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La finance islamique pour une fiscalité moins contraignante

par Saheb Bachagha*

La finance islamique connaît une croissance importante depuis quelques années, elle représentait un volume d'actifs de 1700 milliards en 2015 à travers le monde et pourrait atteindre 2900 milliards à l'horizon 2021. Ce marché connaît un véritable essor sur le plan mondial et représente une source de financement importante. Il s'agit d'un univers financier différent celui des établissements financiers qui tentent d'intégrer les principes économiques élémentaires relevant du bon sens mais aussi à l'instar des établissements financiers de l'économie sociale, une dimension éthique et sociale.

Le terme de finance islamique recouvre l'ensemble des transactions et produits financiers conformes aux principes de la charia qui supposent l'interdiction de l'intérêt, de l'incertitude, de la spéculation, l'interdiction d'investir dans les secteurs considérés comme illicites (alcool, tabac, l'élevage et la commercialisation de la viande porcine, les jeux du hasard, etc.)

Les produits de la finance islamique :

La Murabaha

La murabaha est un contrat de vente aux termes duquel un vendeur vend un actif, le plus souvent des immeubles (ce peut être également des titres, ou des machines), à un financier islamique (une banque islamique) qui les revend à un investisseur (économiquement l'emprunteur) moyennant un prix (qui comprend une marge couvrant notamment la charge financière de l'intermédiaire). Il s'agit là d'une forme de crédit qui permet au client d'effectuer un achat sans avoir à contracter un emprunt portant intérêt. La banque achète le bien puis le vend au client en différé. L'intermédiation du financier se traduit par un double transfert, donc un double droit d'enregistrement et une double perception de la TVA ou des droits de mutation. Il est donc attendu de la direction de la législation fiscale les ajustements nécessaires pour éviter ces frottements juridiques et fiscaux.

Les «frottements fiscaux » concernent particulièrement ce produit phare de la finance islamique qui suppose un double contrat de vente et donc un double droit de mutation. L'intérêt est interdit par la charia. Le bien immobilier visé est acheté par l'établissement bancaire. Ce dernier va louer le bien à l'acheteur. Les loyers perçus remplacent dans ce cas les intérêts d'un emprunt classique. La propriété du bien reste au nom de l'établissement jusqu'à l'échéance du contrat du financement puisque toute transaction en finance islamique doit être rattachée à un actif tangible. A l'échéance du contrat, le bien sera transféré au client. Cette opération peut traduire deux types de frottement en droit algérien. Premièrement, la double imposition à la taxe de publicité foncière. Deuxièmement, l'exposition à la garantie de vice caché qui s'impose à l'intermédiaire et non au vendeur initial du produit immobilier, alors que la propriété ne lui est transmise que temporairement.

Les Sukuk : similaire à une obligation adossée à un actif, le sukuk est billet de trésorerie qui confère à l'investisseur une part de propriété dans un actif sous-jacent lui assurant un revenu à ce titre. L'entité émettrice doit identifier les actifs existants à vendre aux investisseurs sukuk par transfert à une entité ad hoc. Les investisseurs jouissent alors de l'usufruit de ces actifs, au prorata de leur investissement. Ils supportent généralement le risque de crédit de l'émetteur, plutôt que le risque réel lié aux actifs détenus par l'entité ad hoc. Les sukuk peuvent être cotés et notés en fonction du marché ciblé, mais ce n'est pas obligatoire. Les sukuk sont généralement émis par des entreprises, certaines institutions financières et des Etats (Bahreïn, Malaisie, Pakistan?)

Contrairement aux obligations classiques, les sukuk rémunèrent leur détenteur sur la base du profit généré par l'actif sous-jacent qui prend la forme d'un contrat de murabaha, mucharaka ou ijara. L'ensemble des créanciers partagent aussi bien les profits que les pertes. Dans certains pays, la rémunération des sukuk est vue comme des dividendes et de ce fait elle n'est pas déductible de l'assiette fiscale contrairement aux charges d'intérêts sur les obligations classiques. Alors qu'à Londres cette rémunération est considérée comme des intérêts ce qui implique dans ce cas la déductibilité des sommes versées par l'émetteur de sukuk sous les mêmes conditions que celles prévues pour les intérêts d'emprunt. Notre législateur doit trancher entre les deux options.

*Expert-comptable et commissaire aux comptes