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Croissance ou environnement ?

par Akram Belkaïd, Paris

La pandémie de Covid-19 amène nombre d’économistes et de politistes à revoir leurs certitudes ou, du moins, à repenser leurs prévisions. Le dérèglement infligé par les multiples confinements et autres mesures sanitaires a laissé entrevoir la fragilité du modèle de la «planète plate», comprendre ce monde où les échanges commerciaux ne rencontrent aucun obstacle ou presque. Un monde fait aussi de délocalisations incessantes liées à la recherche permanente du moindre coût, notamment salarial.

Tourisme et aérien perdants

On sait que la question du protectionnisme est de nouveau sur la table, notamment aux Etats-Unis. Fabriquer chez soi les produits vitaux et offrir des emplois à ses propres nationaux est en train de devenir le mantra américain et on se demande si l’Europe va suivre le mouvement ou pas. Mais il n’y a pas que cela. La pandémie a provoqué un ralentissement certain de l’économie mais tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne. Les services informatiques, financiers, la grande distribution, les services à la personne, tous ont tiré leur épingle du jeu et contribué à limiter la récession. A l’inverse, des activités comme le tourisme de masse et le transport aérien figurent parmi les grands perdants.

Cela amène à se demander s’il est bien utile de les aider. Car la question est aussi d’ordre écologique. Le «monde d’après» tant évoqué au début de l’épidémie saura-t-il concilier obligation de croissance et protection de l’environnement à l’heure où les conséquences du réchauffement climatique sont de plus en plus concrètes et, trop souvent, meurtrières ? On connaît le débat. Nombreux sont ceux qui pensent qu’on ne peut pas concilier la croissance du produit intérieur brut (PIB) et la nécessité de préserver la nature. Notre monde est fini et ses ressources ne sont pas exploitables pour toujours. L’eau, l’air, les sols, les végétaux subissent nombre de pollutions, celle occasionnée par le plastique n’étant pas des moindres.

Le Covid-19 a imposé une forme de décroissance que souhaitent nombre d’écologistes. Mais cela ne peut durer. Des emplois sont en jeu et avec eux les stabilités sociales et politiques de nombre de pays. Alors, comment faire ?

Reprendre la fuite en avant ? Certains pays, on pense à l’Inde, n’ont pas le choix. Avec près d’un milliard de personnes à nourrir, la priorité est donnée à l’économie même si des mouvements écologistes y sont de plus en plus actifs. En Occident, les discours sur la nécessité d’un nouveau modèle économique se multiplient. Il s’agirait d’un modèle hybride où, sans jamais perdre de vue l’impératif de croissance, des choix seraient faits pour promouvoir certains secteurs et laisser les autres décliner.

Reprise en «K»

Cela obligera à trouver des réponses à des questions délicates. Le monde a-t-il besoin d’autant d’avions en circulation ? Le tourisme de masse, véritable catastrophe écologique, est-il viable ? Déjà, des réponses affleurent. Nombre de grandes entreprises ont fait savoir que l’usage des nouvelles technologies permettra de diminuer de manière drastique les va-et-vient incessants de leurs employés.
Plus besoin de voyage d’affaires quand une réunion zoom suffit à régler la majorité des problèmes. C’est tout le sujet de la fameuse «reprise en K». Certains secteurs repartiront à la hausse, d’autres s’effondreront. De nouvelles habitudes de consommation sont prises et l’on sait que dans ce genre de situation le retour aux situations antérieures est très rare.