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Inflation, le retour ?

par Akram Belkaïd, Paris

On l’oublie quelques mois, voire même quelques années, et puis, soudain, elle refait son apparition dans les débats, ce qui n’est pas sans incidence immédiate sur les marchés. «Elle», c’est l’inflation. Exception faite de certains pays isolés, ou de certains secteurs comme l’immobilier, la hausse des prix demeure modérée depuis près d’une décennie, certains experts allant même à évoquer une «ère de déflation». Or, depuis quelques jours, l’inflation est de nouveau à la une de l’actualité notamment aux États-Unis.
 
Plan de relance
 
Quand on parle d’inflation, il est automatiquement question de taux d’intérêts, notamment ceux à long terme (on parle alors de «taux longs»). Or, les taux longs américains «se tendent», autrement dit, ils augmentent, ce qui n’est jamais une bonne nouvelle pour les marchés. Cela signifie qu’emprunter à long terme va être plus onéreux, que les entreprises qui ont besoin d’investissements longs, on pense notamment aux valeurs technologiques, seront pénalisées sans oublier les États qui s’endettent. Du coup, le souvenir du minikrach de 2013 est revenu dans les esprits. A l’époque, la hausse des taux combinée à l’idée que la Réserve fédérale stopperait ses interventions sur le marché avait provoqué un important coup de semonce sur les marchés boursiers et obligataires. La Fed avait alors rassuré tout le monde en réaffirmant son intention de poursuivre son «assouplissement quantitatif» («quantitative easing» ou «QE»). En clair, elle continuerait sa politique non orthodoxe de rachat d’actifs, plus ou moins sains, sur les marchés.
 
Cette fois, ce n’est pas vraiment la fin possible du QE -démentie par la Fed- qui est à l’origine des soubresauts des marchés. En proclamant sa volonté de mener une forte politique de relance, la nouvelle administration américaine a fait automatiquement renaître les craintes d’un retour de l’inflation. Chèques de 1.400 dollars envoyés à 80% des ménages, dépenses volontaristes pour vacciner la population, relance des travaux d’infrastructures, etc. C’est une démarche clairement keynésienne pour laquelle a opté le président Joseph Biden. Et qui dit relance, dit hausse de l’activité et, in fine, surchauffe. On n’en est pas là mais, on le sait, les marchés ne sont qu’une somme d’anticipations plus ou moins fondées.
 
Tension sur les monnaies
 
Quoi qu’il en soit, la perspective d’une hausse des taux américains inquiète beaucoup, notamment en Europe où les taux longs se sont eux aussi tendus. Dans les pays émergents, la question qui inquiète concerne les monnaies. En effet, quand les taux augmentent aux États-Unis, cela pousse les investisseurs à opter pour des actifs américains afin d’obtenir de meilleurs retours sur investissement. Du coup, les flux financiers quittent certaines places et provoquent le dévissage des monnaies locales aux rendements peu attrayants en comparaison du billet vert. C’est ce qui vient de se passer en Turquie où la Banque centrale a relevé ses taux pour défendre la livre et empêcher les sorties de capitaux. Une mesure qui n’a guère plu au président Erdogan qui a limogé le gouverneur Naci Agbal. Quand les taux longs américains se tendent, c’est toute la planète qui se contracte.