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Université: Les sciences de l'éducation à l'épreuve des défis de l'assurance qualité

par Meraihi Hocine*

C'est dans le cadre du processus de Bologne dont l'Algérie est partie intégrante depuis 2003/2004, processus mis en place dès 1999 (première réunion tenue le 19/06/1999 à l'université de la Sorbonne) en Europe sous la houlette de l'OCDE, et qui vise à constituer un espace européen de l'enseignement supérieur, qu'émerge, notamment la mise en place de processus d'assurance qualité. Les économies de l'OCDE s'appuient de plus en plus sur le savoir et l'information. Le savoir est désormais reconnu comme un moteur de productivité et de la croissance économique. En conséquence, un intérêt nouveau est porté au rôle de l'information, de la technologie et de l'apprentissage dans la performance économique. 1

Le terme d'»économie fondée sur le savoir» découle de la pleine reconnaissance du rôle joué par le savoir et la technologie dans les économies modernes de l'OCDE.

L'idéologie de l'économie du savoir considère l'université comme une organisation économique dont le principal actif ou la principale marchandise est : le savoir.

L'adossement du système éducatif algérien, au processus de Bologne a induit un défi académique et interventionnel nouveau pour la sphère éducative et l'université.

En Algérie, les sciences de l'éducation, champs de réflexion, de recherche, de pratiques et d'intervention, dans la sphère éducative en général, ne semblent pas ou peu occuper l'espace qui leur sied dans le contexte épistémologique et académique.

Quelques éléments de contextualisation des sciences de l'éducation

A travers leurs fondements qui se retrouvent dans une puissante demande sociale et aussi dans l'émergence des courants empiriques, cette approche scientifique des phénomènes éducatifs qui joue un rôle dans la gestion des systèmes éducatifs, la formation des enseignants et d'autres professionnels de l'éducation, ainsi que dans les réformes, la démocratisation et la massification des études et tout récemment dans ce que l'on appelle l'assurance qualité dans la formation et la panoplie des indicateurs de cette qualité (environnementaux, techniques et relationnels), les sciences de l'éducation sont devenues une discipline académique incontournable.

Leur évolution est également étroitement imbriquée avec celle d'autres sciences humaines et sociales, en particulier la philosophie, la psychologie, la sociologie et l'histoire. Cette évolution et cette multidisciplinarité lui ont conféré, dans le domaine de l'enseignement supérieur en Europe, une institutionnalisation durable dont les premiers jalons ont été posés par d'éminents penseurs que sont, Decroly, Herbart, Durkheim, Buisson ou Binet et encore Debesse, Claparede et Mialaret.

La création en 1973 à l'université de Constantine, d'un département des sciences de l'éducation était motivée pour les décideurs de l'époque par l'accompagnement de la mise en place de la nouvelle Ecole algérienne induite par le processus de réformes du système éducatif (RES en 1971 et EF 1976).

Cette démarche, avec son lot de concepts et d'attitudes nouvelles imposait aux responsables et à tous les intervenants dans cette sphère, l'intégration de l'innovation pédagogique entendue comme une démarche dont l'objectif est d'introduire la nouveauté notamment dans le contexte de l'enseignement supérieur pour améliorer les apprentissages des étudiants en situation d'interactivité.

Selon Huberman (Understanding Change in Education: An Introduction. Experiments and Innovations in Education, 1973), ces innovations introduisent des changements techniques (par exemple, l'introduction des TICE), des changements conceptuels (par exemple, l'introduction de nouveaux cours, de nouveaux programmes et méthodes d'enseignement?) et des changements dans les relations interpersonnelles (par exemple, l'introduction de l'apprentissage par problèmes au lieu de l'exposé, l'abandon du cours magistral, l'enseignement à distance...).

Du référentiel assurance qualité

Dans ce contexte l'Instruction n° 01 de 27 janvier 2008 du chef du Gouvernement est venue pour identifier les principes et les contours du dispositif de l'assurance qualité pour la formation supérieure, laquelle est définie comme : l'ensemble des moyens par lesquels un établissement peut garantir avec confiance et certitude que les normes et la qualité de l'enseignement qu'il dispense soient maintenus et améliorées.

