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L'Algérie nouvelle et les comportements en héritage

par Ali Tadjine*

L'Algérie nouvelle, un vœu de tous les Algériens, mais c'est aussi un aveu d'échec qu'on attribue à des errances que d'autres Algériens ont commis au nom des Algériens.

Un constat que personne ne peut nier ou occulter, l'amère réalité nous attrape à chaque fois que nous constatons l'immense gouffre dont lequel on s'y trouve parce que des responsables de chez nous, qui, au moment de leur règne, se disaient être les meilleurs d'entre nous, ont dilapidé non seulement les ressources de la nation mais plus grave encore les espoirs et mis en danger l'avenir des Algériens. Le cheminement de cette déchéance n'est pas l'objet de cet article, il est certes évident qu'un faisceau de phénomène a contribué progressivement, à la mise en place de la culture de prédation tous azimuts qui s'est érigée comme référentiel et soubassement à tout comportement de gestion de la chose publique. L'inventaire des pratiques et usages de cette culture de destruction semble revêtir un aspect particulier pour pouvoir les annihiler afin de, justement, s'éviter les égarements et déchéances.

Construire une nouvelle Algérie, c'est abordé différemment les voies et moyens, de voir autrement et agir conformément à des processus d'efficience et d'efficacité. La question qui nous interpelle est : Comment pourrons-nous procéder et quelles sont les domaines et actions que nous devons faire ? Question tellement vague et profonde que la réponse nécessite un déploiement des forces vives de la nation, qui se doivent de tout investiguer, de tout analyser et surtout de bien prendre conscience de l'importance de l'opération pour ne pas se laisser influencer ni par ses propres convictions ou subjectivités de quelque manière que ce soit. L'objectivité doit être de mise, aucun sentiment de revanche, ni de dénonciation, ni de stigmatisation ne doit trouver droit de citation.

L'approche doit être scientifique, c'est-à-dire inscrivant son objectif dans la réalisation de programme savamment établi dont la justification est prouvée. Les dépassements, dérives, fourvoiements du passé sont scrutés par les instances judiciaires compétentes et sont également évalués par l'histoire, qui ne manquera pas de les confondre et par Dieu , à qui rien n'échappe.

Dans cette approche scientifique, nous allons nous intéresser à quelques pratiques, à quelques comportements que nous constatons au quotidien, que nous effectuons sans attention malveillante, mais qui causent des dégâts immenses, qui déstructurent le tissu social, freinent les ardeurs, découragent et permettent la dilapidation des ressources et énergies.

Il est évident que ce qui sera évoqué dans le cadre de cet article, n'est qu'une infime partie de ce tout qui gangrène le corps social, dans ses différentes manifestations, nous allons cité à titre indicatif certains cas que nous jugeons urgents , mais tout en étant conscients qu'elle ne peut l'être que relative. Le but escompté est de contribuer à l'émergence d'une véritable société civile dont le seul objectif et raison d'être sont d'être une force de proposition, de contribution à la mise en place de processus permettant le règlement des problèmes auxquels la société se trouve confronter ; nous ne voulons pas être les détracteurs de tout ce qui se fait ni endosser le rôle de laudateurs professionnels.

Commençons par un problème des plus classiques, qui nous pourrit la vie au quotidien. Les lourdeurs administratives et les volumineux dossiers qu'on doit fournir pour tout et n'importe quoi. Est-ce vraiment difficile d'y mettre fin ? Avons-nous besoin de moyens et de technologie avancée pour y faire face ? Qu'est ce qui justifie le règne de la bureaucratie qui, dans bien de situations, frise le ridicule ? Pourquoi continuons-nous à avoir de tels agissements et comportements au vu et su de tout le monde ? Pourquoi, pour n'importe quelle transaction ou opération administrative, la photocopie de la carte d'identité nationale est exigée ? Combien de photocopies de CNI sont dans la nature exposées à de potentiels usages malveillants ? Et encore, on s'étonne qu'il y a du faux et usage de faux.

Face à cette réalité, une question nous interpelle : A qui profite la situation ou plutôt le crime ? Construire une Algérie nouvelle passe par l'anéantissement de ce type de pratique, il est vrai que la volonté politique est primordiale, mais cette dernière peut, rapidement, se trouver entravée et détournée si le quotidien des uns et des autres ne se réforme pas. Une autre situation nous parait également préoccupante à plus d'un titre et qui nous amène à mettre en relief deux dysfonctionnements d'une ampleur insoupçonnée. Il s'agit de la gestion du marché des médicaments, non pas dans sa globalité mais juste en ce qui concerne le volet détail, c'est-à-dire dans les offices pharmaceutique et dans les structures hospitalières. Commençons par nous intéresser au premier dysfonctionnement qui concerne le personnel exerçant dans ce qui est communément appelé «Pharmacie». La loi, la logique, la science, le sens commun vaudraient qu'en pharmacie, on trouve des pharmaciens. Dit autrement, une pharmacie ouverte suppose qu'au moins une seule personne de celles qui s'y trouvent doit avoir le grade de pharmacien. Est-ce que c'est le cas chez nous ?

