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Des eaux pluviales et les techniques alternatives face aux inondations

par Ben Amara Elhabib*

L'approche que l'on fait de la question des inondations nécessite un changement de paradigme: l'eau n'est pas un déchet, pour s'en débarrasser au plus vite dans les égouts via les avaloirs, en pleine crise de disponibilité d'eau pour des millions de ménages à travers le pays. L'eau de pluie est un trésor et doit être gérée là où elle tombe. Ce qui suit est une introduction, présentation des techniques alternatives de gestion des eaux pluviales pratiquées dans le monde depuis un demi-siècle, et qui ne trouvent pas leur chemin dans le pays. L'option du « tout à l'égout » est dépassée, et n'est ni efficace, ni sûre encore moins rentable.

1. Gérer l'eau entre sécheresse, pollution et inondation.

C'est dans le but d'initier, mettre en valeur, et promouvoir une gestion durable de l'eau, sous ses diverses formes (pluviales, usées, souterraines?) dans l'aménagement de la parcelle jusqu'au territoire, en passant par l'îlot, le quartier et l'agglomération; que nous proposons cet article, en réponse à une actualité brûlante caractérisée par :

- La multiplication des problèmes d'approvisionnement de l'eau pour les habitants, quand les pénuries se posent avec acuité, surtout dans les villes au climat désertique, où la sécheresse est récurrente. Le manque d'eau en pleine canicule pousse alors à l'émeute désespérée.

- Les changements climatiques brusques, où les inondations sont chroniques; quand les ruissellements non contrôlés des eaux de pluies diluviennes, dans les zones urbaines presque totalement imperméables, deviennent des crues; et provoquent des dégâts désastreux dans leur passage.

- Les pollutions des eaux usées déversées dans les oueds, et les rivières sans aucun traitement avec ses risques sanitaires avérés, et ses spectres d'épidémies.

A la sécheresse du milieu, la négligence humaine y ajoute la pollution du peu d'eau disponible. Il existe pourtant des techniques économiques et écologiques de récupération- réutilisation des eaux pluviales et de traitement-épuration des eaux usées, parfaitement applicables dans notre contexte, et ayant fait leur preuve de par le monde, depuis des décennies, et appliquées en Europe.

Il s'agit aussi des systèmes alternatifs de gestion des eaux pluviales tels les Noues, les Fossés enherbés, les Tranchées drainantes, les Puits d'absorption, les Bassins de récupération, les Chaussées à structure réservoir, les Toitures végétalisées, et les Citernes.

Il s'agit des techniques alternatives de phyto-épuration ou jardin-filtrant pour l'épuration des eaux usées, consistant en bassins remplis de galets, et plantés de roseaux (phragmites) ; dont des expériences pilotes réussies sont réalisées notamment à Laghouat-Ouargla depuis 2007.

Ce travail vise leur présentation, pour une généralisation pratique dans le territoire du pays, notamment à travers une sensibilisation élargie aux différents acteurs, et un plaidoyer pour une mise à niveau de la règlementation.

2. Enjeux et problématique de la gestion des eaux pluviales et usées

Sans eau il n y a pas de vie, nécessaire à tous les êtres vivants, à la régulation climatique, au maintien des écosystèmes, à l'agriculture, à l'industrie, et à la production d'énergie. L'urbanisation et les remaniements qui en découlent : La création de routes, et des cités d'habitat et équipements, entraînent l'imperméabilisation des sols et modifient fortement le cycle naturel de l'eau.

Les conséquences sont nombreuses et significatives, il s'agit notamment, d'inondations et de dégradation de la qualité de l'eau des milieux récepteurs (cours d'eau, nappes phréatiques ?) Les ressources en eau sont de plus en plus exploitées dans le territoire, souvent au-delà des capacités naturelles de recharge et la qualité de cette ressource vitale est souvent compromise par les rejets d'eaux usées urbaines, agricoles et industrielles dans l'environnement. Les eaux usées domestiques infectent les nappes, polluent l'air et favorisent la multiplication des moustiques, vecteurs de maladies.