La loi d'orientation sur l'enseignement supérieur de 2008 (qui a amendé la loi de 99) a fixé quant à elle les objectifs de l'enseignement supérieur. 2.

Dans le prolongement de cette loi et de ces dispositifs, la Commission Nationale pour l'Implémentation de l'Assurance Qualité dans l'Enseignement Supérieur (CIAQES) a été instituée (Arrêté n° 2004 du 29 décembre 2014 portant création d'une commission d'implémentation d'un système d'assurance qualité dans le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique) 3.

Dans cette contribution, nous tenterons de mettre en exergue, quelques carences ou inadéquations entre la pratique de l'université et certains points du référentiel de l'assurance qualité établi par la commission (révérenciel inspiré par la loi 08/06), notamment en ce qui concerne l'adaptation de la formation universitaire aux besoins de la société et les critères de bonne gouvernance.

Nous terminerons cette intervention par la suggestion de solutions que nous considérons de nature à promouvoir l'amélioration de la mise en place de l'assurance qualité au sein de l'université algérienne.

De l'assurance qualité

Le terme « qualité » pouvant être ambigu, vue sa multiplicité de sens, sa définition a été précisée au niveau de l'Organisation Internationale de Normalisation (ISO). Selon cette dernière, la qualité est « l'aptitude d'un ensemble de caractéristiques intrinsèques à satisfaire des exigences ». 4.

La qualité existe lorsque la nature de la prestation offerte correspond aux exigences.

Selon Vlascesanu, Grünberg et Pârlea (2004), l'assurance qualité est un « terme général qui désigne un processus permanent et continu visant à évaluer (estimer, contrôler, garantir, maintenir ou améliorer) la qualité du système, des établissements ou des programmes de l'enseignement supérieur ». 5.

Dans le contexte d'une économie mondiale dite « du savoir », il y a une demande accrue pour brancher directement les systèmes de formation supérieure sur les besoins de l'économie. Or, il faut pour cela éliminer de nombreuses contraintes internes, relevant de la mission historique du système d'éducation, qui empêchent cette transformation des finalités des institutions d'enseignement supérieur : « Cette modernisation doit suivre trois axes complémentaires : une réforme du programme, une réforme de la gouvernance, une réforme du financement. Ces trois axes étroitement associés participent d'une transformation cohérente et finalisée ». 6.

Pour l'enseignement supérieur, l'assurance qualité est l'ensemble des moyens par lesquels un établissement peut garantir avec confiance et certitude que les normes et la qualité de l'enseignement qu'il dispense soient maintenues et améliorées.

Selon le ministère de l'Enseignement supérieur, « Les mécanismes internes et transparents de l'assurance qualité doivent être conçus et mis en œuvre pour chaque fonction de l'université. L'assurance de la qualité est basée sur le processus d'évaluation qui n'implique pas seulement les enseignants, mais aussi les étudiants, les chercheurs, le personnel administratif et les employés. Le mécanisme d'évaluation de la qualité repose sur une autoévaluation et sur un examen par les pairs ». 7.

Présentation du Référentiel8

Ce référentiel qui se propose « d'accompagner les établissements d'enseignement supérieur dans leur démarche pour le renforcement de leur capacité institutionnelle et le développement d'une culture de la qualité, comporte des références représentant des objectifs à atteindre par l'établissement, liés à ses missions et son plan de développement.

Selon ses concepteurs, le référentiel se présente comme « un outil structurant du projet d'établissement » car, en plus de la définition des objectifs et actions pour les atteindre, il représente un outil d'aide à la décision en fournissant également des éléments de réponse à des questions liées :

- Aux changements à opérer pour mieux atteindre ces objectifs.

- Aux moyens humains et matériels nécessaires.

- A l'échéancier pour atteindre ces objectifs.

Ces références se déclinent en critères présentant un état de fonctionnement voulu ou attendu et en preuves permettant de mesurer le niveau de rapprochement de cet état ». 9.

