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Batailles pour la télévision

par Akram Belkaïd, Paris

Que sera la télévision demain ? L’annonce, cette semaine, de la fusion entre les groupes français TF1 et M6 pour constituer un ensemble de près de 4,5 milliards d’euros permet de prendre la mesure des enjeux concernant un secteur qui fut emblématique de la deuxième moitié du vingtième siècle. Selon les analystes, ce mariage qui dépend encore des autorisations des autorités de concurrence - ces dernières devraient certainement obliger le nouvel ensemble à céder des actifs pour ne pas être en position dominante - démontre que la tendance mondiale est à la concentration.

L’impact d’Internet

Face à l’explosion des usages multiples de l’Internet et des diverses applications de vidéo, de jeux en réseau et de simulations diverses, la télévision classique est en train de perdre l’intérêt de celles et de ceux qui auraient pu être ses utilisateurs de demain. La tendance est partout la même, qu’il s’agisse de pays riches ou non : les jeunes générations regardent bien moins la télévision que leurs parents. Dans certains cas, il y a même une rupture réelle, l’ordinateur ou, plus encore, le téléphone intelligent, remplaçant le petit écran de manière presque définitive.

Cela a son importance car, pour les télévisions privées, la perte d’une audience signifie une difficulté supplémentaire à attirer les annonceurs. On a longtemps cru qu’Internet serait incapable d’attirer à lui des budgets publicitaires conséquents. Ce n’est plus le cas. Google, Facebook et d’autres réseaux sociaux démontrent que la bataille de la réclame se déroule de plus en plus sur le Net. Du coup, « la télévision de papa » semble avoir vécu. C’est d’autant plus vrai que les usages changent y compris pour les usagers qui lui sont encore fidèles.

Terminé le temps des horaires imposés, des programmes incontournables qui fédèrent toute une société. Aujourd’hui, les formules à la demande, la multiplicité des canaux, l’existence d’offres de diffusion en ligne plus ou moins légales, donnent l’embarras du choix au téléspectateur. Certes, il y a encore des carrés de résistance : le football, les grandes compétitions sportives (Tour de France, Jeux Olympiques) ou bien encore la téléréalité semblent bien résister. Mais, là aussi, l’évolution des goûts et des pratiques impose le changement comme en témoigne l’usage accru de l’interactivité.

Incontournable contenu

Mais le grand défi demeure celui du contenu. Tous les mariages dans le secteur, à l’image de la fusion entre Warner et Discovery (130 milliards de dollars) sont des opérations défensives vis-à-vis d’opérateurs de plus en plus actifs dans la production et la diffusion payante. C’est le cas, par exemple, de Netflix et de ses concurrents qui estiment que le meilleur moyen de rentabiliser ses « tuyaux » est de contrôler très loin en amont le « liquide » qui s’y écoule. De même, les chaînes de télévision classique peinent à trouver une parade au développement spectaculaire des jeux en réseaux mais aussi des diffusions de « gaming », autrement dit des utilisateurs de jeux vidéo qui se filment en train de jouer et dont les exploits sont suivis en direct par des milliers, parfois des millions, d’internautes à qui il ne viendra jamais l’idée d’allumer un poste de télévision. La télévision n’a pas tué la radio. Internet, lui, oblige la télévision à se réinventer.