En milieu saharien, les eaux usées sont déversées dans les oueds qui traversent les palmeraies, ce qui contribue à l'achèvement de ses palmiers que l'Homme du désert a planté et entretenu depuis des siècles. Les oasis sont en agonie, leur écosystème est rompu à cause des aménagements réalisés, depuis des décennies. Qualifiés de modernes, ces derniers négligent pourtant le traitement des eaux usées. Ayant rompu avec les traditions vivantes dans les ksour, de récupération-réutilisation des déchets, les nouveaux villages, avec l'option du «tout à l'égout » vers le rejet à l'oued sans traitement, polluent les sols avant les nappes par les effluents domestiques : Résultat : en quelques dizaines d'années des siècles de labeur et de laborieux labours sont achevés, sacrifiés sur l'autel d'un modernisme non maîtrisé, aux solutions importées incomplètes et non adéquates. Et des risques sanitaires latents pour les humains, en abondance. Les eaux de pluie: dans tous les cas, ne se récupèrent pas et se mélangent aux eaux usées. La conséquence de la pollution de l'eau est la contamination de tous les écosystèmes, la dégradation des rivières, et réserves souterraines d'eau douce, et la perte de biodiversité. La pollution de l'eau est une cause majeure de mortalité dans le monde. (Typhoïde, Cholera, Dysenterie, ?). Les risques de maladies des personnes entrainent la perte de bien-être social. La pollution de l'eau, des palmeraies et des rivières repousse le tourisme.

Le défi des années à venir réside donc dans la gestion de l'eau dans les villes, au vu de sa rareté en milieu saharien, et de sa pollution au rejet.

Les différentes ville dsu pays, dont l'urbanisation ayant commencé à la suite de la colonisation, au début du siècle dernier, s'est développée à l'indépendance, en attirant une population rurale à la recherche de meilleures conditions de vie. Cette migration vers la grande ville s'accompagne par une extension aux multiples dysfonctionnements, notamment dans les régions périurbaines: habitat informel, insécurité, pauvreté et dégradation de l'environnement.

Avec la croissance urbaine galopante, la ville est de plus en plus confrontée alors aux risques: de sécheresse, d'inondation et de pollutions. La problématique des inondations devient un enjeu majeur en termes de sécurité publique, notamment de par les impacts à venir du réchauffement climatique qui ne vont faire qu'accentuer les phénomènes extrêmes, plus de sécheresse, d'un côté et plus d'inondations d'un autre.

L'urbanisation grandissante et la densification de l'habitat, ont entrainé une imperméabilisation croissante des terrains par les revêtements des sols, l'eau de pluie n'est plus absorbée par la terre, elle ruisselle et s'écoule dans les réseaux qui ne sont pas calibrés pour de telles quantités. Une situation aggravée par la récurrence d'épisodes pluvieux de plus en plus violents. Ne pouvant absorber autant d'eau, les réseaux débordent et provoquent des inondations.

La mise en œuvre des Plans d'urbanisme concrétisée, entre autres, par les opérations de lotissements, pose d'énormes contraintes de viabilisation (voirie, assainissement des eaux usées et des eaux pluviales, ? etc.) qui viennent accentuer les graves problèmes de pollution de l'environnement et de pénurie de l'eau dus aux phénomènes suivants : L'inondation des terrains urbains, la stagnation des eaux pluviales sur les chaussées et en particulier dans les dépressions, la sécheresse chronique et les perturbations dans l'alimentation en eau potable, la pollution des oueds et des rivières et des nappes phréatiques, les risques sanitaires, le retard dans l'exécution des réseaux d'assainissement, dus à la crise, au niveau des lotissements lancés ces dernières années.

Comment gérer d'une manière économe et écologique l'eau, qu'elle soit pluviale ou usée, dans les aménagements urbains et les projets d'habitat notamment les lotissements lancés ces dernières années, dont la viabilisation connait un déficit faute de moyens financiers ?

La sécheresse puis les inondations et les pollutions de ces dernières années soulignent toute l'actualité de la problématique de la gestion de l'eau (cf. les articles de presse de juillet, août, septembre, de l'année 2018, qui ont couvert, les émeutes relatives aux pénuries d'eau, les pollutions des eaux, les risques de choléra au centre du pays, et les dégâts des inondations dans certaines villes).

Comment diminuer les risques d'inondation, phénomène naturel inéluctable dont on peut sûrement atténuer les dégâts par des solutions techniques simples et peu coûteuse, à l'instar des villes des pays développés ?

