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Bitcoin, records et mots de passe

par Akram Belkaïd, Paris

Où l’on reparle du bitcoin et pour plusieurs raisons. Il y a quelques jours, on apprenait que le constructeur automobile américain Tesla avait investi dans cette monnaie virtuelle. Selon ses comptes, il a déboursé 1,5 milliard de dollars pour en acquérir durant le mois de janvier dans une démarche de diversification de ses avoirs. Ce n’est pas la première fois que Tesla réalise un placement dans les monnaies cryptées mais c’est la première fois qu’il consent à le faire aussi massivement.

A quand les 100.000 dollars ?

La conséquence de cette opération, c’est que le cours du bitcoin s’est encore envolé dépassant brièvement le record historique de 44.000 dollars l’unité. On imagine le bonheur actuel de celles et ceux qui ont acquis cette monnaie il y a quelques années quand son cours était au plancher. Il y a deux ans, cette même chronique se penchait sur le coup de mou subi par toutes les monnaies virtuelles, bitcoin en tête (1). Ce dernier, après avoir touché les 20.000 dollars, cotait alors à 3.500 dollars. En deux ans, il a donc refait ses pertes et même doublé sa valeur. Rappelons qu’en 2019, la Suissesse Olga Feldmeier, patronne d’une start-up et véritable star du milieu des crypto-monnaies (elle est surnommée «la reine du bitcoin»), annonçait un bitcoin à 100.000 dollars en 2022. On verra bientôt si une telle prédiction se réalise.

En attendant, cette crypto-monnaie ne laisse personne indifférent. Et l’engouement qui l’entoure inquiète les autorités de plusieurs pays, y compris africains, en raison des multiples escroqueries, abus de confiance, détournements et financement illicites qui s’appuient sur sa technologie et ses échanges. De manière régulière, on lit dans la presse spécialisée que le bitcoin serait devenu la monnaie préférée des « terroristes » et des réseaux mafieux. Très alarmistes, ces papiers ne sont pourtant étayés par aucune statistique sérieuse et les vrais chiffres démontrent que la part d’ombre de la crypto-monnaie ne concernerait qu’une partie infime des 18,5 millions de bitcoins en circulation.

Escroqueries et oublis dévastateurs

Ce qui est vrai, par contre, c’est que les affaires ont tendance à se multiplier, prenant parfois l’allure de faits cocasses. Un exemple : en Allemagne, un pirate informatique a réussi à contrôler plusieurs ordinateurs de particuliers et à acquérir par leurs biais -c’est-à-dire au détriment de ces particuliers- 50 millions d’euros en bitcoins. Repéré par la police, il a été emprisonné et a purgé une peine de deux ans de prison. Problème, les bitcoins frauduleusement acquis sont désormais inaccessibles, l’individu refusant de donner le mot de passe pour y accéder. Rappelons que le processus de création (minage) ou d’acquisition d’un bitcoin est assez complexe, qu’il exige un équipement informatique et logiciel adéquat et, bien entendu, un mot de passe pour accéder à son portefeuille.

Cela n’a rien à voir avec un simple site internet où il est (presque) toujours possible de réinitialiser son mot de passe. Avec le bitcoin, seul son propriétaire possède l’identification et s’il ne s’en rappelle plus, c’est tant pis pour lui. Du coup, des sommes conséquentes sont perdues (parfois oubliées !) ou sont impossibles d’accès. Selon le New York Times, 125 milliards d’euros en bitcoins seraient concernés (2). Ainsi, aux États-Unis, un particulier possédant pour 200 millions d’euros dans cette crypto-monnaie n’arrive pas à accéder à son portefeuille. Il a essayé huit fois de taper sa clef d’identification. Huit échecs. Il ne lui reste que deux essais possibles avant le blocage définitif de son compte. Rageant quand la presse affirme que ladite monnaie pourrait atteindre 50.000 dollars l’unité d’ici la fin de l’année…

(1) «Le bitcoin, mirage ou promesse», 16 janvier 2019.
(2) «Lost passwords lock millionnaires out of their bitcoin fortunes», 12 janvier 2021.