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Université : quelle orientation ?

par Mohammed El Akermi*

«Il semble nécessaire, si le préalable concernant « la volonté politique de refonder l'université » est affirmé, d'orienter le débat sur la révision de la loi d'orientation, vers l'essentiel : redéfinir les missions de l'université, et ramener la sérénité pour reconstruire le consensus entre l'université, la société et le développement du pays».

Il est largement admis, aujourd'hui, que l'université algérienne vit une grave crise de développement, car malgré l'important investissement en moyens matériels et humains, et comparés aux standards internationaux, les niveaux de l'enseignement dispensé sont considérés comme bas, le rayonnement sur la société est quasi inexistant, et l'impact des savoirs acquis sur le développement économique n'est pas perceptible. Des analystes expliquent cette situation par le peu d'intérêt et confiance, voire de la marginalisation, du pouvoir politique à l'endroit de l'université. Mais n'est-ce pas là, un déficit de démocratie qui touche à d'autres pans de la société. Et peut-il justifier la faible implication des élites dans les « affaires de la cité » ? Ne s'arrêtant pas aux constats, quelques universitaires continuent à réfléchir sur l'exercice de leur métier, et analysent les différents aspects du fonctionnement de l'université algérienne. Mais si leurs recommandations sur des sujets précis sont toutes pertinentes, elles restent partielles et ne peuvent contribuer à l'amélioration des performances de l'université, de manière efficace. Car pour être opérationnelles, ces propositions ont besoin de coordination et de convergence autour d'un même objectif et surtout de l'élaboration d'un agenda de mise en œuvre, tant la situation de l'université s'est complexifiée. Il semble alors nécessaire, si le préalable concernant « la volonté politique de refonder l'université » est affirmé, d'orienter le débat vers l'essentiel : redéfinir les missions de l'université pour les comprendre de la même manière, et surtout ramener la sérénité pour reconstruire le consensus entre l'université, la société et le développement du pays.

A ce sujet, le ministre propose aux enseignants du secteur dont il a la charge, de contribuer à la révision de la loi d'orientation de l'enseignement supérieur. Cela constitue, à mon sens, l'occasion d'organiser le débat si nécessaire pour cerner les éléments essentiels de la refondation de l'université algérienne. Car une loi d'orientation traduit la politique d'un secteur et constitue les règles générales de son fonctionnement ; ses modifications permettent de corriger les incohérences, lever les limitations constatées sur le terrain, et introduire les nouvelles orientations devenues nécessaires, en veillant à la cohérence globale.

Néanmoins, certaines réserves se posent et méritent d'être levées : D'abord, le contexte politique et sanitaire est-il favorable à la présentation d'une loi aussi importante, sachant qu'une nouvelle constitution vient, à peine, d'être adoptée, des élections législatives sont prévues, une pandémie perturbe le fonctionnement de l'humanité, etc. C'est pourquoi des conditions particulières doivent être réunies pour que la contribution d'un maximum d'acteurs soit assurée, et pour rendre le débat facile, utile et efficace. Ensuite, n'est-il pas plus intéressant d'imaginer une loi d'orientation pour tout le système éducatif, d'enseignement et de formation ? En effet, le fonctionnement de l'université et son rendement sont largement conditionnés par le fonctionnement des autres segments du système. Une loi qui concernerait tout le système éducatif crée de la cohérence dans le mode d'orientation des élèves sur la base des capacités, des aptitudes et des vœux, coordonne entre les différents segments (éducation ; formation professionnelle ; enseignement supérieur) et organise les articulations entre les différents paliers (primaire ; moyen ; secondaire ; supérieur ; professionnel).Et enfin,s'agit-il d'une loi sur l'enseignement supérieur ou sur l'enseignement supérieur et la recherche ? : Certes, l'enseignement supérieur se faisant, aussi, par la recherche, la loi doit concerner la recherche scientifique « universitaire ». Mais seulement cette composante, et pas toute l'activité de la recherche au niveau national (recherche développement ; recherche en entreprise ; etc.), comme semble le faire le projet, même si aujourd'hui l'architecture gouvernementale donne la tutelle (de toute la recherche) au MESRS.

