Est-il surprenant
que les relations entre le parquet, les magistrats en général, et les avocats
soient conflictuelles ? Pour une énième fois, les robes noires ont manifesté,
mardi 6 juin, leur colère contre les « humiliations répétées » contre la
profession. Cette fois-ci, la cause ne figure pas sur le registre de l'incident
d'audience, généralement à l'origine des mouvements de protestation des
avocats, car c'est la mise en fourrière du véhicule d'un avocat sur appui d'un
procureur qui a déclenché la protesta mardi dernier, mais cela pose un
véritable problème relationnel qu'il s'agit de gérer et entretenir dans le
temps. En tout cas, c'est la crédibilité de la justice qui est dans la balance.
Pour le justiciable, ces conflits entre avocats et magistrats ne plaident en
rien pour une justice sereine. C'est même très inquiétant de voir et d'entendre
des avocats reconnaître publiquement qu'ils sont objet d'humiliation de la part
des magistrats. Que peut dire ou faire, alors, le citoyen justiciable si sa
défense, censée plaider ses intérêts, n'est même pas en mesure de sauvegarder
son honneur ? C'est d'une gravité telle que cela appelle tous les responsables,
en premier lieu le premier magistrat du pays, à se pencher sur cette relation
qui n'a jamais été beau fixe d'une manière générale. L'avocat n'est pas
au-dessus des lois, ni le magistrat, ni le citoyen. La balance paraît bien
équilibrée dans cette considération si simple en apparence, mais pas très
abordable dans la pratique. Le fonctionnement de la justice implique l'engagement
de plusieurs parties qui ne naviguent pas toutes dans le même sens. Car, il y a
toujours une confrontation des intérêts conflictuels dans la recherche de la
vérité. Est-ce pour autant une raison pour que les parties engagées dans le
processus judiciaire se considèrent comme des ennemis jurés ou que le magistrat
en arrive à rabaisser l'importance du rôle de la défense d'un accusé, ou tout
autre auxiliaire, dans la machine judiciaire ? C'est une réalité qu'on ne
devrait pas taire, dans les confidences des avocats, ces derniers affirment
qu'ils font figure de piètre accessoire dans l'édifice judiciaire ! Est-ce par
injonction de la tutelle qu'on verrait des magistrats mieux disposés à
respecter la défense et cette dernière plus attachée au respect des procédures
et de la loi en faisant fonctionner avec rigueur les conseils de disciplines au
sein des barreaux (l'avocat étant disciplinairement dépendant du bâtonnat) ?
Rien n'est facile pour faire bâtir des relations professionnelles respectueuses
dans cet ordre où les uns et les autres sont des accréditeurs de la justice, en
même temps qu'ils lui sont assujettis. Sans jeter l'opprobre sur une partie ou
une autre, notons qu'il y a un manque flagrant de dialogue entre ces parties.
La relation entre magistrats et avocats doit être codifiée, dans le cadre de
l'éthique et de la loi au-dessus de tous, mais seul le dialogue régulier et
objectif entre eux, du fait des mutations des magistrats et des changements au
sein des barreaux selon les délais de mandats qui fait qu'on se retrouve assez
souvent dans des environnements nouveaux, pourrait aplanir les difficultés et
les inimitiés. Le recours à la grève serait dans ce cadre très éloigné du champ judiciaire.