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Réinventer l'école

par Chaib Aïssa-Khaled*

Devant être de solides instruments d'éducation fonctionnelle, (celle de la mentalité scientifique, en particulier), destinée à initier l'individu à raisonner à partir d'un complexe hypothèses-intérêts, en aiguisant son sens de l'observation et à interpréter les données expérimentales en appréciant leur faisabilité et leur cohérence, il sera assigné aux curriculums, (plan de formation), de prévoir un enseignement en mesure de disperser l'équivoque et de dissiper l'ambiguïté qui tenteraient d'assiéger l'esprit pour le noyer dans la confusion.

Il leur sera assigné, en outre, de prévoir un enseignement qui l'orientera dans le sens de l'effort intellectuel authentique, cet effort qui sera capable d'animer l'enquête scientifique et déterminé à piloter le rapport qui existe entre la connaissance et son utilité pratique, en vue de lui permettre de cerner une vérité scientifique de moins en moins relative. En véritables plans de formation, ils devront se définir par :

*la cohérence des activités de l'enseignement-apprentissage et leur pertinence par rapport aux objectifs arrêtés ;

*la définition d'une méthode appropriée à l'acte éducatif prospectif ;

*la périodicité de l'alternance des modes d'évaluation, (sommative et formative), de l'enseignement-apprentissage programmé.

L'élaboration des contenus d'étude, (programmes), s'effectuera sur la base de critères psychopédagogiques universels. Evolutifs, ils seront continuellement amendés. Ils seront appréciés dans leur interactivité et dans leur complémentarité, d'où la mise en place d'une stratégie-tactique ayant pour mission d'évaluer leur pertinence et par conséquent, d'actualiser régulièrement les manuels scolaires ainsi que les méthodes, les moyens et les procédés de leur enseignement. L'approche intra et interdisciplinaire, appelée à favoriser la compréhension des concepts, l'assimilation de l'utilité pratique qu'ils sous-tendent et de fait, la formation et l'affermissement des compétences générales et des qualifications spécialisées escomptées, devra être de mise.

Les objectifs de la Formation seront développés sous forme de connaissances à dispenser, (complexe cognitif) et d'aptitudes à faire acquérir, (compétences). La formulation des objectifs est un temps fort qui permet de passer de l'analyse à l'action. Il s'agit alors de changer de points de vue et d'imaginer cette formulation « en regardant ver l'avenir ». Formuler des objectifs, c'est donc canaliser l'action, élaborer des choix et hiérarchiser les priorités.

S'agissant des objectifs généraux

On en répertorie la promotion du culte du savoir et de l'action utile par l'initiation de l'esprit à procéder à son réarmement systématique au moyen de la formation permanente, (à instituer), et à conscientiser son projet d'avenir, en lui apprenant à :

*acquérir et à assimiler les notions de mathématiques ainsi que la maîtrise de leurs applications ;

*adopter des attitudes positives qui l'aideront à s'intégrer dans la société humaine du troisième millénaire marquée par la mondialisation des idées et du comportement, l'accélération des progrès scientifiques et technologiques et l'intensification de la concurrence entre les nations et qui mettent les hommes face à l'omniprésence du futur, sa crainte, ses incertitudes, mais aussi ses défis.

*sacraliser et promouvoir le rôle de la société algérienne au sein de la civilisation universelle. Dans un monde où le rythme des mutations et du progrès technique est fortement accéléré, l'Algérie doit se doter des moyens de s'intégrer à ce mouvement général dans la préservation de son génie propre et de ses intérêts nationaux, sauf à sacrifier, dans une passivité inconsciente et suicidaire, ses chances de progrès dans un premier temps, son identité nationale et son indépendance ensuite. Cette nécessité requiert, au premier chef, l'adaptation du système d'enseignement qui doit s'ouvrir davantage sur le monde, ses évolutions et ses exigences.

*maîtriser les langues étrangères pour s'ouvrir sur d'autres cultures et s'enrichir à leur contact. Certes, c'est en maîtrisant notre langue et en apprenant la langue des autres que nous pourrons leur faire découvrir la beauté et le pouvoir magique de celle-ci. Il est, cependant, des sciences auxquelles on ne peut avoir accès, si on ne domine pas plusieurs langues. Il est donc clair que le savoir ne s'enferme pas dans la langue d'une nation et ceux qui le cherchent ne doivent pas ignorer qu'ils ne peuvent l'apprendre que chez les autres et dans la langue des autres.