Quant au contenu du projet de loi, un débat élargi à d'autres acteurs, en plus des universitaires, donne l'occasion d'appréhender les questions prioritaires liées à la place et aux missions de l'université dans la société, ainsi que des sujets structurants portant sur la démocratisation de l'enseignement, sur son caractère national, ou sur l'autonomie des universités. Tous ces sujets,parce que mal assimilés, ont été à l'origine de nombreux dysfonctionnements, que la loi d'orientation en vigueur n'a pas suffisamment prévenus. S'agissant d'un projet de loi, nous aborderons dans cette modeste contribution quelques-uns de ces thèmes, en termes de principes généraux ; les détails de la mise en œuvre sont l'affaire de la réglementation, c'est-à-dire de décrets d'application.

Notre premier commentaire porte sur la permanence des politiques menées dans l'enseignement supérieur, et sur le caractère national de l'université : De part, son champ d'action et son rayonnement dans la société, l'enseignement supérieur, tout comme l'éducation nationale, devrait bénéficier d'une forme de souveraineté, où les règles générales adoptées par le consensus social national pour encadrer le secteur,sont stables. En effet, la gouvernance de ce bien de toute la nation ne peut être, totalement, soumise aux logiques des politiques gouvernementales, elles-mêmes déterminées par les changements fréquents de majorités politiques. De nombreux égards étaient réservés à l'université, par le passé, mais avec l'implantation de l'enseignement supérieur sur l'ensemble du territoire, le caractère « national » de l'université s'est dilué progressivement. L'exemple le plus significatif de ce glissement se situe au niveau des wilayas, où les rapports de l'université avec le représentant du gouvernement au niveau local ont évolué en faveur du wali, qui en devient quasiment le chef.

Les relations du Wali avec le recteur sont devenus les mêmes qu'avec n'importe quel directeur de wilaya d'un autre secteur, sans qu'aucune réglementation n'ait accompagné cette tournure ; alors que les recteurs ne sont pas membres de l'exécutif de wilaya, et les universités n'accueillent pas que les citoyens de la wilaya. Cette situation de prédominance de fait de l'Administration devant l'université, s'est développée dans un contexte de retrait progressif des intellectuels et des universitaires de la vie sociale et politique du pays ; un recul souvent justifié par les limitations des libertés, et par la marginalisation de l'université. C'est pourquoi, l'affirmation des libertés académiques, d'opinion, de recherche, d'expression,dans le projet de loi d'orientation, était nécessaire pour protéger les enseignants-chercheurs, et leur permettre de mieux exprimer leurs capacités de création et d'innovation, et s'impliquer pleinement dans le développement de l'université, et donc du pays. Aussi, les dispositions introduites par le projet de loi, et portant «projet d'établissement » et « démarche qualité », réhabilitent les enseignants dans la conduite des établissements, et vont dans le sens de la préparation à l'autonomisation de l'université.

Néanmoins, le concept de liberté académique est à considérer différemment que dans une société qui a une pratique et des traditions bien implantées en matière de liberté et de démocratie ; une société qui a déjà produit ses propres balises. Si toute la liberté dans l'expression, dans l'écriture ou dans la recherche scientifique est garantie pour l'enseignant-chercheur, l'acte pédagogique qui engage, aussi, l'étudiant, doit être encadré pour protéger ce dernier de l'endoctrinement idéologique et de la politisation partisane. La responsabilitéde l'enseignant,à respecter les contenus et programmes académiques, participe à créer l'équilibre entre les libertés et les obligations, et favorise l'environnement serein, nécessaire à la mobilisation de toutes les potentialités.C'est un consensus à construire.

La question des libertés académiques est à lier avec celles de l'éthique, du droit syndical et à la grève (pour les personnels et les étudiants), du rejet de la violence dans le règlement des conflits, du respect des franchises universitaires, etc. Tout en confirmant ces droits pour ses acteurs, l'université doit donner l'exemple en matière du « vivre ensemble »,et en général de respect des règles universelles qui font le ciment de la société. Ainsi,le projet de texte législatif préviendra et traitera des dérives qui ont induit une détérioration dans les rapports sociaux à l'intérieur de la communauté universitaire, et terni l'image de l'université dans la société. Par exemple la fermeture de l'université par des groupes d'étudiants ou de travailleurs, quelles que soient les revendications, ne relève ni de la démocratie ni de la liberté ;c'est une pratique à bannir par la communauté universitaire elle-même, et à condamner fermement par la loi. L'autre exemple de dérive à éradiquer par les scientifiques et à prévenir dans le texte, c'est la triche aux examens et le plagiat des mémoires et des thèses.

