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Devant être la rampe de lancement du développement national durable: l'école algérienne doit revoir sa copie (2ème partie)

par Chaib Aïssa-Khaled*

Les actions réformatrices à entreprendre pour que l'échec scolaire ne demeure pas une norme mais soit l'exception, consisteront à traiter les causes l'ayant généré

- Première action : l'administration doit cesser de jouer à la conviction entêtée

Pour jouer dans la cours des grands, l'Algérie doit considérer l'éducation et l'instruction comme étant les facteurs de libération, d'émancipation et de progrès. Celles-ci devront, par conséquent, constituer dans tous les cas une priorité de la nation, le centre même de ses préoccupations.

Cela dit, force est de constater que ce souci n'a jamais été pris en compte vu que l'échec scolaire qui aurait pu être l'exception, ne cesse de s'ériger en norme et ce, par la grâce d'une administration de tutelle qui se contentait et se contente encore de faire dans l'innovation sans mémoire et de s'inventer, tantôt idéaliste, tantôt « prêcheuse », à l'instar de celle gérée par les innommables ministres qui s'étaient succédé. (Ces derniers faisaient semblant d'avoir l'accent de la sincérité et de mettre leur nationalisme sourcilleux à nu. Ils jouaient à avoir la conviction entêtée. Ils s'évertuaient à doper leurs mots pour se faire entendre. Leur langage déroutait dès le premier abord et les concepts inattendus, souvent intempestifs, ne se laissaient pas facilement domestiquer. Leur geste en quête de contenance cherchait à aller plus loin comme pour s'affranchir des sens communs. Ils n'avaient de cesse de s'ériger en défi. Ils s'investissaient dans un renouvellement fastidieux d'attelages politico-administratifs en faisant la sourde oreille aux conséquences qui s'en décousaient. Ils se confortaient de la présence de leurs amis à qui ils offraient des postes de responsabilité à tour de bras. A leurs yeux, la responsabilité n'était qu'une fantaisie, un artifice. Confondant le bien avec leur volonté, ils trouvaient un malin plaisir à tout «effacer» pour tout recommencer et de surcroît, avec une dose supplémentaire de désinvolture, (prenons acte de cette innovation sans mémoire qui fut les programmes d'études et les manuels scolaires dits de deuxième 2ème génération de l'innommable Benghabrit). Ils se perdaient souvent dans leur pensée qui interrogeait mais qui ne s'interrogeait jamais. Leur souci majeur était de se fossiliser dans la mission qui leur était confiée. Dompter celle-ci était le benjamin de leurs problèmes. L'échec national sur le plan du comportement et du réflexe citoyen, n'est en fait que l'expression de l'échec scolaire qu'ils ont «traditionnalisé» au point de devenir une fatalité qui, flagellant les élèves et leurs parents, s'est fait l'écho de leur détresse et de leur désespoir.

- Deuxième action : l'école algérienne doit cesse d'être le terrain de prédilection où s'affrontent les enjeux idéologiques et politiques

De nos jours et de par le monde les progrès scientifiques et technologiques se précipitent. Les formules de résolution mises au point et soigneusement mémorisées ont déjà l'allure d'ébauche. Le savoir tendant vers la dynamique de son épanouissement, génère des référents nouveaux. La revalorisation des plans et des stratégies visant à l'amélioration des conditions de vivre et d'évoluer des hommes, se conforme de mieux en mieux aux exigences qu'impose la nécessité d'embrayer sur le troisième millénaire avec le maximum de chances de succès. Il importe alors aux Algériennes et aux Algériens, s'ils veulent «jouer dans la cour des grands», de conscientiser l'obligation de s'extraire de l'invincible chantage des sentiers battus entretenus urbi et orbi par ceux qui se sont autoproclamés « défenseurs des constantes nationales » alors qu'ils n'en sont que le visage hideux et par ceux qui se sont autoproclamés « chantres de l'ouverture sur le monde et de la démocratie » alors qu'ils n'en sont que la face inversée.

En effet, l'Ecole algérienne qui aspire à être l'outil du développement durable et à dissiper les malaises de la société et les conflits qui l'opposent à elle-même, doit cesser de demeurer le lieu de tous les enjeux et des luttes d'intention promues par des subdivisions linguistiques et culturelles parrainées par des mégalomanes qui se croient incarner l'intelligentsia algérienne. Elle doit cesser de subir l'emprise du discours reproducteur de la dérision générateur de l'atrophie qui tente de l'affecter, de l'échec et de la déperdition scolaires, de la difficile adaptation des bacheliers au cycle universitaire et de la dégradation des mentalités et des comportements.