Ces risques dus à des défaillances dans la gestion de l'eau, entrainent des perturbations de son cycle naturel. Des lacunes dans les différents secteurs, produites par de multiples acteurs censés intervenir dans le processus d'aménagement sont les causes directes. Le cloisonnement, le manque de concertation, le retard dans l'appréhension des problèmes, la crise financière, et l'absence de rigueur de certains intervenants font que l'on n'arrive pas à prendre conscience du danger de la situation et de l'urgence de trouver les solutions adéquates en partant des expériences d'autres pays plus riches et plus aptes à relever les défis de l'urbanisation. Notre pays est particulièrement sensible à ces questions. Nous prions Dieu pour qu'il donne cette eau, et nous bâtissons des villes sans que cette eau ne soit récupérée, pire nous la rejetons directement dans les égouts. Pourquoi d'autres pays plus riches le font, et nous, nous ratons l'occasion de profiter de cette bénédiction et continuons à la déverser dans les égouts ?

Comment récupérer et profiter de l'or bleu, des eaux pluviales, cette richesse tant convoitée qui se fait rare avec la sécheresse qui sévit dans la région menacée par la désertification et les réutiliser dans l'agriculture, l'arrosage, le lavage et les toilettes?

Dans le contexte de sécheresse, de pénurie, et de forte pression sur les ressources en eau, le traitement et la réutilisation et des eaux pluviales et des eaux usées, constituent une réponse à une demande sans cesse croissante qui s'inscrit dans une vision de développement durable.

Une analyse globale des problèmes de l'eau est nécessaire pou aborder tous les enjeux de sa gestion et de sa disponibilité pour les génération futures en quantités et en qualité. Enjeux de sécurité publique, amplifiés par le changement climatique, à travers les risques d'inondation. Les inondations de 2008, puis celles de 2014 à Bechar ; et celles qu'ont connues certaines villes cet automne (Tebessa, Constantine, Alger?); avec leurs lots de dégâts dans les infrastructures, et les biens privés et publics, estimés à des milliards de dinars, nous interpellent à entamer une présentation des techniques utilisées dans d'autres pays, et les moyens de les adapter dans la région.

Les aménagements ont un impact qualitatif et quantitatif sur la ressource eau et sur les risques d'inondation. L'urbanisation extensive entraîne un déficit d'infiltration, un lessivage des polluants urbains et accentue les risques d'inondation. Le traitement de rétention-épuration des eaux pluviales, permettrait aussi une atténuation des risques d'inondations générées par les crues, le stockage et la réutilisation de ces eaux augmenteraient la superficie irriguée supplémentaire et sauveraient les palmeraies en danger de sécheresse.

Enjeu de disponibilité face aux pénuries, dues à l'abaissement du niveau des barrages, résultat de la sècheresse.

Enjeux de santé publique : étant donné que des quantités importantes d'eaux usées domestiques continuent, à ce jour, à être déversées dans la nature sans aucun traitement préalable, ce qui génère des impacts négatifs sur l'environnement, la nappe phréatique et la santé des personnes en contact avec ces eaux en raison des maladies hydriques qu'elles peuvent causer. Il existe des indices de pollution des eaux qui méritent dès à présent qu'on se penche dessus.

Comment épurer les eaux par ces temps de crise, partout dans toutes nos villes et villages à moindre frais?

Enjeu d'assainissement à faible coût et d'épuration écologique pour une réutilisation dans l'irrigation, ou pour l'alimentation des nappes phréatiques, sans risques de pollution.

Les effets de pollution liée aux rejets des eaux usées en milieux urbain et rural incitent à une gestion rationnelle de cette ressource hydrique par le recours à des actions d'optimisation de la gestion de l'eau dans toutes ses formes pluviales, usées, souterraines...

Comment réduire la pollution des eaux usées, source de maladies hydriques?

La problématique de la pollution provoquée par les eaux usées est devenue inquiétante, l'épuration de ces eaux est devenue une nécessité. Dans ces moments de crise, l'expérience des jardins filtrants (gravier et roseaux), dont une expérience pilote a été réalisée à Timacine-Laghouat, est à généraliser à une centaine à travers le pays au vu des résultats probants obtenus dans l'épuration des eaux usées, comme l'a promis le ministre des Ressources hydriques, lors d'une conférence de presse parue dans le soir du 08/05/2013.

