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Sabri Boukadoum: L'Algérie attend des Etats-Unis de faire preuve d'impartialité

par El-Houari Dilmi

« Les Etats-Unis n'envisagent pas d'établir une base militaire au Sahara Occidental, ni le siège du Commandement des Etats-Unis pour l'Afrique (Africom) ne sera transféré dans ce pays, tel que relayé récemment dans plusieurs rapports médiatiques marocains », a tranché le Sous-secrétaire d'Etat adjoint américain en charge des questions du Proche-Orient, David Schenker, en visite officielle en Algérie.

Lors d'une conférence de presse tenue, jeudi au siège de l'Ambassade américaine à Alger, en marge de sa visite en Algérie, M. Schenker a déclaré : « je tiens à être très clair : les Etats-Unis ne sont pas en passe d'établir une base américaine au Sahara Occidental», précisant que «le Commandement des Etats-Unis pour l'Afrique (Africom) n'a pas évoqué le transfert de son siège au Sahara Occidental. Il s'agit d'une information «infondée » qui a suscité beaucoup de questions récemment, suite aux informations relayées par plusieurs médias, notamment marocains », a-t-il soutenu.

L'Algérie attend des Etats-Unis « l'impartialité qu'exigent les défis actuels « pour faire avancer les causes de la paix sur les plans régional et international », a indiqué, de son côté, le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, au cours d'une audience qu'il a accordée au sous-secrétaire d'Etat adjoint américain. Au cours de cette audience, Boukadoum a souligné « la nature du rôle attendu des Etats-Unis pour faire avancer les causes de la paix sur les plans régional et international, dans l'impartialité qu'exigent les défis actuels », indique un communiqué du ministère des Affaires étrangères. Une déclaration faite dans le contexte d'un échange sur « les questions régionales et internationales d'intérêt commun, y compris le Sahara occidental, le Mali, la Libye et la situation prévalant dans la région du Sahel et au Moyen-Orient », précise le communiqué. L'année 2020 a été marquée, sur le plan international, par les actions menées par le président américain sortant, Donald Trump en vue de convaincre des pays arabes de normaliser leurs relations avec l'entité sioniste.

Le 10 décembre dernier, Trump avait déclaré reconnaître officiellement la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, en contrepartie de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël. Une décision qui a été largement critiquée au niveau international mais aussi aux Etats-Unis et au sein même du parti du président sortant. L'annonce faite par Trump a été condamnée principalement parce qu'elle va à l'encontre des résolutions de l'Organisation des Nations unies (ONU) en faveur d'un référendum d'autodétermination au profit du peuple sahraoui, mais également parce qu'elle contredit la position américaine par rapport à ce dossier. Le 24 décembre dernier, la délégation allemande à l'ONU s'était, précisément, attardée sur ce point, rappelant aux Etats-Unis leur devoir d'impartialité en ce qui concerne cette question. « Etre porte-plume implique de la responsabilité. Cela s'accompagne d'un engagement fort pour résoudre un problème, il faut être juste, il faut être impartial, il faut avoir à l'esprit l'intérêt légitime de toutes les parties et il faut agir dans le cadre du droit international », avait déclaré l'ambassadeur allemand à l'ONU, Christoph Heusgen en s'adressant à la délégation américaine à l'ONU.

Au niveau international, les regards sont, d'ores et déjà, tournés vers Joe Biden qui a les pleins pouvoirs pour annuler cette décision qui rompt avec trois décennies de politique américaine au Sahara occidental. « Nous continuons à appeler les Marocains et les Sahraouis à retourner à la table des négociations », affirme Schenker.

Quant à l'approche américaine pour le règlement de la crise en Libye, le responsable américain a souligné que Washington et l'Algérie avaient plusieurs intérêts communs à garantir une région plus sécurisée, rappelant que les deux parties étaient favorables à la solution politique en Libye et soutiennent le processus onusien pour le règlement de la crise. Le processus onusien demeure le meilleur moyen de sortie de crise, notamment le dialogue militaire dans le cadre de la Commission militaire (5+5), a précisé M. Schenker. Et d'ajouter : «l'Algérie est un pays leader sur la scène internationale et nos deux pays ont des intérêts communs à garantir une région plus sécurisée, plus stable et prospère».

«Des développements incroyables en Algérie»

« La politique de l'Administration américaine est constante concernant la région de l'Afrique du Nord, notamment l'Algérie qui joue un rôle pionnier et fructueux dans le continent », a encore déclaré le responsable américain, ajoutant que « les administrations américaines successives, aussi bien républicaines que démocrates, ont participé au renforcement des relations avec l'Algérie », relevant, au passage, « le partenariat et la coopération stratégique avec l'Algérie notamment dans le domaine économique ». Le Sous-secrétaire d'Etat adjoint américain n'a pas manqué de rappeler « la profondeur des relations bilatérales historiques qui datent des années 1950, lorsque John Kennedy avait annoncé, dans son discours de 1957, le soutien à l'indépendance de l'Algérie ». Schenker a mis en exergue la coopération diplomatique entre les deux pays, « la diplomatie algérienne ayant contribué, il y a 40 ans, à la libération de 52 diplomates américains pris en otages par l'Iran, pendant 444 jours », a-t-il rappelé, soulignant le rôle de l'Algérie dans la résolution du conflit entre l'Ethiopie et l'Érythrée en 2000, et le « rôle pionnier » de l'Algérie dans la conclusion de l'accord de paix et de réconciliation au Mali, issu du processus de l'Algérie en 2015 », a-t-il relevé. Évoquant le domaine commercial, il a affirmé que l'Algérie dispose de potentiel pour jouer « un rôle important » en la matière tant en Afrique qu'en Europe, un critère essentiel que les Etats-Unis tiennent en compte.

Au volet sécuritaire, il a réaffirmé l'engagement de Washington à le renforcer entre les deux pays, notamment en matière de lutte antiterroriste. Le sous Secrétaire d'Etat américain a également mis en avant la place importante qu'occupe l'Algérie en Afrique, en tant que « membre important et dirigeant au sein de l'Union africaine ainsi que son rôle fructueux dans la région et son poids au niveau continental, grâce à sa position géographique, sa superficie et sa composition sociale (70% de jeunes) ».

Il a également annoncé que son pays participera, en tant qu'invité d'honneur, à la Foire internationale d'Alger, prévue cette année, « où les entreprises américaines exploreront des partenariats gagnant-gagnant avec leurs homologues algériens, dans plusieurs secteurs, tels que l'industrie pharmaceutique et le secteur de l'énergie», a-t-il souligné. « En Algérie des développements incroyables sont en train de se produire sur le plan économique, avec une fructueuse réforme sur le plan législatif et l'adoption de nouvelles lois qui font de l'Algérie un pays encore plus attractif pour les investisseurs », a, encore déclaré le responsable américain, après sa rencontre avec le ministre des Finances, Aymen Abderrahmane. « Les grandes potentialités de l'Algérie sur le plan économique pourraient lui permettre de jouer un rôle important en termes de commerce tout en représentant une voie d'accès, à la fois, à l'Afrique et à l'Europe », a estimé David Schenker. Au sujet des actes de violence souvenus à Washington qu'il a qualifiés de « très inquiétants », David Schenker a dit « regretter » les incidents qui se sont produits dans la capitale américaine, comme « a dénoncé le secrétaire d'Etat Mike Pompeo », a-t-il dit.

Des manifestants pro-Trump ont fait irruption dans la Chambre des représentants, mercredi, où a été confirmée la victoire de Joe Biden aux présidentielles. Quatre personnes ont été tuées dont une femme abattue à l'intérieur du Capitole.