A lieu d'engloutir cette école dans des guerres de tranchées (entre arabophones et francophones) et qui, d'ailleurs, ne sont pas les siennes, il serait souhaitable de s'investir dans la promotion d'un enseignement scientifique lui-même promoteur de cet esprit qui :

- ne sera plus contrarié dans ses entreprises par une intelligence dispersée et par une volonté étroite ;

- ne fera plus des courbettes à la fatalité ;

- apprendra à mettre à profit ses investigations et ses recherches en s'investissant dans cette mentalité scientifique qui lui permettra d'élaborer l'interprétation de ce qu'il connaît pour se rapprocher de plus en plus de ce qu'il ignore ;

- prendra conscience que son autonomie intellectuelle ne trouvera une expression éloquente que s'il apprend à dompter les mystères de la nature pour les domestiquer à des fins utiles et que son aptitude à pénétrer à l'intérieur du savoir pour y organiser ce qu'il doit connaître n'atteindra son âge de raison que si elle prend de l'épaisseur au profit d'un avenir commun aux hommes bien pensé et bien réfléchi ;

- saura organiser l'évolution de sa démarche intellectuelle qu'elle soit spéculative1 ou conceptuelle, sans pour autant se figer dans le déterminisme superficiel de l'évidence ;

- Troisième action : la nécessité de faire échec à l'échec scolaire devra être la priorité de l'Etat

Mieux encore, il ne le dissimulera plus. Le refus de dramatiser l'échec scolaire et l'absence de débat en vue de personnaliser ses causes et d'évaluer ses conséquences, désastreuses du reste, sur les programmes de développement durable du pays et permettre à la société algérienne d'évoluer dans un climat de certitude, moins culpabilisant et propice à une réussite sociale, n'auront plus droit de cité. Il ne se limitera plus à le théâtraliser, comme par le passé, en le noyant dans des statistiques hurluberlues, (le souci étant d'anesthésier les opinions)

- Quatrième action : le plan de formation ne fera plus dans cet artificialisme qui a généré un enseignement enseignemental, un enseignement fétiche, un enseignement inapte, un enseignement sans but, sans objectif, sans finalité et sans support risquant, par conséquent, d'accabler l'esprit sous une masse d'informations inassimilables, cette illusion du savoir qui relativise la potentialité de raisonner logiquement et de juger avec méthode de ceux à qui il s'adresse.

Toutes les réformettes qui s'étaient succédé n'ont jamais eu d'impact significatif sur le rendement scolaire parce que leurs promoteurs s'étaient enfermés dans de banales résurrections idéologiques hâtant une prise une prise de conscience hébétée au lieu de provoquer le consensus autour d'une percée dans l'actualité et de structurer un comportement citoyen qui saura s'ajuster aux courants civilisationnels universels. Désormais, place sera faite à un plan de formation fonctionnel, animé par des procédés et méthodes d'enseignement authentiquement formationnels et véhiculant des programmes d'étude qui s'apprécieront par la rigueur dans la formation de l'esprit critique, par leur efficacité dans l'épanouissement de ses aptitudes et l'accomplissement de ses attitudes, par l'affermissement de la volonté et l'enrichissement de la personnalité, par l'orientation qu'ils feront prendre au rapport attention / intérêt pour qu'il soit un authentique modulateur de la perfectibilité intellectuelle.

Fécondant le sentiment par la raison, ce plan de formation apprendra à l'esprit à dompter les mystères de la nature. Il lui permettra de réunir le maximum de conditions psychologiques et cognitives pour pouvoir s'investir dans l'actualisation de ses acquis et de son expertise.

Ce plan de formation permettra à ceux à qui il s'adressera de vivre leur apprentissage comme une expérience en entretenant cet effort intellectuel où collaboreront le raisonnement logique et le jugement méthodique, d'actualiser leurs ressources et d'aiguiser leurs expertises.

