danger de la vie d'autrui. Cette dernière est probablement accusée de ne pas avoir pris, dans l'exercice de ses fonctions, les mesures adaptées à la Covid-19 en adoptant notamment le principe de précaution préférant déclarer à l'époque qu'il n'y aura pas de situation grave.

Recalée aux municipales de Paris et dans le sillage de cette défaite, elle déclara, s'agissant de nouveau de la pandémie de la Covid-19, avoir alerté ses supérieurs hiérarchiques d'un futur tsunami sanitaire. Cette mise en examen risque en tous les cas d'en entraîner d'autres et d'encombrer ce parcours sans faute vers l'Elysée que l'actuel président français souhaite voir se déployer devant lui.

Deux évènements donc, l'un relatif à un journaliste plutôt connu pour ses propos outranciers, pris dans son propre jeu et qui accuse ouvertement maintenant le CSA de censure et l'autre à une ministre qui a discrètement quitté ses fonctions et qui se voit tout de même rattrapée par une gestion de la crise sanitaire qui n'a pas été sans doute à la hauteur de la gravité de la situation.

Souvenons-nous qu'à la même époque l'actuel président français assistait à une pièce de théâtre à Paris pour démontrer à ses concitoyens que la situation était maîtrisable alors que la pandémie couvait déjà.

Quelle lecture faire de ces deux évènements à la veille d'une campagne présidentielle qui s'annonce extrêmement dure ?

Ces deux affaires auront certainement une incidence sur le cours des choses. Eric Zemmour confie dans son dernier livre la proximité du chef de l'Etat français avec ses thèses sur l'immigration et que ce dernier lui a demandé une note sur ce sujet.

La mise en examen de l'ancienne ministre de la Santé risque sans doute d'éclabousser quant à elle d'autres personnalités puisque cette dernière dira certainement aux juges avoir alerté ses supérieurs hiérarchiques.

La pression du CSA vise à déshabiller Eric Zemmour afin qu'il précise ses intentions et qu'il n'abuse de ses nombreuses prestations médiatiques au détriment des autres candidats qui n'en ont pas autant. Cette remise en ordre du CSA affectera certainement ce journaliste qui se contentait jusqu'à présent de commenter l'actualité notamment politique et qui comme Don Camillo la tourner en dérision sans pour autant formuler de propositions, chose qui est généralement attendue d'une candidature à la magistrature suprême, exception faite de l'accélérateur du choc des civilisations dont il use et abuse à satiété.

En mettant en examen l'ancienne ministre de la Santé, les juges de la Cour de justice de la République, cette juridiction française d'exception compétente pour juger les crimes ou délits commis par les membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions, voudront certainement en savoir plus. Les dégâts collatéraux de cette mise en examen, l'injonction du CSA et les déclarations d'Eric Zemmour à propos de ses entretiens avec le Président français affecteront certainement ce dernier et pourront provoquer son effondrement dans les sondages. En encadrant dorénavant Eric Zemmour qui voulait phagocyter Marine Le Pen, le CSA redonne du souffle à cette dernière mais la course vers l'Elysée est une course d'endurance. Et dans ce contexte, il y a certes le verdict des sondages, véritable baromètre de l'opinion politique du moment, mais il y a aussi cette opinion volatile et imprévisible qui reste extrêmement sensible à la moindre affaire qui surgit dans l'actualité. Qui de Marine Le Pen où d'Emmanuel Macron sera Président en 2022 ? Nul ne peut le dire présentement et les Français voudront-ils peut-être d'un autre menu ? Des surprises pourront ainsi se produire et déjà d'autres candidatures extrêmement crédibles, notamment de femmes politiques, se profilent déjà à l'horizon comme celles de l'actuelle présidente de la Région Ile-de-France où de l'actuelle maire de Paris. Seul l'avenir nous le dira !