L'autre sujet fondateur du consensus social concerne la juste compréhension du concept de démocratisation de l'accès à l'université : La démocratisation de l'enseignement, traduite par la gratuité de l'accès au système éducatif public et la scolarisation obligatoire jusqu'à 16 ans, est un acquis qu'il y a lieu de sauvegarder. Pour l'université, ce principe assure l'égalité des chances, pour tous les bacheliers algériens, à accéder à l'enseignement.

La graduation dans les études et l'acquisition de diplômes doivent être le résultat de l'effort individuel et selon les capacités de chacun. De même que le fonctionnement des œuvres universitaires est à appréhender avec rigueur et justice, pour que l'effort en infrastructures et équipements, contribuent à faciliter l'accès au maximum, et que l'aide de l'Etat soit dirigée essentiellement aux étudiants aux revenus modestes pour éviter la sélection par l'argent, d'un coté, et de l'autre, à ceux ayant de bons résultats pédagogiques, pour encourager l'excellence. Un investissement colossal est consenti pour faire bénéficier quelques 80% des étudiants de l'hébergement, de la restauration, du transport, ou encore de la bourse, sans que ces services ne donnent satisfaction aux bénéficiaires. Cette approche populiste ne sert personne, sinon qu'elle favorise le détournement et la corruption. C'est pourquoi, et sans remise en cause de l'engagement de l'Etat à assurer un service publique correct des œuvres universitaires, la gestion doit être revue, dans le cadre d'une tutelle séparée de celle des activités d'enseignement et de recherche, pour ne pas les chahuter. Enfin, il est urgent de corriger cette interprétation tendancieuse de la démocratisation de l'enseignement, qui est à l'origine de nombreux dysfonctionnements, et du mauvais rendement de l'université. L'objet de cette contribution n'étant pas de faire le constat, par ailleurs largement partagé, nous nous contenterons de citer les conséquences les plus directes de cette vision étriquée :

- de grosses déperditions,

- la baisse de la qualité et du niveau de l'enseignement ;

- de longs séjours des étudiants, dans chaque cycle, par rapport à la durée normale des études ;

- l'inadéquation entre les compétences acquises et les réalités du développement économique ;

- etc.

Sur un autre plan, la révision de la loi-d'orientation doit permettre d'améliorer la qualité et le niveau de l'enseignement supérieur, en agissant sur l'organisation de la scolarité et sur la pédagogie, avec des méthodes adaptées et sous la responsabilité d'enseignants qualifiés. D'abord, le système LMD est à adapter à la réalité de l'université algérienne et à son environnement socioéconomique. Il est vrai que ce système devenu universel, aujourd'hui, ne peut constituer la seule architecture des diplômes en Algérie, et peut coexister avec d'autres cursus et d'autres diplômes ayant prouvé leur pertinence (ingéniorat ; doctorat en médecine ; architecte ; ..). Egalement, la question de la spécialisation exagérée des cursus, dès la licence, impacte négativement la qualité de la formation ; si en Europe la spécialisation des parcours commence très tôt, dès la première année de licence, pour produire de la ressource humaine nécessaire à un monde économique libéral et mondialisé, sommes-nous en Algérie, dans la même configuration ? Et puis avons-nous les moyens humains et matériels appropriés, ainsi que l'environnement adéquat pour calquer nos méthodes à celles des autres pays, notamment pour assurer le tutorat pour tous les étudiants, les stages en entreprise pour la majorité d'entre eux, etc. C'est la réalité du terrain, qui amené en 2014, avec l'entrée sur le marché du travail des premiers diplômés du LMD, des corrections pour réduire le nombre trop élevé de licences et de master, considérés comme trop spécialisés. Toujours sur le plan pédagogique, l'ambition d'améliorer les performances de l'enseignement supérieur indique de corriger les déviations du système d'évaluation des connaissances, notamment en réduisant le temps réservé aux examens au profit du temps d'enseignement, et en organisant la progression dans les études selon des normes et des critères académiques universels.

