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La Loi de finances signée et la nouvelle Constitution promulguée

par Ghania Oukazi

  Après la signature de la Loi de finance 2021 et la promulgation de la Constitution, le président de la République devra préparer le pays à la réorientation du cap vers lequel il a été orienté depuis

la chute du Président Bouteflika et ce, pour en corriger les graves erreurs.

Jeudi 31 décembre 2020, Abdelmadjid Tebboune a procédé à la signature de la Loi de finances pour l'année en cours en présence du président du Conseil de la Nation par intérim, Salah Goudjil, du président de l'Assemblée Populaire Nationale (APN), Slimane Chenine, du Premier ministre, Abdelaziz Djerad et du Chef d'Etat-major de l'Armée nationale populaire (ANP), le général de Corps d'Armée, Saïd Chanegriha, du ministre des Finances, Aymane Benabderrahmane, du Chef de cabinet de la Présidence, Nour-Eddine Baghdad Eddayedj, du secrétaire général de la Présidence, Mohamed El-Amine Messaid et du secrétaire général du Gouvernement, Yahia Boukhari. C'est la présidence de la République qui l'a fait savoir par un communiqué qu'elle a rendu public le même jour. L'institution présidentielle n'a cependant pas mentionné le lieu où s'est déroulée cette cérémonie de signature et n'a pas expliqué non plus pourquoi le protocole habituel et traditionnel n'a-t-il pas été respecté. Il est de tradition que le président de la République, en exercice, signe la Loi de finances en présence de l'ensemble du gouvernement et prend une photo avec lui, à la fin de la cérémonie. Tout autant que l'on ne connaît pas les raisons qui ont poussé Tebboune à rentrer au pays le 29 décembre dernier par l'aéroport militaire de Boufarik au lieu de celui international d'Alger, sans qu'il y ait aucun jalonnement de services de sécurité tout au long du trajet, l'on ne sait pas non plus pourquoi a-t-il été astreint à refuser de faire assister l'ensemble de ses ministres à la cérémonie de signature de la Loi de finances.

Ces bouleversements protocolaires ou «circonstanciels» laissent croire qu'il ne veut pas qu'il soit vu par tous les responsables depuis son retour de son séjour médical à l'étranger.

Le premier grand événement pour 2021

Pourtant, il y a bien eu une personne parmi ce «petit» monde autour de lui qui a pris la photo captant sous la table son pied droit enveloppé dans une attelle de couleur sombre montrant un bout de blanc au niveau de ses orteils et l'a répercutée sur les réseaux sociaux. L'on se demande à quoi rime ce jeu de cache-cache énigmatique à propos de son état de santé, qui sème plus le doute chez les Algériens qu'il ne le sert.

Notons qu'il a bien tenu à sa promesse de rentrer au pays dans les deux, trois semaines» qui restaient à l'année 2020. Il a en outre exigé que la nouvelle loi électorale soit élaborée «dans les plus brefs délais». Mais bien avant, il a promis le changement du système politique ambiant...

Premier grand événement politico-militaro-judiciaire de l'année 2021 -bien que l'on s'y attendait-, c'est sans conteste l'acquittement, hier, des deux ex patron du DRS, Toufik et Tartag ainsi que de Saïd Bouteflika, frère et conseiller de l'ex président de la République, et de Louisa Hanoune, présidente du PT. Accusés tous d'«atteinte à l'institution militaire et à l'autorité de l'Etat», en septembre 2019, incarcérés depuis, à la prison militaire de Blida (Hanoune dans celle civile de la même ville parce que les militaires n'ont pas d'aile d'incarcération pour les femmes), condamnés à 15 ans de réclusion criminelle, ils ont introduit, par le biais de leurs avocats de défense, «un recours extraordinaire» auprès de la Cour suprême qui l'a accepté en le faisant savoir publiquement, le 18 novembre dernier. Gros comme l'histoire, le chef d'inculpation en question n'avait, selon les avocats, aucune assise juridique et le dossier des inculpés, était vide. Ce sont près deux ans d'un suspens bien entretenu qui a marqué une affaire sur laquelle le pouvoir militaire a pesé lourdement. L'acquittement, hier, par le tribunal militaire de Blida de ceux que le général de Corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah alors chef d'état-major de l'ANP avait présenté aux Algériens comme étant «des traîtres à la Nation» en les accusant de «conspiration contre les institutions », montre que la justice a fait tout faux. Il est en effet difficile de comprendre que des magistrats aient jugé «en leur âme et conscience» des personnes de haut rang de responsabilité, retenu des chefs d'inculpation contre elles et prononcé de lourds verdicts à leur encontre pour que quelques mois après, ils effacent tout et décident de leur remise en liberté pure et simple.