S'agissant des programmes d'études, des procédés devant les véhiculer et des méthodes d'enseignement appelées à les animer. Devant être de solides instruments d'éducation fonctionnelle (celle de la mentalité scientifique en particulier), destinée à initier l'individu à raisonner à partir d'un complexe hypothèses - intérêts en aiguisant son sens de l'observation et à interpréter les données expérimentales en appréciant leur faisabilité et leur cohérence, ils n'évolueront plus à travers un plan de formation qui se dispersera autour de l'équivoque et ne dissipera pas l'ambiguïté parce qu'elles finiront par assiéger l'esprit pour le noyer dans la confusion. Ils n'évolueront plus à travers un plan de formation qui n'orientera pas l'esprit vers le sens de l'effort intellectuel authentique, cet effort qui sera capable d'animer l'enquête scientifique et déterminé à piloter le rapport qui existe entre la connaissance et son utilité pratique, en vue de lui permettre de cerner une vérité scientifique de moins en moins relative. Ils évolueront, en somme, à travers un plan de formation qui sera authentiquement scolaire, parce qu'il se définira par:

* la cohérence des activités de l'enseignement-apprentissage et leur pertinence par rapport aux objectifs arrêtés ;

* la définition dans la méthode appropriée à l'acte éducatif prospectif ;

* la périodicité de l'alternance des modes d'évaluation, (sommative et formative), de l'enseignement-apprentissage dispensé ;

* l'élaboration des contenus d'étude qui s'effectuera sur la base de critères psychopédagogiques universels.

Evolutifs, les contenus d'étude devront être continuellement amendés. Ils seront appréciés dans leur interactivité et dans leur complémentarité. En conséquence, une stratégie-tactique ayant pour mission d'évaluer leur pertinence et par implication, actualiser régulièrement les manuels scolaires ainsi que les méthodes, les moyens et les procédés de leur enseignement, devra être de mise. Cela suppose que l'approche intra et interdisciplinaire appelée à favoriser la compréhension des concepts, l'assimilation de l'utilité pratique qu'ils sous tendent et de fait, la formation et l'affermissement des compétences générales et des qualifications spécialisées escomptées, doive être indubitablement mise au point.

Les objectifs de la formation seront développés sous forme de connaissances, (complexe cognitif) et d'attitudes, (comportement). La formulation des objectifs est un temps fort qui permet de passer de l'analyse à l'action. Il s'agit alors de changer de points de vue et d'imaginer cette formulation « en regardant ver l'avenir ». Formuler des objectifs, c'est donc canaliser l'action, élaborer des choix et hiérarchiser des priorités.

- Cinquième action : ne pas ignorer que l'échec scolaire est le corollaire immédiat du manque de commodités scolaires (cantines, transport et santé scolaires), générateur du redoublement et de la déperdition scolaires

Le redoublement et la déperdition scolaires devront être perçus comme étant les signes avant-coureurs de l'échec scolaire et auxquels il faudra mettre fin pour lui faire échec. Les réduire, à tout le moins, sera la première étape dans la lutte contre l'échec scolaire. Les moyens en seront la mise à la disposition effective des élèves d'une cantine scolaire décente, d'une santé et d'un transport scolaires et qui ne seront plus le benjamin des soucis de ceux qui ont en la charge.

En sus de cela, une évaluation systémique, formative et sommative continue et une orientation scolaire érigée en un authentique moteur de réaménagement intellectuel, cognitif, psychologique et mental, c'est-à-dire en mesure d'assurer aux jeunes une orientation conforme à leurs profils psycho-intellectuel et psycho-mental par souci d'améliorer leur état d'équilibre (les inciter à réaliser une synergie entre leur épanouissement cognitif, psychologique, intellectuel et mental en vue de trouver des réponses franches et novatrices à leurs interrogations). La gestion d'un système d'orientation scolaire qui s'inscrit dans cette logique suppose un encadrement pédagogique et administratif compétent et surtout formé et motivé pour la cause.

Sixième action : une continuité entre les cycles d'enseignement devra être une impérativité. Les rythmes scolaires devront y être adaptés.

La préoccupation d'un système scolaire se voulant performant, est de rompre la discontinuité contre nature qui existe entre les cycles d'étude aux plans inter et intra-disciplinaires, notoirement affichée à ce jour et y adapter les rythmes scolaire appropriés. Le souci est de solidariser les objectifs et les buts de l'enseignement à dispenser, d'où la mise en équation effective entre la structuration des compétences et des qualifications attendues à l'issue d'un cycle d'étude donné et l'enseignement devant être dispensé au courant du cycle d'étude suivant en vue de performer celles-ci. En effet, les programmes d'étude, se continuant d'un palier à un autre, ils ne se juxtaposeront pas. Ils se conjugueront plutôt les uns dans les autres. En conséquence, les lacunes accumulées par les élèves en amont seront prises en charge en aval. On n'assistera donc pas à leur démultiplication comme ce le fut ; le parcours scolaire ne sera pas tronqué et la scolarité ne sera pas carencée.

