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L'Algérie avant tout !

par Mohamed-Amine Bekadja

Je ne suis pas un spécialiste de l'histoire et en particulier de l'histoire de mon pays, mais je me sens interpellé en tant qu'universitaire par la polémique qui tourne autour, ces derniers temps, des symboles qui ont forgé l'histoire contemporaine de l'Algérie !

L'Algérie est une terre bénie de Dieu, par sa beauté, sa fertilité, ses richesses, qui ont attisé, depuis les temps les plus reculés, la convoitise de nombreux peuples envahisseurs et même des Vikings, qui, semble-t-il, ont échoué dans la baie de Honaïne et se sont installés dans la région de Nedroma*.

Mais revenons à notre sujet qui a trait à l'histoire contemporaine du pays. Le peuple de la terre Algérie s'est toujours soulevé contre l'envahisseur et l'oppresseur pour demeurer libre et indépendant ! Il a toujours combattu avec courage, bravoure et dignité, jusqu'à y subir les pires sévices comme les enfumades et les charniers découverts, signant de la sorte d'abominables crimes contre l'humanité !

Après de longues années de lutte, l'indépendance est arrachée au prix de millions de victimes civiles et militaires (Moudjahidine), au prix d'une terre brûlée, pillée, mise à sac et où tout était à reconstruire : école, université, hôpitaux, administration, économie, etc.

Pourquoi et à quelles fins inavouées, remet-on en question aujourd'hui la probité et l'honneur des illustres personnages qui ont consacré le meilleur de leur existence pour la liberté du peuple algérien et de la terre Algérie ?

Pourquoi remet-on en cause l'engagement politique, la lutte armée, l'emprisonnement et la torture, des valeureux martyrs et chouhada qui ont payé le prix fort, celui de leur vie, pour que vive l'Algérie, libre, indépendante et indivisible ?

Oui, aujourd'hui plus que jamais, le pays est menacé dans son unité territoriale et sa composante humaine par une implosion. Comment ? En commençant par remettre en cause ses symboles, en revendiquant l'intégrité du territoire national et en mettant en exergue le régionalisme et le sectarisme responsables des déchirures internes.

Dénigrer l'image de l'Emir Abdelkader (rahimahou Allah) n'a pas de sens aujourd'hui, lui, le père de l'Etat-nation Algérie et remettre en cause son combat légendaire, enseigné dans les plus grandes académies militaires de par le monde, est une goutte dans l'océan ! L'homme fut un grand érudit, un grand humaniste, un grand philosophe et un grand soufi ! Doué d'une intelligence hors norme, il a su fédérer autour de lui les plus grandes tribus du pays pour fonder et asseoir ce qu'est devenue aujourd'hui la nation algérienne.

Remettre en cause le parcours militant du père du nationalisme algérien, entrecoupé de période d'emprisonnement en France et de déportation dans les confins de l'Afrique, est à mon sens une hérésie ! Hadj Messali (rahimahou Allah) fait partie des symboles de la résistance algérienne et a représenté le vivier à partir duquel se sont forgés les différents partis politiques algériens pour aboutir à l'illustre parti historique, le FLN, et la glorieuse Armée de libération nationale (ALN). Des hommes amoureux de la terre Algérie se sont regroupés, venus de toutes les contrées du pays pour prendre les armes et défendre leur terre, expropriée par le colonisateur.

Ainsi, le combat libérateur a porté sur tout le territoire national et aucune région d'Algérie n'a eu de primauté par rapport à une autre sur le terrain des opérations militaires. Toutes les wilayas historiques ont perdu d'illustres martyrs et héros de la libération nationale, comme Didouche Mourad (Centre), Ben Boulaïd (Est), Larbi Ben M'hidi (Ouest), Amirouche (Kabylie) ou Lotfi (Ouest) et bien d'autres valeureux moudjahidine (rahimahoumou Allah) !

La majorité des Algériennes et des Algériens ont fait l'objet de brimades et de discriminations, certains de déportations et d'assassinats durant la colonisation ou ont été touchés par les affres de la guerre d'Algérie. L'histoire de l'Algérie et de la résistance algérienne, tout au long des périodes des envahisseurs, doit revenir à ceux qui de droit et qui sont les chercheurs universitaires, historiens, seuls habilités à être invités sur les plateaux de télévision pour débattre de sujets portant sur les grandes figures et symboles de l'Algérie.

Nul n'a le droit et même au nom de la liberté d'expression de dénigrer ces martyrs et le plus souvent sans documents fiables prouvant l'authenticité de leurs dires.

L'histoire en tant que matière est une science qui répond à des normes dans le cadre de la recherche scientifique et de l'investigation. Parler de l'histoire sans en être un véritable spécialiste équivaut à du charlatanisme et donc à une usurpation de profession !

L'Algérie en tant que nation est constituée de nombreuses ethnies faisant partie de sa richesse culturelle et cultuelle. La région du Grand Sud avec les Touaregs, la région du Mzab, la région des Aurès et la région de Kabylie, pour ne citer que ces régions du pays-continent, recèlent d'inestimables trésors sur le plan de la langue berbère amazighe ou sur le plan culturel (traditions et coutumes ancestrales) ou sur le plan archéologique. Nous devons protéger ce patrimoine aussi bien pour nous que pour les générations futures, car il a été conquis par le sang des martyrs et nous ne devons jamais trahir leur pacte fait avec le pays.

A l'occasion de la célébration de la fête de l'Indépendance, il est plus qu'important de rappeler aux jeunes générations qu'un combat plus ardu les attend, celui du développement du pays, sur les plans de l'algérianité, économique, social et culturel.

A mon avis, celui de la citoyenneté algérienne est plus que jamais en péril au vu de l'immigration clandestine des jeunes compatriotes ainsi que celle des intellectuels et cadres algériens.

Quelles en sont les raisons ?

En premier, la perte de confiance dans les institutions du pays, le niveau jamais égalé de la corruption à tous les niveaux, le manque de considération du citoyen algérien, l'absence d'un vrai débat démocratique, l'absence de la société civile dans le débat politique et l'absence de l'alternance au pouvoir ainsi que l'absence de libération des énergies et des initiatives. L'Algérie nouvelle doit abolir la cooptation aux postes de responsabilité du pays, doit promouvoir l'émulation de la jeunesse algérienne et lui donner les moyens de son épanouissement.

Le chantier est immense et le pays a besoin de toutes ses forces représentées par ses enfants, femmes, hommes, jeunes ou vieux, originaires de toutes les régions pour bâtir une nation forte avec des institutions crédibles et souveraines.

Vive l'Algérie indépendante, gloire aux valeureux martyrs et que Dieu les accueillent dans son vaste paradis.

*Il semblerait que le nom de Nedroma viendrait de la traduction en arabe de « surveille la mer ! » en vue de signaler toute arrivée de navires envahisseurs !



*Pr EHU 1er Novembre 1954 - Faculté de médecine d'Oran - Université Ahmed BEN BELLA 1-Oran