Ces graves «erreurs» à ne plus refaire

Il y a eu forcément erreur dans l'appréciation des faits avancés par un chef d'état-major qui avait simplement peur pour son rang et son pouvoir.

Pour toutes ces raisons, cet acquittement devra obliger le président de la République, -en tant que premier magistrat du pays- à ordonner à l'ensemble des instances judicaires de vider les dossiers de nombreux responsables politiques inculpés et incarcérés, de leur aspect avéré de règlements de compte qui les a alourdis et n'en garder que les faits de corruption s'ils sont réellement prouvés et juridiquement condamnables. Il serait malhonnête pour tout responsable civil et militaire de nier, aujourd'hui, que la justice n'a pas été manipulée pour des considérations de prise et de préservation de pouvoir après le coup d'Etat à blanc mené contre le Président Bouteflika. Un grand nombre d'avocats a longtemps battu le pavé, ces deux dernières années pour réclamer l'indépendance de la justice. Tebboune veut une «Algérie Nouvelle» qu'il ne peut construire sur du faux et usage de faux. L'histoire a toujours rattrapé «les malfaiteurs» même s'ils ne sont plus de cette vie. La haine qui a été répandue au sein des Algériens après l'arrestation, l'incarcération et la condamnation de hauts responsables que le président de la République a longtemps côtoyés pour avoir travaillé à leurs côtés, risque d'entretenir indéfiniment un sentiment de vengeance nuisible à la cohésion sociale et à l'unité nationale. Premier fondement d'un Etat de droit, la justice ne devrait pas perdre encore du temps pour se remettre en question et s'affranchir des forces politiques civiles et militaires qui l'ont maintenu en laisse jusqu'à piétiner sa crédibilité, son honneur et sa dignité. En promulguant, jeudi, la Constitution, Tebboune sait qu'il doit veiller sérieusement à ce que l'Etat de droit soit mis en place. Il doit aussi obliger son gouvernement à lutter efficacement contre la corruption, les corrupteurs et les corrompus. «Pour le changement nous nous engageons et nous pouvons» est le slogan que le candidat Tebboune avait mis en avant, lors de la conférence de presse qu'il avait animée le 9 novembre 2019, à l'hôtel El Djazaïr. (Voir le Quotidien d'Oran du 10 novembre 2019).

Engagements en attente de concrétisation

Il a pris «54 engagements» pour «disséquer et réformer tous les secteurs parce qu'ils doivent tous l'être», avait-il dit. Il avait rappelé dans ce sens «la grave crise multidimensionnelle qui affecte notre pays, notre société et nos institutions» ainsi que «les graves périls internes et externes auxquels est confronté le pays». Il a alors promis «une constitution révisée et remaniée en profondeur, la refonte du dispositif d'organisation des élections (le code électoral),une refonte globale de l'Etat dans tous ses démembrements et des institutions de la République, la moralisation de la vie politique et publique, une refonte globale de la Justice, une presse libre, la promotion d'une démocratie participative, une société civile libre, mise en œuvre d'un plan d'action jeunesse (...).» Il a aussi affirmé opter pour «un nouveau modèle économique basé sur la diversification de la croissance et l'économie de la connaissance (...).» Le candidat avait souligné à ce sujet que «les dysfonctionnements sont clairs, je ne dis pas que la situation économique est catastrophique mais elle risque de l'être.» Tout est aujourd'hui à faire. Certes, la Loi de finances 2021 garde son caractère social, ne prévoit pas de nouvelles taxes ni de hausses des prix des produits de consommation incompressibles des Algériens. Mais la réalité du marché est tout autre. Les prix s'affolent et les commerçants ne comptent pas les baisser tant qu'ils reprochent aux autorités publiques de confiner leurs activités pour cause de crise sanitaire et tant qu'ils peuvent narguer les services de contrôle.

Au fait, rien n'est encore dit officiellement sur la campagne de vaccination contre le COVID-19. Une fois le vaccin russe en Algérie, l'on ne sait qui des Algériens devront immédiatement se faire vacciner. Le manque de communication sur ce sujet ne rend pas service au pays. L'absence de confiance et de l'Etat en général, ressemble à celui produit par les délires officiels dans une conjoncture de crises et par les manquements au devoir constitutionnel d'informer et d'agir contre le système politique prédateur pour libérer l'Algérie du joug de l'incompétence, de la suffisance et du clanisme.