Par ailleurs, la différenciation des rythmes scolaires est aussi une exigence d'une école se voulant performante. Ainsi, non rigidifiée l'action pédagogique prendra acte de la diversité des profils des élèves tant au plan du complexe psycho-mental et psycho-intellectuel qu'au plan cognitif. Autrement dit, il ne leur sera pas imposé les mêmes méthodes et procédés d'apprentissage pour l'acquisition d'un même savoir, ce qui permettra à l'acte pédagogique d'évoluer et de s'accomplir selon ses quatre temps universels, la compréhension, la rétention, l'assimilation et l'exploitation de l'acquis.

- Septième action : la mission éducative en général et l'acte pédagogique en particulier ne seront plus gérés par une peuplade de planqués politico-idéologico-pédagogico-administratifs passés pour maîtres dans l'art de faire semblant

Il est clair que par la faute de ce conglomérat qui fait semblant de gérer la mission éducative en général et celle de l'acte pédagogique en particulier, l'embrayage sur le processus du développement durable, n'a jamais pu être accompli. Il est alors plus que temps de lever ce handicap. Le moyen en sera une politique éducative et culturelle dont la mission d'éduquer et d'instruire, de former et de qualifier ne sera plus phagocytée par une action politico-idéologico-administrative qui s'est assignée des buts illusoires et sans portée.

Désormais, le système éducatif algérien ne sera plus pensé comme un lieu clos où les élèves en quête d'accessoires, viendront passer le temps. Nanti d'objectifs clairs et lisibles, l'enseignement qu'il dispensera, organisera la pensée autour de la logique et de la méthode. Ceux qui en sortiront, comptabiliseront des compétences générales et des qualifications spécialisées avérées. Mieux encore, Ils ne seront plus dépositaires de bribes de culture universelle.

Le curriculum, (programmes d'étude, méthodes d'enseignement, rythmes scolaires?etc., qu'il développera, s'investissant dans l'éducation du raisonnement logique et dans celle du jugement méthodique (ces composantes de la mentalité scientifique) et garantissant contre la promotion de la pensée confuse (le crétinisme), il structurera une démarche intellectuelle critique*. Il développera de la sorte, cette autonomie intellectuelle dont l'individu se servira pour engager des actions prospectives.

*Démarche intellectuelle critique : exploration, prospection, abstraction, abrogation,, sélection, synthétisation, conception, élaboration. .

Les évaluations systémique et formative ne conduiront plus à des appréciations approximatives et controversées parce que totalement désincarnées des véritables enjeux et défis que l'école devrait relever. L'échec scolaire qui est de nos jours et de toute évidence, un constat établi, sera progressivement laminé.

Le pilotage de la mission éducative et celui de l'acte pédagogique ne seront plus livrés au risque de désinvolture de ceux qui en auront la charge. Les modalités de sélection et d'orientation des élèves, accompagneront désormais les efforts et les inclinaisons de chacun d'eux. Elles l'aideront ainsi à se déterminer de l'intérieur de lui-même et en fonction de ses aptitudes exponentiellement utilisables ce qui lui permettra une efficacité optimum dans la structuration de son champ aperceptif et l'incitera à construire une démarche intellectuelle prospective. Mieux encore, le capital cognitif qu'il comptabilisera lui permettra de distiller cette culture opérationnelle appelée à contribuer à l'éducation du caractère et du comportement et à l'enrichissement de la personnalité.

A suivre...

*Directeur départemental de l'Education - Ancien Professeur INRE. Auteur. Dernier ouvrage paru aux Editions El Maârifa : «Comment mettre en état un Etat qui était dans tous ses états»

Note :

1- La démarche intellectuelle spéculative : celle qui met à nu la vérité, (quand bien même dans sa relativité), qui la rétablira dans sa légitimité et qui animera l'esprit pour qu'il démêle le vrai du faux, le légal de l'illicite, le réel du factice, l'essentiel du secondaire.