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Perdre son identité

par Abdou BENABBOU

Il serait salvateur de le redire sans cesse et la répétition n'a jamais été nécessairement aussi forte. L'Algérie est à un carrefour d'une dangerosité inouïe et la prudence qu'il réclame pour aboutir au boulevard du progrès et de l'aisance, requiert que peuple et pouvoir soient très au fait de l'immense enjeu. Les turbulences de toutes sortes, vécues aujourd'hui, ne sont pas de simples gesticulations nées de minimes erreurs de parcours imposées par des hommes qui n'ont fait que passer. C'est d'une mue mondiale profonde qu'il s'agit, soumettant en tous lieux, les générations actuelles à revoir et à rechercher une adaptation à une nouvelle existence qui s'annonce imparable.

La montée des extrémismes et des intégrismes aux différentes facettes, le repli sur soi et l'individualisme ne sont pas à considérer comme les identités d'un malaise passager. Ils sont le présage d'un bouleversement colossal dont l'écriture est réclamée par l'Histoire des hommes. Celle-ci se plie toujours avec docilité à ce que lui enseignent les humains. Les couvertures identitaires réclamées, à cors et à cris, d'une façon déglinguée dans des périmètres réduits, ne conduisent qu'à l'effacement de l'ensemble des raisons d'être et contrarient le semis des richesses d'un pays. En croyant nouer avec son autonomie en la confinant dans un espace étranglé, on ouvre grande la porte à la désintégration totale de sa localité. On ignore que c'est la meilleure manière de perdre son indépendance et son identité.

Les drames naissent souvent de l'entrain des inconséquences de petits dévots prétentieux qui fournissent du fil à coudre pour de gros besoins géostratégiques qui les dépassent de loin. Mis sans se rendre compte dans l'obligation de prendre de la hauteur pour se mettre au niveau de l'ère nouvelle, les Algériens devraient se rendre compte que des statuts d'acteurs ou de figurants, dans la scène mondiale en reconfiguration, ils doivent choisir. Les empreintes des frontières territoriales sont revues ici et là. Le tracé des crayons engagé par ceux qui guident le monde est maintenant visible à l'œil nu. On est presque tenté d'affirmer que leur œuvre est de bonne guerre, même si elle est maléfique et ne fait pas cas d'un humanisme recommandable. Elle reste le signe de l'engagement de stratèges avérés qui ont décidé que seul l'intérêt de leurs peuples comptait. Les Algériens sont sommés d'en tenir compte.