S'agissant des objectifs opérationnels

La mission éducative consiste à :

*stimuler et à entretenir l'intérêt pour l'apprentissage des procédés scientifiques et aussi à comprendre les causes des évènements et leurs conséquences ;

*former au savoir-faire et à développer l'attitude scientifique ;

*favoriser l'introduction de la culture scientifique dans la vie culturelle de l'individu et de la société au sein de laquelle il évolue et contribuer, ainsi, à la dissipation de la dichotomie qui existe entre ce qui est communément appelé deux cultures, (scientifique et littéraire).

L'évaluation continue des curriculums, une obligation

L'évaluation continue des curriculums aux différents ordres de l'enseignement, joue un rôle important. Elle fournit un feed-back utile à l'enseignant et permet aux élèves de mesurer leurs performances et de se situer par rapport aux objectifs poursuivis. A propos des objectifs poursuivis. Ils devront déterminer la préparation et l'organisation du processus d'apprentissage et jouer le rôle de critères nécessaires et utiles dans l'appréciation rigoureuse des résultats. Elle permet, dans l'accomplissement de sa mission, de cibler, de mettre en valeur et d'évacuer l'incohérence, l'uniformisation et la faiblesse dont la présence compromet, indubitablement, l'aboutissement de la mission spécifique de l'école, éduquer, instruire, former et qualifier.

En conséquence et lors de leur conception et de leur élaboration, dans le cadre de la refondation du système éducatif en vigueur, tout risque d'incohérence, (produit du cloisonnement interdisciplinaire et intra disciplinaire), d'uniformisation, (manque d'ouverture et de diversification des parcours d'enseignement ?chaque individu ayant son profil psycho-mental et psycho-intellectuel propre-), et de faiblesse, (manque d'exigence et de rigueur dans les aspects essentiels de la gestion de la mission éducative), est à proscrire. Par contre, l'assouplissement, (la différenciation) du rythme de progression, (rythme d'apprentissage), des enseignements et l'encouragement de la solidarité entre les élèves et non la compétition, sont à promouvoir.

S'agissant de l'incohérence

Elle est d'abord interne à chaque ordre d'enseignement. Elle se manifeste par :

*le cloisonnement des contenus des programmes d'études. L'approche disciplinaire fermée sur elle-même, ne peut que produire ses méfaits : multitude d'objectifs disparates, difficile repérage des fils conducteurs des plans de formation, intégration malaisée des connaissances enseignées, mauvaise articulation entre la formation des compétences générales et celle des qualifications spécialisées ;

*l'absence de vision prospective du système et qui conduit à des ruptures franches entre les contenus des programmes d'étude, d'où leur morcellement. Conséquence, lourdeur dans l'identification des objectifs communs aux divers enseignements, difficulté à discerner entre l'essentiel et le secondaire qu'ils renferment, préparation à l'Enseignement supérieur mutilée.

Le passage d'un ordre d'enseignement à un autre, ne se fera donc pas sans heurt. Si l'articulation des savoirs entre eux n'inspire pas ceux qui conçoivent et qui élaborent le curriculum, celui-ci sera construit selon une approche disciplinaire étroite. Il donnera l'aspect de corridors qui ne communiquent pas entre eux. Par ailleurs, les programmes d'étude trop chargés, entretiendront une atomisation des savoirs, d'où leur éparpillement.

S'agissant de l'uniformisation

Ses conséquences sont l'incapacité de prendre en compte les situations particulières, (élèves en difficulté d'apprentissage entre autres) et l'incapacité, voire le refus d'utiliser des moyens et procédés pédagogiques diversifiés, d'où la résistance à la poursuite des mêmes objectifs généraux par des voies et parcours différents et la lenteur d'adaptation des programmes d'étude aux circonstances et particularités rencontrées.

Un plan de formation qui refuse, donc, de prendre acte des différences individuelles et de poursuivre les mêmes objectifs généraux par l'usage de la pédagogie différenciée, est un plan qui limite l'accès au savoir.

En conséquence et pour s'ériger en générateur de succès scolaire, le curriculum, (plan de formation), devra admettre que chaque individu couve ses propres spécificités, (ses différences). Il faudra donc et par souci d'une optimisation du rendement scolaire, orienter l'enseignant et l'aider à « concocter » un habile mélange d'observations et de diagnostics capables de le renseigner sur la nature psychologique, intellectuelle, mentale et affective de tout un chacun et de lui adapter le traitement pédagogique adéquat. En tout état de cause, il n'y a guère de chances pour que des enfants différents, aux plans psychique, intellectuel et mental, acquièrent les mêmes savoirs, en même temps et en cheminant le même parcours. La pratique enseignante a montré qu'à chaque contrôle, les résultats enregistrés font apparaître des écarts importants qui sont d'ailleurs et sans pour autant en faire des stéréotypes discriminatoires, utilisés pour apprécier les aptitudes des uns et des autres.