La question de l'adéquation de l'enseignement supérieur avec le développement économique et avec l'emploi, est devenue récurrente en Algérie. Ainsi, le projet de loi d'orientation met en place des conditions de l'ouverture de l'université sur son environnement, pour mieux l'impliquer dans le développement socioéconomique du pays. Il ne s'agit pas de sacrifier le caractère académique, qui constitue l'essence de l'université : C'est seulement une partie de l'activité de l'université qui est concernée directement, par la recherche de l'adéquation « formation supérieure / développement socioéconomique » (et emploi). En effet, à travers l'enseignement et la recherche scientifique, l'université doit assurer sa part de responsabilité dans la formation des élites et cadres nécessaires au développement socioéconomique du pays. Cette politique commence au lycée pour mieux préparer l'articulation avec l'université, et faciliter l'accès et la poursuite dans les filières du supérieur, sans verser dans la spécialisation précoce des enfants. Là aussi, des équilibres sont à trouver entre les différentes responsabilités de l'université (culturelle ; académique ; professionnalisante ; adéquation formation-emploi-environnement économique), en tenant compte de nos réalités et nos potentialités. Sur le même plan, l'enseignement supérieur et la recherche scientifique se déploient, également, en dehors des murs de l'université et au sein-même du secteur économique. La formation supérieure continue des travailleurs, l'implantation de laboratoires de recherche-développement dans les usines, et autres dispositions faciliteront, sans doute, l'ouverture de l'université sur le monde économique.

De même que la proposition de considérer le transfert technologique et le transfert des résultats de la recherche, comme activités propres de l'établissement, va dans le sens de cette ouverture. Dans cet ordre d'idées,l'inadéquation du système d'enseignement supérieur avec les exigences du développement est due, aussi, à l'affaiblissement de l'enseignement scientifique, technique et professionnalisant, dans notre système éducatif : le lycée a arrêté de préparer aux baccalauréats techniques, et l'université ne forme plus d'ingénieurs depuis la réforme LMD. La proposition par le projet de loi, de revaloriser les ingéniorats dans les grandes écoles, et dans les grandes universités de technologie, créées d'ailleurs à cet effet, et où de grands moyens ont été investis, constitue un élément de solution, important. Il s'agira aussi de promouvoir l'enseignement des mathématiques, à tous les niveaux du système éducatif, car il est largement prouvé que toute nation, pour assurer un développement durable, doit réserver une part importante dans son système éducatif, à l'enseignement des mathématiques. En tout cas, la loi d'orientation doit préciser l'intérêt de l'enseignement scientifique et technique en rapport avec le développement universel des sciences et de la technologie. Dans ce sens, les dispositions du projet sur l'utilisation du numérique et des nouvelles technologies de communication, confortent l'orientation scientifique et technique de l'enseignement supérieur.Sur le même plan, pour réaliser son ambition d'améliorer son rendement et rayonner sur la société algérienne, l'université gagnerait à s'ouvrir sur le monde. Des mesures pratiques, organisationnelles et matérielles sont évoquées dans le projet de loi, mais elles restent insuffisantes, car l'ouverture à l'international se fait à travers les programmes, les contenus, l'enseignement des langues étrangères, etc. En particulier, le projet doit montrer que l'enseignement des langues étrangères est une ambition légitime pour un pays en développement, comme l'Algérie, et dans un contexte international mondialisé.

D'un autre coté, le projet de révision de la loi introduit de nouveaux modes d'enseignement, puisqu'il dispose que « les formations du premier et du deuxième cycle sont dispensées en présentiel, mais peuvent être également assurées à distance,en mobilité,en délocalisation, ou en alternance ». Il est important de noter que l'ambition actuelle de l'université, en matière d'ouverture sur son environnement et de rayonnement sur la société, exige de concentrer l'effort sur le mode d'enseignement existant, le présentiel. La prudence est à observer, quant au développement de nouveaux modes d'enseignement, qui restent non maitrisés faute de moyens spécifiques, y compris dans les pays développés. Cela peut entrainer à la dispersion de l'effort de recherche d'amélioration de la qualité et du niveau de l'enseignement, et participer à la dévalorisation des diplômes algériens. D'autant qu'il n'y a pas de besoins de diversifier les modes d'enseignement : le système actuel, en présentiel, offre suffisamment de possibilités matérielles et de facilitations organisationnelles, pour permettre à toutes les catégories sociales de poursuivre des formations supérieures.

