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Un ramadhan pas comme les autres: Soirées fades et rues sans âme

par J. Boukraa

Ramadhan, le mois le plus sacré, semble bien différent cette année aussi, Covid-19 oblige. Jadis, synonyme de belles et longues soirées entre familles ou amis, de virées nocturnes ou bonnes affaires commerciales à tous les égards, a au vu des premiers jours de jeûne bien changé.

L'atmosphère n'est plus aussi attrayante qu'avant. Les rues en soirée semblent avoir perdu de leur superbe. Peu de badauds y déambulent. Le peu de personnes qui s'aventurent dehors sont les quelques fidèles qui accomplissent les Tarawih ou des mordus de café noir bien serré au café maure du coin. Dans ce sillage, beaucoup de gérants de ce genre d'établissements se plaignent de la faible fréquentation, si ce n'est quasi nul. Pour Abdelkrim, gérant d'un café au quartier Maraval, cette année malgré le confinement partiel la situation est catastrophique. Je n'arrive pas à atteindre 2.000 dinars de recette par soirée. Je ne vous cache pas que je comptais sur les soirées de ramadhan pour faire un peu de chiffre d'affaires, mais absolument rien. Si ça continue, je n'ouvrirai plus. Je n'arrive plus à couvrir mes charges alors que je suis seul au café. Je fais tout, du machiniste au plongeur en passant par le serveur».

Cette situation est visible presque partout sauf pour de rares endroits au centre-ville qui arrivent à tirer leur épingle du jeu. Cette situation est pour beaucoup due à la courte période entre la rupture du jeûne et le début du confinement à 23 heures. Les gens sont peu enclins à se déplacer et aussi au vu de la recrudescence des cas de Covid-19 et l'apparition de différentes variantes.

Cette situation est partagée par d'autres secteurs d'activité commerciale à l'instar des magasins d'habillement, de salons de coiffure pour hommes ou pour femmes, entre autres. Les soirées sont devenues fades et les rues sans âme. Pour Farid, père de famille et taxieur de profession, «cette année est encore à mettre aux oubliettes comme celle d'avant. La soirée est trop courte. Les gens ne se déplacent pas. Les premiers jours, je suis sorti en vain pour travailler. J'ai gaspillé du carburant inutilement. J'ai décidé de rester le soir à la maison». A signaler que cette situation n'a pas épargné les transports urbains de voyageurs. Les bus restent parqués dans leur majorité le soir pour manque de rendement. Pour Hamoud, un citoyen de 45 ans, «le charme d'avant a totalement disparu. La tendance actuelle est de rester à la maison et faire le tour des programmes de télévision en attendant le shour. Moi personnellement (et ils étaient des dizaines de milliers dans son cas), je passais mes soirées à aller d'un endroit à un autre avec mes amis pour finir à prendre le shour chez des échoppes de fortune de grillades qui étaient parsemées à chaque coin de rue ou de quartier. Ce ramadhan, on peut les compter sur les doigts d'une main».

El Hadj Abdelkader, un vieux de plus de 70 ans, ne cache pas son étonnement au vu de ce changement brusque des habitudes de plusieurs décennies d'âge pour cause du coronavirus. Pire, pour ce dernier, «tout n'est plus comme avant. On ne reconnaît plus rien même pas nous-mêmes. C'est la deuxième année que cette pandémie existe et elle a presque effacé nos habitudes. Si ça continue, on ne sera plus ce qu'on était et c'est très grave». Un voisin a ajouté : «Les soirées sont devenues courtes et sans aucun goût. Beaucoup de citoyens espèrent que cette morosité disparaîtra dans les jours à venir et que le ramadhan d'antan retrouve sa place avec toutes ses belles choses». Quelques habitudes qui ont la peau dure et sont inamovibles au grand bonheur des mères de familles qui en profitent pour avoir un tant soit peu de répit le soir, ce sont les rires et les joies des enfants qui parsèment les quartiers et les rues par leurs jeux et batailles nocturnes qu'on ne retrouve qu'au mois du ramadhan ou la nuit de célébration du Mawlid Ennabaoui Echarif. D'un autre côté, la faible circulation des gens et des véhicules aurait un impact positif sur l'environnement et surtout réduirait le risque d'accident de la circulation.