S'agissant de la faiblesse

La faiblesse ou le manque d'exigences du curriculum détint sur la qualité de la formation qui sera alors une formation tronquée, incomplète, inachevée. Elle se manifeste par :

*des lacunes qui carenceront ce qui devrait être la maîtrise de la langue. Dans le cas algérien, le constat est éloquent et bien qu'il faille éviter de le dramatiser, il importe, tout de même, de prendre le diagnostique au sérieux.

*la déficience dans l'acquisition de l'habileté intellectuelle. Elle est le produit de la déconnexion des programmes d'étude les uns des autres, tant au plan intra-disciplinaire qu'au plan interdisciplinaire. Autrement dit, si ceux des cycles d'étude immédiatement supérieurs n'assurent pas la continuité de ceux des cycles précédents, il est clair que l'habileté intellectuelle, cette force motrice qui anime la dynamique de l'épanouissement du raisonnement logique et du jugement méthodique, se verra altérée. Dès lors, le développement d'une méthodologie d'approche fiable dans la résolution des situations-problèmes, se verra elle aussi, altérée et c'est ce qui a fait que le diplôme universitaire algérien qui était accepté à la Sorbonne, à Oxford et à Harvard, ne l'est plus. Comme le Dinar, ce diplôme perd de sa valeur.

En effet, si du primaire au supérieur les formations sont tronquées, il est inévitable que les diplômes, en leur qualité de sanction de celles-ci, soient de mauvais prédicateurs de compétences générales et de qualifications spécialisées et ne soient donc pas à la hauteur des promesses attendues.

Un rythme différencié dans la progression des enseignements-appprentissages, s'impose

L'uniformité du rythme d'apprentissage est indubitablement source d'échec scolaire. Cependant et pour que celui-ci fasse aboutir un succès scolaire de qualité, il devra obéir, dès les premières années de la scolarité, à des préoccupations de sélection /orientation de l'information à transmettre et de la connaissance à vouloir créer. Une plus grande souplesse et aussi une plus grande rigueur, devront donc être requises dans sa définition.

Dans cette perspective, la scolarité devra cesser d'être une vulgaire succession d'années scolaires et de niveaux d'apprentissage, comme il devra être pris acte du fait que, pour des raisons psychologiques, les enfants n'ont pas, au même moment de leur croissance, les mêmes possibilités de prospecter, d'explorer, de sélectionner et d'abstraire.

En conclusion, un rythme d'apprentissage uniforme ne permet pas d'assurer, à tous, la maîtrise des acquisitions fondamentales et par implication, le passage d'un niveau d'étude à un autre, forts des mêmes compétences et des mêmes qualifications. Faire fi des différences individuelles, au plans cognitif, comportemental, intellectuel et psychologique, ne fait que relativiser la pertinence de la connaissance à transmette, encore plus son utilisation. Vouloir assurer à tous les élèves des chances égales de succès, c'est mettre au point un système scolaire qui permet à tous de cheminer leur cursus à des « vitesses » différentes, c'est-à-dire un système scolaire qui adapte le rythme des progressions des apprentissages au développement psycho-intellectuel de tout un chacun. Ainsi, tout un chacun pourra atteindre le niveau escompté en fin de cycle, puis en fin de parcours. Cela suppose que les compétences et les connaissances exigées en fin de cycle, doivent être préalablement et clairement définies.

Concevoir et élaborer des curriculums adaptés aux exigences du siècle, c'est réaliser le profil du citoyen porte-parole de son temps et témoin de demain

Le profil de sortie du système éducatif constitue, par essence, la dimension essentielle de la politique éducative. Cela incite à l'établissement du fil conducteur entre les plans de formation ou curriculums, (ceux des divers enseignements-apprentissages). Les objectifs généraux qui baliseront son évolution, devront, à cet effet, être mis en relation avec :

*la mission d'éveil par premiers apprentissages ;

*la mission d'acquisition des langages de base, (calcul, lecture, écriture), et donc d'initiation culturelle du cycle primaire ;

*la mission de formation fondamentale du cycle moyen et la mission de préparation d'un certains nombre d'élèves à la formation professionnelle ;

*la mission d'approfondissement de la formation générale et de concentration pré-universitaire du cycle secondaire.