Sommes-nous accueillis et conseillés par des pharmaciens ? Cette fonction est-elle exécutée par des professionnels ou dans de nombreux cas par des vendeurs et vendeuses en pharmacie, qui doivent exercer sous la supervision du pharmacien professionnel ? La loi est-elle muette à ce sujet ? N'avons-nous pas une réglementation qui encadre les modalités d'exécution du métier de pharmacien ? Outre ce questionnement relatif à la dimension juridique et organisationnel ; le fait que dans de nombreuses officines, le personnel (les vendeurs en pharmacie) se substitue au pharmacien, ne constitue-t-il pas un vecteur de danger pour la santé des patients ? La question mérite d'être posée. Parallèlement à cet aspect de danger potentiel et réel que les pharmacies fonctionnent sans pharmaciens, ce qui paraît théoriquement comme inconcevable et une aberration sans commune mesure et malheureusement une réalité que personne ne peut en douter, sans faire preuve de mauvaise foi. Il y a lieu de s'intéresser au sort de milliers de diplômés « pharmacien et docteur en pharmacie » qui se retrouvent en chômage parce que tout simplement la gestion du médicament ne semble pas être d'un intérêt quelconque.

Dans le secteur public de nombreuses structures hospitalières, cette fonction est assurée par des non pharmaciens et dans d'autres, elle n'est pas prévue ; à croire que le médicament est un simple produit dont la gestion n'est autre que la tenue d'un inventaire à l'instar des autres consommables. Pour ce qui est des officines aussi bien publiques que privées, la fonction est confiée à des vendeurs de pharmacie. A qui profite la situation ou plutôt le crime ? Il est urgent de s'intéresser à ce scandale surtout qu'il présente tous les attributs du comportement dont l'essence est l'intérêt soubassement de tout comportement destructeur de l'intégrité sociale.

Cette situation est onéreuse parce qu'elle présente tous les éléments du scandale qu'il faut à tout prix enrayer et y remédier. En parlant de diplômé pharmacien ou docteur en pharmacie, nous parlons de ceux qui ont passé pour les premiers cités, cinq années et les seconds six années de studieuses et difficiles études dans différentes facultés de Médecine dont l'accès est conditionné par l'obtention du BAC avec mention très bien ou bien. Pourquoi gaspiller l'intelligence algérienne dans des formations qui conduisent au chômage, à être remplacées par des titulaires de deux ou trois mois de formation comme vendeur en pharmacie ? Au moment où nous parlons de lutte contre le gaspillage, contre la dilapidation des ressources, pourrons-nous trouver un gâchis plus préjudiciable ? Il est clair et certain qu'il est très difficile d'en trouver.

Face à de telles réalités, à des situations, si elles n'étaient pas réelles, il aurait été très difficile de les imaginer, l'amère réalité dépasse l'imagination la plus pessimiste, comment espérons-nous construire une Algérie nouvelle, sans trouver les solutions, sans débloquer les goulots d'étranglement.

Il est urgent d'affronter la réalité en essayant de prendre en considération les intérêts des différents protagonistes, sans exacerber les relations, est contre productif ; les solutions ne doivent pas être au détriment de qui que ce soit. L'adhésion de tous est indispensable, l'apport de tout un chacun est nécessaire, mais ceci nécessite de prendre en considération les plaintes, requêtes et cris de tous, dans la recherche de solutions. Construire l'Algérie nouvelle se fait par ses fils et pour ses fils, sans oubli ni dédain. En prenant ces deux cas, qui encore une fois ne sont cités qu'à titre indicatif, nous voulons contribuer à l'amorce de la dynamique de recherche des solutions, qui ne nécessite ni l'apport de moyens financiers ou de matériels particuliers, ni de luttes politiciennes. Les solutions peuvent être trouvées juste par l'écoute et la recherche en commun et surtout par l'adhésion de tous, qui une fois engagés dans le processus de résolution, sauront faire les concessions nécessaires et défendre leurs intérêts. L'inventaire des dysfonctionnements et des aberrations que les décennies de non gestion et de dilapidation des ressources de la nation ont générés est impressionnant, qu'il faut identifier, assumer et surtout soumettre à l'investigation et recherche de solutions.

*Pr