Le référentiel comporte sept domaines. Chacun de ces derniers est subdivisé en champs dont le nombre est compris entre trois et sept. Les domaines et les champs représentent les activités qu'on retrouve habituellement dans une institution universitaire. Chaque champ est ensuite décliné en références dont le nombre varie de deux à neuf selon le cas. Les références expriment ce qui doit être fait par l'institution pour se rapprocher des objectifs et des valeurs qu' elle s'est fixés. La référence est à son tour déclinée en critères (un ou plus) qui indiquent ce qui est fait pour concrétiser la référence (action qualitative ou quantitative).

Ces champs sont : La formation (F), la Gouvernance (G), La Recherche (R), La Vie à l'Université (V), Les Infrastructures(I). La Relation avec l'environnement socioéconomique ESE(S), La Coopération(C)

Tableau 1 :

Domaine des relations avec l'ESE (S)

champs----références----critères----preuves

04----14----22----70

Champ S1 : Participation au développement des collectivités locales.

Interprétation : Il s'agit de faire de l'institution un acteur majeur du développement local.

- Référence S1.1 : L'institution offre des formations qui répondent au développement local.

Tableau 2 : Domaine de la Vie à l'Université. (V)

Champs----Références----Critères----Preuves

04----14----25----71

Champ V1 : L'accueil et la prise en charge des étudiants et du personnel

Interprétation : Il s'agit de s'assurer que toutes les dispositions ont été prises pour bien accueillir les étudiants et les personnels et leur fournir toutes les informations nécessaires.

- Référence V1.1 : L'établissement met en place des dispositifs d'accueil et d'orientation des étudiants et des personnels.

Quelques inadéquations constatées

- Dans ses différents démembrements, ce référentiel ne tient pas ou peu compte de l'enseignant, bien que « ?un personnel enseignant de grande qualité et fortement motivé et une culture professionnelle venant l'appuyer sont des conditions essentielles pour atteindre l'excellence »10.

-S112 (Relations avec l'ESE).

-Il existe un lien entre l'institution et le milieu socioprofessionnel local.

-Les professionnels participent à l'élaboration des programmes de formation.

Commentaire

Cette démarche n'existe pas, pour la formation en psychologie et sciences de l'éducation notamment

Cependant, l'université peut être en avance sur le secteur socioéconomique : Cas de la formation en psychologie scolaire. En effet aucun statut du psychologue scolaire n'existe dans les statuts des fonctionnaires, bien que la demande sociale soit importante.

- Référence F21 :

L'institution a une politique d'accueil, de suivi et d'aide à la réussite des étudiants

Commentaire

Les problématiques psychologiques, sociales et pédagogiques ne sont prises en charge par aucune structure de l'université.

- Référence G25 :

L'institution met les moyens nécessaires pour garantir des formations diplômantes et/ou certifiantes destinées aux publics issus des milieux académiques et socioprofessionnels.

Commentaire

Les différents secteurs ne sollicitent en général pas les structures de l'université pour ce genre de formations.

- Référence G32 :

L'organisation et le pilotage des composantes et des services.

Les différentes instances de pilotage et de gestion ont des fonctions, des compétences et des responsabilités clairement définies ; celles-ci sont attribuées en cohérence avec les missions et les objectifs de l'institution.

Ceci est en conformité avec les textes, notamment, Décret exécutif n» 03-279 du 24 Joumada Ethania 1424 correspondant au 23 août 2003 fixant les missions et les règles particulières d'organisation et de fonctionnement de l'université modifié et complété par le décret 06/343 du 27/09/2006.

Commentaire

Même ces textes s'ils sont clairs sur le mode de désignation, ils sont muets en ce qui concerne les conditions de désignations aux postes de responsabilité.

Par contre dans le secteur de l'éducation nationale le pourvoi aux postes de responsabilité est clairement défini par le décret 05 395 du 9/10/2005 (liste d'aptitude?).

Résultats

A travers cet exposé, nous avons voulu jeter un regard critique sur les différentes démarches, aussi bien juridiques qu'opérationnelles, en rapport avec l'implémentation de l'assurance qualité au niveau de l'enseignement supérieur en Algérie.