Le profil de sortie du cursus scolaire sera alors la résultante des compétences jugées essentielles à faire acquérir à chacune de ses étapes. Son aboutissement appelle, par conséquent, à la restructuration des contenus d'étude et à celle des objectifs susceptibles de les animer. Il suscite alors, la concertation entre ceux qui en seront en charge et suppose la collaboration intra et interdisciplinaire. Il devra être consacré comme le moyen d'intégration des enseignements-apprentissages dans la dynamique de leur épanouissement.

Lorsqu'on réussit un profil de sortie, on aura concrétisé l'aboutissement de la mission éducative en général et celle d'un ordre d'enseignement, en particulier.

Vouloir former le citoyen porte-parole de son temps et témoin de demain, c'est donc se poser les questions suivantes :

*que devrait savoir et que devrait être capable de faire une personne au sortir de tel cycle d'étude ?

*quelles compétences devrait-elle avoir acquises ?

*quelles connaissances devrait-elle posséder ?

*quelles habiletés devrait-elle maîtriser ?

*quelles attitudes devrait-elle développer ?

La réponse à ces questions renvoie, en profondeur, à la formulation et à la clarification des objectifs généraux du plan de formation. C'est donc authentifier les dispositions psycho-intellectuelles qu'on veut développer chez chaque élève, lui apprendre à circonscrire la démarche intellectuelle qui lui permettra de comprendre, de retenir, d'assimiler et d'exploiter les connaissances qui lui seront enseignées.

Définir un plan de formation, c'est par conséquent, tenter une représentation anticipée et exhaustive de l'aboutissement, (produit), de la mission éducative d'un ordre d'enseignement en particulier et du système éducatif, en général.

Chargé de structurer le profil du citoyen porte-parole de son temps et témoin de demain, c'est-à-dire un profil de sortie fort de potentialités psycho-intellectuelles et d'un capital cognitif et comportemental promoteurs de la mentalité scientifique, un profil de sortie qui assure à l'individu son intégration dynamique dans la société du troisième millénaire et son adaptation aisée à ses ambitions, ses aspirations, ses besoins et ses contraintes, le futur plan de formation devra assurer l'intégration des apprentissages aux exigences d'une société qui se veut adepte de la mondialisation et partant, du culte du savoir et de l'action.

Définies par les options d'une politique éducative promotrice de la mentalité scientifique, les lignes de force de ce profil devront se traduire :

a) au plan intellectuel par sa capacité à :

*maîtriser la langue nationale et les langues étrangères ;

*prendre conscience qu'il ne peut dompter les mystères de la nature et les domestiquer à des fins utiles, (au profit de l'avenir commun aux hommes), que si son autonomie intellectuelle trouve son expression éloquente et que si son aptitude à pénétrer à l'intérieur du savoir pour y organiser ce qu'il doit connaître, atteigne son « âge de raison » ;

*organiser l'évolution de sa démarche intellectuelle prospective, (recherche et investigation)), et ne pas se contenter de se figer dans le déterminisme de l'évidence ;

*entretenir au moyen de l'intérêt et de la conviction, cet entrain qui l'incitera à rompre avec le carcan de l'incertitude ;

*s'évertuer à comprendre le pourquoi et le comment pour se concilier avec l'authentique.

b) au plan comportemental par sa capacité à :

*s'adapter aux imprévus et aux circonstances que crée « le nouveau monde » ;

*interagir avec son environnement et s'intégrer dans la société tout en leur étant utile ;

*exprimer ses opinions avec lucidité et objectivité.

Dans cette perspective, le curriculum ou plan de formation sera appelé à :

*Développer la collaboration intra et interdisciplinaire par souci de situer la discipline à enseigner dans un contexte culturel ayant des objectifs transdisciplinaires et assurer ainsi aux apprentissages dispensés, leur intégration dans la dynamique de leur épanouissement. Il s'agit de munir chaque élève des moyens nécessaires à son développement intellectuel autonome. C'est dire qu'il devra l'aider à acquérir des apprentissages durables, structurants, transférables et formateurs ;

*structurer les objectifs intermédiaires des contenus des programmes d'étude autour de la formation de la mentalité scientifique, devenant désormais le but à atteindre, la compétence fondamentale à installer ;

*repérer les acquis qui serviront d'ancrage aux nouveaux savoirs, remédier aux failles et engager des mises à niveau pour ajuster les enseignements-apprentissages au profil de sortie envisagé ;

*guider chaque élève dans la construction de son savoir en l'orientant et en l'éclairant dans sa démarche intellectuelle de recherche et d'investigation.

