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L'impératif de l'investissement pour le G7

par Nicholas Stern*

LONDRES - Lors du prochain sommet du G7 à Cornwall, les dirigeants des principales économies ont une opportunité cruciale de se mettre d'accord sur un plan qui puisse non seulement entraîner une forte reprise post-pandémie de COVID-19 dans leurs propres pays, mais également accélérer la transition vers une économie mondiale durable, inclusive et résiliente.

Une leçon clé que, j'espère, les gouvernements du G7 ont tirée de la COVID-19 est à quel point chaque pays est exposé et vulnérable aux menaces mondiales, y compris les maladies infectieuses, le changement climatique et la perte de biodiversité. Les défis au bien-être et à la prospérité mis en évidence par la pandémie sont tous interconnectés, nous avons donc besoin d'une approche intégrée pour les relever. Le G7 a une responsabilité particulière pour montrer la voie en ce domaine.

Les dirigeants des pays riches se concentreront naturellement sur la santé de leurs propres économies, qui montrent des signes de rebond rapide. Mais ils devraient reconnaître la nécessité d'augmenter considérablement les investissements au cours de la prochaine décennie pour permettre une croissance forte et soutenue, ainsi que pour répondre au changement climatique et à la perte de capital naturel, y compris la biodiversité. Les pays devraient éviter de répéter l'erreur des «années folles» post-pandémiques d'il y a un siècle, consistant à se concentrer principalement sur la consommation.

Un récent rapport préalable au sommet demandé par le Premier ministre du Royaume-Uni, Boris Johnson, que j'ai dirigé, montre que les investissements du G7 en proportion du PIB avant la pandémie étaient à leur plus bas niveau depuis plusieurs décennies. Dans certains pays, comme le Royaume-Uni, la baisse des investissements après la crise financière mondiale de 2008-09 explique en grande partie la faible croissance économique de la décennie suivante.

Notre rapport recommande que le G7 investisse collectivement 1 000 milliards de dollars supplémentaires par an, par rapport aux niveaux d'avant la pandémie, au cours de la prochaine décennie, de façon à favoriser une reprise durable et soutenue. Bien que la majeure partie de cette augmentation, équivalente à 2% du PIB combiné de ces pays, proviendra du secteur privé, les gouvernements doivent mettre en œuvre les politiques et les attentes correctes pour l'encourager, et doivent eux-mêmes être prêts à investir, en particulier au cours des deux prochaines années.

À plus long terme également, les gouvernements du G7 devraient être prêts à emprunter pour investir afin de stimuler la croissance et de jeter des bases solides d'une révolution industrielle verte. L'ambition est moins risquée que la prudence, car un investissement faible se traduira par une économie anémique. Mais cela ne signifie pas que les ministères des Finances doivent abandonner la discipline budgétaire. Au contraire, ils devraient veiller à ce que les finances publiques soient orientées vers des investissements de haute qualité susceptibles de créer une croissance soutenue et de générer des recettes fiscales.

Un engagement en faveur de finances publiques viables au cours de cette décennie favorisera l'investissement, tant que l'austérité prématurée n'étouffera pas la demande. Notre analyse montre que les opportunités d'investissement dans les infrastructures durables et l'environnement offrent des rendements particulièrement attractifs. Les pays du G7 devraient ainsi accélérer la décarbonation de leurs économies en supprimant progressivement les énergies fossiles et en les remplaçant par des énergies, des transports, des industries et une agriculture zéro émission.

Par exemple, le G7 pourrait s'engager à faire en sorte que 80 % de son électricité soit produite à partir de sources à zéro émission d'ici 2030. Il pourrait adopter des normes zéro émission nette pour tous les nouveaux bâtiments à partir de 2024 et viser à installer 100 stations publiques de recharge de véhicules électriques par 100 000 habitants d'ici 2023. Ces pays devraient également investir beaucoup plus pour protéger et restaurer la nature sur terre et en mer, ainsi que dans une agriculture productive et durable.

Mais les dirigeants du G7 doivent également reconnaître que leurs économies ne se redresseront pleinement que si la croissance est rétablie dans le reste du monde. En effet, la majeure partie de la demande mondiale au cours de la prochaine décennie proviendra des marchés émergents et des pays en développement.

Le G7 doit donc s'employer à mobiliser les financements et à favoriser l'investissement dans ces économies. Parce qu'aucun pays ne sera à l'abri de la pandémie tant qu'elle n'est pas sous contrôle partout, le besoin le plus critique et le plus urgent est de combler le déficit de soutien financier de l'initiative pour un accès mondial aux vaccins contre la COVID-19 (COVAX), et de promouvoir la production et le partage de vaccins. Tous les pays devraient avoir accès à des vaccins efficaces contre la COVID-19 et aux moyens d'immuniser leurs populations.

En outre, les pays riches doivent aider les économies en développement avec leurs dettes extérieures et leur accès au financement par le biais de sources telles que les droits de tirage spéciaux (DTS), l'actif de réserve du Fonds monétaire international. Sans une telle assistance, le monde risque de subir une décennie de développement perdue et de ne pas réaliser bon nombre des objectifs de développement durable des Nations Unies.

Le G7 doit également veiller à ce que les pays riches remplissent tardivement leur engagement - pris en 2010 - de mobiliser 100 milliards de dollars par an auprès de sources publiques et privées d'ici 2020 pour aider les pays en développement à lutter contre le changement climatique. Ils devraient chercher à augmenter substantiellement le montant annuel d'ici 2025 et à augmenter la composante concessionnelle.

Cette possibilité, associée aux DTS supplémentaires, à l'expansion des prêts des banques multilatérales de développement et à l'utilisation des ressources qui soutenaient auparavant les investissements dans les combustibles fossiles, met en évidence la possibilité de mobiliser davantage de fonds pour les pays les plus pauvres sans surcharger les finances publiques.

Le sommet crucial de l'ONU sur le changement climatique (COP26) à Glasgow en novembre risque d'échouer, si le monde riche n'honore pas ses engagements financiers envers les pays en développement et ne les reporte pas à 2025. Pour cette raison, le rassemblement du G7 à Cornwall pourrait être un tournant, non seulement pour la reprise après cette terrible pandémie, mais aussi pour la création d'une économie mondiale beaucoup plus saine.



Traduit de l'anglais par Timothée Demont

*Ancien économiste en chef de la Banque mondiale (2000-03) et coprésident de la Commission internationale de haut niveau sur les prix du carbone - Professeur d'économie et de gouvernement et président du Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment à la London School of Economics and Political Science.