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Aïn El Turck: Une destination mirage pour les migrants subsahariens

par Rachid Boutlelis

D'origine burkinabé, malienne, guinéenne, camerounaise et nigérienne pour la plupart, des dizaines de migrants subsahariens ayant fui l'instabilité politique, les troubles et l'indigence prévalant dans leurs pays ont élu domicile, temporairement pour la grande majorité, dans la contrée côtière d'Aïn El Turck et ce, après un long, éprouvant et sordide périple. Selon des sources concordantes, ces migrants ont convergé dans un premier temps vers les wilayas de d'Adrar, d'El Oued et de Tamanrasset avant de parcourir encore des centaines de kilomètres dans des conditions effarantes et effroyables pour rallier la ville d'Oran où ils se font embaucher généralement dans des chantiers de construction dans une piètre précarité, en espérant gagner un maximum d'argent pour pouvoir continuer leur voyage jusqu'en Europe. C'est le cas de ces migrants subsahariens, contraints de travailler dans l'illégalité pour des employeurs sans scrupules et vivre dans des conditions déplorables, exécrables et parfois avilissantes dans le chef-lieu de la daïra d'Aïn El Turck où sont répertoriés des dizaines de chantiers.

Ils sont recrutés en qualité de manœuvre, peintre, maçon, jardinier ou carrément homme à tout faire, contre un salaire de misère, que nombre d'entre eux ne percevront finalement pas. «Si nous osons réclamer on nous menace d'appeler la gendarmerie pour nous reconduire aux frontières de notre pays d'origine. Heureusement qu'il existe des personnes généreuses parmi nos compatriotes qui n'hésitent pas à nous dépanner», a déploré d'un ton laborieusement sarcastique Amadou, un Camerounais, chargé de l'entretien et différents autres travaux chez un particulier qui l'emploie également pour le gardiennage dans son habitation, située dans la localité de Claire Fontaine. «Contrairement à mes compatriotes qui tentent de survivre dans des conditions effroyables dans des pièces exiguës où des garages, loués au prix fort, je loge dans l'habitation de mon employeur pour le gardiennage», a renchéri notre interlocuteur avec une humeur bilieuse.

Son compatriote a aussi tenu à faire remarquer à ce propos que «les travaux qu'on nous demande sur les chantiers sont très compliqués. Les conditions de travail sont très dures. On transporte des sacs de sable, des pierres. On fait tout ce que personne ne veut faire. Les patrons nous appellent «camarade». Nous devinons aisément que c'est de la poudre de perlimpinpin mais on n'a pas le choix. Ce sont les seuls qui acceptent de faire travailler les clandestins. On est venus en pensant rester quelques mois, le temps de se faire de l'argent, puis repartir vers l'Europe». Abordé à ce sujet par Le Quotidien d'Oran, un chef d'entreprise installé dans la municipalité a confié sans ambages que «les migrants subsahariens sont grandement nécessaires pour pallier à la criarde insuffisance en main-d'œuvre locale dans le domaine des travaux publics et celui de l'agriculture. Certains d'entre nous ont même conclu des accords tacites avec les responsables locaux afin qu'ils laissent les migrants travailler. Ici, les petits boulots ce sont les Subsahariens qui les font parce qu'ils veulent travailler et ont besoin d'argent pour aider leur famille au pays. Sans ces personnes, je serais coincé. La main-d'œuvre locale ne veut pas faire ce travail, et ce n'est même pas une question de salaire», ajoute le chef d'entreprise.

Il importe de noter dans ce contexte qu'en raison de sa position géographique par rapport à ses côtes, qui ne sont pas éloignées de celles de la péninsule ibérique, la contrée d'Aïn El Turck est devenue, ces dernières années, une destination attractive pour les migrants subsahariens envisageant de tenter la folle traversée pour rallier l'Europe avec tous les risques et périls qui en découlent. Une pénible réalité pour ces Subsahariens qui vivent avec l'amertume, la détresse et la mal-vie sans jamais se plaindre.