Pour ce faire, nous avons passé en revue les évènements fondateurs de la nouvelle conception de l'enseignement supérieur et ses corollaires dont le concept d'assurance qualité.

Cette option critique nous a amené par la suite à consulter les outils pratiques conçus par la tutelle afin d'accompagner les établissements de l'enseignement supérieur. Nous avons par ailleurs, tenté de relever les inadéquations et les manques, sur le plan juridique, infrastructurel, relationnel et de gouvernance qui entravent la conformité de l'université aux standards requis.

Nous avons enfin proposé quelques pistes et solutions pour pallier à ces manques. A savoir :

Encouragement à la contribution à l'élaboration du projet de l'établissement (journées, cellule de réflexion?).

Formation permanente et structurée conditionnant l'évolution pour ses propres gestionnaires et ses propres enseignants comme garantie de bonne gouvernance à l'université. Maitriser l'ouverture des offres de formation et de formation permanente selon la demande sociale et en collaboration avec les secteurs utilisateurs. Instaurer des mécanismes de repérage des compétences: listes d'aptitudes, formation aux techniques managériales (type Dale Carnegie training), modification des textes de loi, et éviter les pratiques éculées. Intégrer dans la pratique l'égalité des chances, la transparence, la démocratie, la méritocratie etc.

Instituer un dispositif d'accompagnement psychologique et pédagogique en direction des étudiants et aussi des enseignants (type Service de Pédagogie Universitaire).

Instituer une faculté d'éducation pour prendre en charge les problématiques pédagogiques et de formation qui se posent à l'université et aux champs éducatifs et de formation en général (tout en sachant que les secteurs dits de formation n'ont pratiquement aucune relation avec l'université).

Instituer au niveau gouvernemental, un conseil national qui fixe et suit les politiques nationales y afférentes, à l'instar des pays développés.

*Professeur Université A. Mehri Constantine

Références bibliographiques

1-Éric Martin et Maxime Ouellet, La gouvernance des universités dans l'économie du savoir, Montréal, IRIS, 2011, 32 p., http://www.iris-recherche

2- http://unesdoc.unesco.org/images/0011/001173/117314f.pdf L'enseignement supérieur au XXIe siècle : Vision et actions UNESCO, Paris, 5-9 octobre 1998,51p

3- https://www.memoireonline.com LA QUALITE DANS L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR SELON LA NORME ISO 9001 ET L'EMPLOYABLITE : CAS DES DIPLOMES DE MDI ALGER BUSINESS SCHOOL.2014, 114p.

4-www.mesrs.dz/eu/assurance-qualite1

5-http://www.ciaqes-mesrs.dz/documentation/RNAQES%20R%C3%A9d%20Ar- https://seeclg.files.wordpress.com/2016/11/assurance-qualite web.pdfFr%202%20sans%20photos. pdf.48p

6-Loi n°08-06 du 16 Safar 1429 correspondant au 23 février2008 (J.O.R.A.D.P année 2008, n° 10, pages 33-37.

7-Bulletin officiel de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique année 2014, 4eme trimestre.

Notes :

1.www.oecd.org ? Accueil de l'OCDE

2. Loi n° 08-06 du 16 Safar 1429 correspondant au 23 février2008 (J.O.R.A.D.P année 2008, n° 10, pages 33-37).

3. Bulletin officiel de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique année 2014, 4ème trimestre.

4. https://www.memoireonline.com.acces 21/10/2020.

5. https://seeclg.files.wordpress.com/2016/11/assurance-qualite-web.pdf accès 21/10/2020.

6. Éric Martin et Maxime Ouellet, La gouvernance des universités dans l'économie du savoir, Montréal, IRIS, 2011, 32 p, http://www.iris-recherche. accès 02/11/2020.

7. www.mesrs.dz/eu/assurance-qualite1.accès 16/09/2020.

8. http://www.ciaqes-mesrs.dz/documentation/RNAQES%20R%C3%A9d%20Ar-Fr%202% 20sans%20photos.pdf.

9. Idem

10. L'enseignement supérieur au XXIe siècle : Vision et actions. UNESCO, Paris, 5-9 octobre 1998.accès 09/09/2020