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Des peines de 10 à 20 ans de prison requises contre les Kouninef: Des milliers de millards de crédits à des entreprises sans activité

par Houari Barti

Le parquet général près le tribunal de Sidi M'hamed a requis hier une peine de 18 ans de prison ferme à l'encontre de Réda, 15 ans à l'encontre de Tarek-Noah et Abdelkader-Karim et 10 ans à l'encontre de Keddour Ben Tahar, avec une amende de 8 millions de DA pour les quatre accusés. La peine la plus lourde a été requise contre Souad-Nour, en fuite à l'étranger, avec 20 ans de prison ferme, une amende de 8 millions de DA et le lancement d'un mandat d'arrêt international contre elle. Des peines allant de 3 à 6 ans de prison ferme avec des amendes d'un million de DA ont été requises à l'encontre de dix personnes également impliquées dans l'affaire, essentiellement des cadres des ministères de l'Industrie, de l'Agriculture, de l'Hydraulique, de l'Energie et des Télécommunications ainsi que d'autres secteurs où le groupe KouGC a obtenu des marchés.

Le parquet a également requis la saisie des biens à l'intérieur et l'extérieur du pays à l'encontre des trois frères Kouninef et du gérant du groupe KouGC dont ils sont propriétaires.

Hier, au troisième jour du procès des frères Kouninef, une bonne partie des auditions a concerné les représentants légaux des entreprises de l'empire des Kouninef. L'audition de ces derniers a confirmé que ces entreprises qui ont permis, selon le dossier d'instruction, aux Kouninef d'engranger des milliards sous formes de crédits bancaires, «n'avaient aucune activité sur le terrain».

La quasi-totalité des représentants légaux de ces entreprises ont répondu au juge n'avoir aucune connaissance sur ces crédits bancaires ni sur leurs montants. Tous ont, en revanche, affirmé que les entreprises qu'ils représentaient «n'avaient pas d'activité réelle». Seul le représentant de la société «NUTRIS» admet, toutefois, être au courant des crédits octroyés à la société et même d'en connaître le montant qui représente, selon lui, pas moins de 2.000 milliards de centimes.

Le juge appelle à la barre Mohamed Chikhaoui, en qualité de témoin, représentant la partie civile. «Avez-vous une quelconque relation familiale avec les accusés», demande le juge. «Non», répond le témoin. Et au juge de répliquer : «Qu'avez-vous, alors, à nous dire sur les faits relevant de cette affaire ?» Chikhaoui affirme alors que le KouGC, la société des Kouninef spécialisée dans le secteur du bâtiment et travaux publics, «a eu en 2002 et 2003 des contrats avec Sonelgaz». Il y a eu, aussi, a-t-il ajouté, «d'autres contrats en 2006, qui ont permis à l'entreprise de recevoir d'autres montants pour poursuivre les travaux, dont certains ont été finalisés et d'autres non, dans la région de la Kabylie». S'agissant du projet de la ligne Bouira-Dergana, a-t-il précisé, un crédit de 140 millions de dinars a été octroyé, «alors que pour la ligne Jijel-Kasr Deguina, en 2007, un crédit de l'ordre de 135 millions de dinars a été débloqué», soulignant au passage que le projet a dépassé les délais contractuels.

Le procès des frères Kouninef, propriétaires du groupe KouGC, s'est, rappelle-t-on, ouvert mercredi dernier au tribunal de Sidi M'hamed, à Alger, et s'est poursuivi jeudi avec l'audition de l'ensemble des prévenus, en liberté, poursuivis pour, entre autres, «octroi d'indus avantages», «abus de fonction», «incitation d'agents publics dans le but d'accorder d'indus avantages».

En détention depuis avril 2019, les trois frères Réda, Abdelkader-Karim et Tarek-Noah Kouninef sont poursuivis pour plusieurs chefs d'inculpation, entre autres, « trafic d'influence », « blanchiment d'argent », « obtention d'indus avantages », « détournement de fonciers et de concessions » et « non-respect des engagements contractuels dans la réalisation de projets publics ».

Aussi, est-il souligné, les comptes des Kouninef sont depuis juin dernier bloqués sur ordre de la justice. Des enquêtes ont visé plusieurs marchés obtenus par Redha, Tarek et Karim Kouninef, notamment, entre 2008 et 2011.

Parmi les dossiers qui intéressent particulièrement la justice figure un prêt bancaire de 20 milliards de dinars (environ 150 millions d'euros), débloqué par un consortium de trois grandes banques publiques pour la réalisation d'usines de trituration de graines oléagineuses à Jijel (Nord-Est).

La justice soupçonne l'existence de plusieurs avantages de complaisance, dont un financement accordé sans garanties.