Concevoir et élaborer un plan de formation promoteur de la mentalité scientifique, c'est vouloir former l'esprit et non pas, le dresser. C'est lui apprendre à apprendre en invitant tous les enseignements à se centrer sur la formation de ses habiletés et de ses aptitudes intellectuelles exploratrices et structurantes. C'est donc, tenter d'établir une authentique communion entre l'esprit et le savoir ce qui favorise l'intégration des données nouvelles dans des schèmes antérieurement formés. C'est réanimer les principes psychopédagogiques et proposer des stratégies éducatives sur la base d'une logique de formation qui ne s'enfermera pas dans un code fonctionnant à vide mais qui l'initiera, (l'esprit), à connaître et à apprécier progressivement son envergure psychologique, intellectuelle et cognitive et à la développer pour en faire le moyen de s'affirmer dans la société de savoir et d'action qui devra être la sienne.

Notons que pour évoluer au sein de cette société, tout en lui étant utile, chaque individu devra éprouver le besoin de se donner les moyens de son développement intellectuel autonome. Il devra, pour ce faire, s'investir dans son éducation permanente.

Eduquer la mentalité scientifique, c'est refuser l'uniformité et le cloisonnement des ordres d'enseignement dans le plan de formation à envisager

Il faut pour cela :

*diversifier les voies de formation dans tous les ordres d'enseignement.

Identifiant et authentifiant les préoccupations de chaque élève, (ses ambitions, ses aspirations, ses besoins et ses contraintes), prenant acte de ses disponibilités cognitives, de ses aptitudes psycho-intellectuelles et tout en poursuivant l'objectif général, (l'éducation de la mentalité scientifique), désormais défini comme inéluctable et soucieux d'assurer à tous les élèves une formation de qualité, large et polyvalente pour mener le plus grand nombre d'entre eux à une réussite scolaire de qualité, le plan de formation devra favoriser, du cycle primaire à l'université, la diversité des parcours et des voies de formation et exclure, par conséquent, les cloisonnements entre les ordres d'enseignement, les enfermements et les formations rétrécies. La démocratisation de l'enseignement résidera, désormais, par delà les chances d'accès aux études, dans les chances d'accès à la réussite scolaire de qualité. Ces parcours dans lesquels les différences individuelles trouveront à s'exprimer, s'axeront sur des programmes qui se recentreront systématiquement sur l'essentiel, l'éducation du raisonnement logique et du jugement méthodique et qui prendront appui sur des mécanismes de rattrapage de la formation manquante, (cours de soutien, cours complémentaires), évitant ainsi l'accumulation des lacunes.

*Rehausser les exigences en matière de formation des compétences générales et de qualifications spécialisée

L'une des critiques les plus fréquentes et les plus virulentes à l'adresse du système éducatif algérien, cible la qualité de la formation qui se distingue, non seulement, par une indigence culturelle mais aussi par une incapacité notoire à développer la force de raisonner logiquement et de juger avec méthode.

En effet, trouver dans les écoles, les collèges, les lycées et les universités, des élèves et des étudiants dont la formation s'avère insuffisante et la motivation déficiente, est sans doute l'un des effets pervers du large accès à la scolarité. Cela ne signifie aucunement qu'il faille remettre en question la démocratisation de l'enseignement, ni abandonner l'objectif du taux élevé en matière d'accès au diplôme. Cependant, il faut comprendre que l'accès aux études et aux diplômes devra, désormais, indubitablement s'harmoniser avec la qualité de la formation, ce qui renvoie, pour une grande part, à l'amélioration des curriculums et à la valorisation de l'effort intellectuel à consentir au profit de la recherche de la vérité.

La société algérienne, se voulant de savoir et d'action, devra appeler à un élargissement de la scolarité et de la gratuité à tous qui, par delà l'accès aux études et aux diplômes, assurera à tous l'accès à la qualité de la formation.