Enjeux réglementaires et législatifs de rationalisation de l'action des collectivités et de sensibilisation des citoyens face à tous les aspects concernant l'eau et sa gestion.

La recherche définira des mesures visant à généraliser la création de zones humides plantées de roseaux. Des mesures structurantes et valorisantes en termes paysager pour la prévention des inondations urbaines, et la limitation des pollutions devraient être prises.

En montrant les limites de la réglementation algérienne en matière de gestion de l'eau (pluviales et usées) comparativement aux législations de certains pays développés.

Cette thèse vise la prise en charge cohérente de la problématique d'ensemble de l'eau, qu'elle soit pluviale ou usée, dans les différentes échelles du local au global.

La recherche montre l'expérience des pays développés dans la gestion alternative à la solution « du tout à l'égout » des eaux pluviales et eaux usées avec des moyens économiques et écologiques : basée sur le concept du filtre planté de roseaux. La recherche doit donc également être une opportunité pour définir, présenter et mettre en valeur la gestion durable des eaux pluviales par la généralisation des techniques alternatives à la solution « du tout à l'égout » devenues incontournables car plus efficaces et moins onéreuses :

Si l'épuration des eaux usées est une évidence pour limiter la pollution et amoindrir les risques sanitaires, la mise en place de stations d'épuration est prise en otage, d'un côté par la cherté des installations, et d'autres par les difficultés techniques de leur fonctionnement et manutention (pièces détachées, et consommation d'électricité, ...)

Dans le même temps, les techniques évoluent, se diversifient, se perfectionnent dans le monde grâce aux recherches et réalisations entamées et entreprises depuis des décennies. Notamment les techniques de phyto-épuration : filtres plantés de roseaux. Il existe de par le monde des solutions d'aménagement pour limiter les risques des inondations et des pollutions qui convergent, toutes, vers la phyto-épuration pour plusieurs avantages, notamment son coût faible et sa facilité et de réalisation et d'entretien. L'on avance dans la littérature sur la question la formule : ?Le Génie Ecologique et Végétal au secours du Génie-Civil'.

Dans ce sens, notre étude vise à montrer la simplicité et l'efficacité des procédés naturels utilisant des macrophytes (roseaux) comme une solution alternative pour le traitement des eaux usées des petites collectivités, ou quartiers d'agglomérations urbaines. Les filtres plantés de macrophytes (plantes aquatiques, dont les roseaux font partie), issus de l'observation des zones humides naturelles reproduisant les processus épuratoires des écosystèmes naturels, offrent une alternative écologique, économique, durable et esthétique. Mais celles-ci sont encore très peu nombreuses dans le pays, et se limitent à quelques expériences pilotes réalisées dans les wilayas de Ouargla et Bayadh pour le traitement et réutilisation des eaux usées. Quant aux techniques de récupération des eaux pluviales, elles restent inconnues et inapplicables dans notre pays, surtout pour celles relatives à leur récupération, et gestion pour limiter les risques des inondations ou pertes dans les égouts.

Comment promouvoir, mettre en valeur et généraliser les solutions d'épuration plus écologiques, moins coûteuses et plus simples d'entretien, faites de bassin planté de roseaux?

Pour sensibiliser, faire connaître, apporter des connaissances, mettre en valeur les techniques alternatives économes et écologiques de traitement des eaux usées, et de récupération des eaux pluviales : un énorme travail est à entreprendre pour maîtriser la gestion économe et écologique de l'eau dans les lotissements en milieu rural notamment.

Il existe des techniques simples à réaliser, à la portée de tous et mobilisables au quotidien. Plusieurs études révèlent la simplicité et l'efficacité de ce procédé naturel d'épuration des eaux usées domestiques dans des milieux ruraux et urbains, par rapport à la complexité et aux coûts importants des stations d'épuration classiques.

D'où la question globale : Comment généraliser et réadapter les techniques écologiques et économiques, de phytoépuration dans la récupération des eaux de pluies et l'épuration des eaux usées, dans les milieux ruraux et urbains?

Mots clés : Eaux pluviales, Anti-inondations, Eaux usées, Techniques alternatives, Filtres plantés de roseaux, Phyto-épuration, infrastructure vertes.

*Architecte-Urbaniste - Universite Mouloud Maâmeri.