A ce sujet, l'expérience de l'UFC (université de la formation continue), une idée généreuse au départ puisque devant permettre aux travailleurs d'assurer leur promotion sociale et professionnelle par des études supérieures, n'a pas été une réussite dans le sens du respect des critères et des standards attendus d'un enseignement supérieur aux normes. Pour beaucoup (de non travailleurs), l'UFC n'a servi qu'à détourner l'exigence du baccalauréat, pour accéder à l'université. Egalement, l'enseignement par alternance et la validation des acquis sont, généralement, des formules qui servent à compléter des compétences précises qualifiantes, à des apprenants déjà sur un poste de travail. Cela relève, à notre avis, de la formation professionnelle technique d'application, qui n'est pas le champ d'intervention de l'université (conception, académisme, ..). Par ailleurs, tous ces nouveaux modes (à distance,en mobilité,en délocalisation, ou en alternance) sont-ils contrôlables, du point de vue de l'évaluation des connaissances, selon des standards acceptables ?En tout état de cause, s'ils doivent exister, ces nouveaux modes peuvent être cernés dans un seul établissement (dans le style UFC en Algérie, CNAM en France, ..) et non pas à tous les établissements du pays. Cela permet de limiter les profils d'apprenants ciblés, les filières et les niveaux de formation.

Au plan de l'organisation administrative et financière, l'expérience de par le monde montre que les modes de gouvernance et de gestion de l'université, qui impliquentles enseignants, à travers les conseils pédagogiques et scientifiques, impactent positivement le fonctionnement de l'établissement. Dans ce sens,le statut d'EPSCP (Etablissement Public à Caractère Scientifique Culturel et Professionnel) octroyé à l'université, a introduit des avancées appréciables. Le projet de loi peut encore faire évoluer les règles générales vers une gouvernance moderne, s'appuyant sur les acteurs de l'université. Le texte précisera les règles spécifiques de la gestion financière pour renforcer l'autonomie des établissements, dans les domaines pédagogique et scientifique, notamment pour leur permettre d'assurer des recettes liées à leurs activités de recherches et d'expertises, en plus des subventions de l'Etat. Il s'agit, aussi, de spécifier le statut des personnels enseignants-chercheurs et des hospitalo-universitaires par rapport au statut général de la fonction publique, notamment dans l'évolution des carrières et sur la question des retraites.Par ailleurs, les dispositions introduisant les concepts de «projet d'établissement » et de « démarche qualité », vont dans le sens de l'amélioration des performances des écoles et universités.

Néanmoins, des clarifications peuvent être apportées, pour donner à l'université et ses enseignants toute la latitude sur la carte des formations à développer, et en même temps sauvegarder le caractère national de l'enseignement supérieur. Dans le même sens, la conception de pôles d'excellence doit obéir à des critères objectifs et transparents, comme les potentialités et environnement existants, et éviter toute considération susceptible de politisation, comme celle de régionalisation, citée dans le projet. Le concept de « pôles de compétences » peut être mieux clarifié, dans le projet de loi, par rapport à celui déjà connu, de « pôles d'excellence », et qui semble plus adapté à l'émulation saine entre les établissements.Quant au« campus universitaire », il existe naturellement dans un espace où se côtoient des activités d'enseignement et de recherche. Ce sont les règles générales qui organisent les relations de coopération entre les établissements, d'un coté, et celles qui gèrent les enseignants-chercheurs, de l'autre, qui valorisent son existence. Il n'y a pas besoin (nécessité) de doter le campus d'un statut, d'une administration et d'une organisation figés, qui pourraient s'avérer comme une tutelle supplémentaire lourde et bloquante. D'autant que le statut, non contraignant, des conférences régionales assure une coordination convenable entre les établissements.

Enfin, le constat sur les nombreux dysfonctionnements de l'université est un sujet bien partagé par les observateurs de la scène politique algérienne, et l'explication la plus admise, à cette situation, reste le déficit de confiance, voire la marginalisation du pouvoir politique à son endroit. Mais le retrait affiché, jusque-là, par les élites intellectuelles et universitaires, face à cette situation, est-il encore justifié,dans le contexte politique actuel marqué par une volonté de construire des institutions démocratiques, dans une Algérie nouvelle ?De notre point de vue, l'université devrait être à l'avant-garde de ce noble projet, et sa propre refondation devrait précéder ou, du moins, accompagner la réforme-démocratisation des institutions du pays. Dans ce sens, le projet de révision, en cours, de la loi d'orientation de l'enseignement supérieur, donne l'occasion pour commencer la construction d'un consensus entre l'université, la société et le développement économique. Un consensus qui tient compte des évolutions de la société algérienne et des progrès universels, c'est-à-dire un consensus à la mesure du défi de construction d'une nouvelle Algérie sereine, moderne et prospère.

*Universitaire