En tout état de cause et dans l'état actuel des choses, des pans entiers de la population scolaire et estudiantine, manifestent un désintérêt et un désengagement certains à l'égard des études. Formations antérieures disparates et sans portée, réussites sans efforts et accaparement par une débrouillardise rémunérée, ne peuvent qu'en être les causes. Le tout est cautionné par un encadrement administratif et pédagogique qui « a l'air d'avoir l'air, mais qui n'a pas l'air du tout ». La baisse du niveau des compétences et des qualifications escomptées est, par conséquent, l'expression de la médiocrité qu'enregistrent les pratiques pédagogiques, du morcellement que connaissent les objectifs ou, carrément de leur absence, de la précarité qui relativise la mission de l'évaluation, de l'encombrement et de la désarticulation qui affectent les programmes d'étude. Elle est, en somme, le produit d'une organisation scolaire délitescente et d'une recherche pédagogique qui « broute dans des maquis desséchés ». A ce propos, de recherche pédagogique devant être la mission fondamentale de l'Institut national de recherche en éducation, (le défunt IPN), est comme bannie. En effet, l'INRE chargé de promouvoir et d'engager les réflexions pour améliorer la gestion de la mission éducative et celle de l'acte pédagogique, est un espace qui ne sert pratiquement à rien. Aucune recherche n'y est engagée, aucune édition d'idées-forces ne se fait, aucune contribution n'y est permise encore moins, considérée, encore moins encouragée».

Si aucun ordre d'enseignement n'a échappé à la baisse des exigences qui permettent aux élèves de franchir une étape scolaire, nantis de potentialités significatives mais utiles, il est clair que l'accès au cycle d'études supérieures s'accompagne d'une formation médiocre, ce qui détint sur l'accès au diplôme, d'où son inconsistance. Au risque de me répéter, je dois redire que le diplôme universitaire algérien qui était accepté à la Sorbonne, à Oxford et à Harvard, ne l'est plus. Comme le Dinar, il perd de sa valeur.

Pour faire aboutir un réajustement structurel, ce sera alors sur l'ensemble du système éducation qu'il faudra agir. Les curriculums devront, dorénavant, livrer des défis sérieux, qu'il ne sera pas facile de relever, sans efforts et sans conviction, et auxquels il importe de répondre pour réussir. La complaisance n'étant plus de mise.

Au primaire

S'agissant de la maîtrise de la langue nationale

Aucun compromis ne sera admis. Langue d'enseignement, son apprentissage se perfectionnera en interaction féconde avec celui des autres « savoirs », le calcul et l'écriture en l'occurrence. En tout état de cause, un niveau de compétence linguistique, de raisonnement logique et d'écriture appréciable devra être conquis au terme du cycle primaire. Autrement dit, le profil de sortie, en langue nationale, devra comprendre une utilisation aisée, intelligente et agréable du jugement méthodique, de la lecture et une communication parlée et écrite éloquente et compréhensible.

Au Collège

Il importe de ne pas ignorer que ce palier du cursus scolaire pourrait être terminal pour certains élèves et une étape pour d'autres. De toutes les façons, il devra, dans les deux cas de figure, être qualifiant pour l'accès au cycle secondaire. Autrement dit, un niveau de compétences générales et de qualifications spécialisées certain, devra être comptabilisé à l'issue de ce cycle. Cela suppose que la formation fondamentale dispensée devra, d'ores et déjà, préparer le citoyen à un fonctionnement autonome et responsable en société.

Au Secondaire

Tout en pouvant être, lui aussi, un cursus terminal pour certains élèves et une autre étape de scolarité pour d'autres, il prépare à l'Enseignement supérieur. Il devra, par conséquent, assurer la consolidation des acquis tout en apprenant à ceux qui le fréquentent, de les exploiter. A ce propos, la formation qui y sera dispensée, devra être orientée vers une maîtrise, de mieux en mieux significative, des langages de base, (langage mathématique en particulier) et vers une ouverture sur la culture universelle.

Le diplôme sanctionnant ce cycle, (le baccalauréat), devra être un indicateur crédible du niveau des compétences et qualifications acquises. Il serait, cependant, souhaitable que, tout en accomplissant son cursus secondaire, tout un chacun devra combler ses lacunes et se « construire » une meilleure performance pour pouvoir affronter le cycle universitaire avec le maximum de chances de réussir. En conclusion, il est tout à fait clair que depuis le cycle primaire jusqu'au supérieur et pour répondre aux exigences d'une intégration sociétale dynamique animée par l'évolution des savoirs et des métiers, il est impératif que les curriculums devront s'ériger en promoteurs d'un niveau scolaire sans cesse perfectionné.

*Directeur départemental de l'éducation - Ancien Professeur INRE - Auteur : Dernier ouvrage paru aux Editions El Maârifa : « Comment mettre en état un Etat qui était dans tous ses états »