Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Algérie-Union européenne: Le début d'un contentieux ?

par Ghania Oukazi

L'accord d'association fait encore une fois l'objet de polémique depuis que la période de transition accordée à l'Algérie pour démanteler ses tarifs douaniers a pris fin ce 1er septembre.

«L'Algérie a demandé oralement à l'Union européenne de reporter l'achèvement de la zone de libre-échange entre les deux régions, initialement prévue le 1er septembre», a déclaré lundi à l'AFP le porte-parole de la Commission européenne. «La Commission «n'a pas encore pas reçu de demande formelle», a-t-il dit. La zone de libre échange dont il est question devait être achevée pour marquer la fin de la période de transition de 15 ans ont a bénéficié l'Algérie à sa demande pour que le démantèlement tarifaire qu'elle devait opérer ne lui soit pas trop contraignant pour affranchir son économie de la rente pétrolière. A condition, bien sûr, disent des experts bien au fait du dossier que «durant ces 15 ans de transition, l'Algérie aurait mené et réussi des réformes structurelles pour diversifier son économie, lancé sa production nationale sur la base de normes universelles pour qu'elle puisse être compétitive sur les marchés internationaux, du moins européens et remis de l'ordre dans sa législation et ses réglementation avec en sus la création de conditions appropriées à un climat des affaires assainis et concurrentiel». Depuis septembre 2005, date de l'entrée en vigueur de son accord d'association avec l'UE et durant la période de transition, l'Algérie devait en parallèle démanteler progressivement ses droits de douane sur tous les produits industriels et passer à une libéralisation sélective de ses produits agricoles. Mais, regrettent nos sources «ça n'a pas été le cas et c'est loin de l'être, l'économie nationale dépend toujours de la rente pétrolière qui elle-même n'a plus le même volume à cause de la chute du prix du baril, sans compter que les textes réglementaires ne sont pas pour une diversification de l'économie encore moins pour attirer les investissements loin d'une bureaucratie qui décourage les plus téméraires». C'est probablement pour toutes ces raisons voir ces handicaps que le porte-parole de la commission cité par l'AFP a soutenu que «les dernières données disponibles confirment que les autorités algériennes n'ont pas démantelé les derniers droits de douane prévus, ce qui aurait dû être fait avant le 1er septembre 2020».

En ajoutant cependant que «si cela se confirmait, cela constituerait une violation de l'accord». Rien n'est donc confirmé à ce sujet. Hier, aucun de nos contacts avec les institutions officielles concernées par le dossier n'a abouti.

«L'Algérie a mal négocié

Mais des experts qui ont eu à travailler sur certaines de ses volets nous ont déclaré qu' «effectivement, l'Algérie n'a pas procédé au démantèlement des derniers droits douaniers comme prévu par l'accord». La raison est simple, disent-ils «l'Algérie n'a pas procédé à la transformation substantielle de ses produits, elle a accepté de changer les 4 premiers chiffres sur les 10 de ses tarifs douaniers (code) au titre du démantèlement tarifaire qu'elle a opéré durant les premières années de l'entrée en vigueur de l'accord, ce qui a été en sa défaveur parce qu'elle n'a pas su négocier». Ils affirment que «dés le début, l'accord était mauvais pour l'Algérie alors que l'UE ne pouvait craindre aucun danger parce que ses produits sont aux normes et ses parts de marché étaient préservées». L'on nous rappelle que «quand on a consolidé nos tarifs, on était à des positions de 0 à 60% des droits de douanes pour appliquer 5% pour les matières premières, 15% pour les produits semi-finis et 30% pour les produits finis, ceci pour favoriser l'industrialisation de l'économie mais l'Algérie n'a pas pris en compte les spécificités de sa production, appliquer 5% seulement de droits de douanes au ciment ou à la datte qu'elle produit localement était une folie, l'UE a défendu ses intérêts mais l'Algérie a agi sous les pressions d'injonctions politiques, on a signé un accord sans en peser ni les tenants ni les aboutissants». Ils déplorent aussi «le changement de négociateurs qui ne sont jamais les mêmes à chaque fois que l'Algérie veut défendre ses intérêts avec l'UE, les nouveaux partent négocier sans connaître véritablement le dossier».

L'on rappelle que le 25 août dernier, nous avons interrogé le porte-parole de l'UE sur l'éventualité de l'ouverture totale de la ZLE entre les deux parties que nous a répondu que «la commission n'a reçu aucune demande de l'Algérie pour un réexamen des dispositions commerciales de l'accord d'association en vigueur depuis septembre 2005». Il nous a aussi affirmé que «toute révision de l'accord y compris le démantèlement définitif des tarifs restants par l'Algérie d'ici à septembre de cette année devrait être prise par décision mutuelle au sein du Conseil d'association UE-Algérie». Mieux, il a soutenu que «la Commission européenne est en train de conclure sa propre évaluation des accords d'association avec 6 partenaires Euromed y compris l'accord avec l'Algérie, et les résultats préliminaires montrent que l'accord a été bénéfique pour les deux parties.Si l'Algérie souhaite discuter d'une révision de l'accord d'association, l'UE est disposée à écouter ses propositions à cet égard». (Voir article paru dans l'édition du jeudi 27 août 2020).

Le Conseil d'association Algérie-UE mi octobre

Du côté algérien, nos sources nous avaient précisé dans un article paru le lundi 24 août qu'«il ne s'agit pas d'ouvrir tout de suite une zone de libre échange entre l'Algérie et l'Union européenne»en nous expliquant que «rien ne presse, nous allons avoir- à la demande de l'UE- une période de discussions sur les zones de divergences qui sont apparues entre les deux parties depuis l'entrée en vigueur de l'accord d'association à commencer par les valeurs tarifaires appliquées par l'Algérie et aussi examiner toutes les réclamations d'un côté comme d'un autre». L'on nous a noté qu'«il faut savoir que le démantèlement tarifaire n'occupe que 5% de l'ensemble de l'accord d'association, donc il y a beaucoup d'autres questions qui doivent être soulevées entre les deux parties». En plus des questions commerciales, elles devront en principe examiner selon nos sources «les nouveautés algériennes en matière de législation, les problèmes de surfacturation qui ont fortement impacté ses importations, les secteurs d'activité qui n'ont pas été libérés à ce jour, le dialogue politique et de la sécurité, la dégradation de la sécurité et l'instabilité de la région, la circulation des personnes(?)». Des réunions des six sous comités mixtes sont, nous ont dit nos interlocuteurs «programmées tout au long du mois de septembre en vue de retravailler sur cet accord d'association stratégique, il y a des choses à demander, d'autres à réajuster parce que la relation entre nous est asymétrique». La coopération entre l'Algérie et l'UE devrait, selon nos sources, être évaluée et des décisions seront prises par le Conseil d'association Algérie-UE qui sera tenu à la mi octobre sous la présidence du Haut représentant pour les affaires étrangères de l'UE, Joseph Borel et le ministre algérien des affaires étrangères».