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Tébessa: L'informel à la rescousse des chômeurs

par Ali Chabana

Derrière leur pousse-pousse chargé de pommes, les deux jeunes commerçants ambulants font des efforts pour faire avancer péniblement leur fardeau dans les rues près du marché couvert du centre-ville.

Les passants les interpellent : «combien coûtent les pommes ?» le plus jeune des deux répondit l'air détaché : «140 dinars le kilogramme» et d'ajouter «elles sont mûres et délicieuses, c'est garanti !», comme pour donner l'envie au client. Mourad, 20 ans, à défaut d'exercer une autre activité plus stable, a trouvé avec son ami Imed le moyen de trimbaler ce moyen de transport rudimentaire pour ne pas rester inactifs et surtout pour glaner quelques sous. «Ça nous déplaît pas, vous voyez on est pas les seuls, plusieurs jeunes de notre âge sont dans la même situation de précarité» dira Mourad. «De nos jours, il est de plus en plus difficile de dénicher un travail, d'autant que la pandémie du coronavirus a compliqué davantage la donne, alors au lieu de traîner dans les rues à longueur de journées, avec mon ami Mourad on a décidé de se procurer ce chariot et des caissons de pommes pour démarrer. Même si on est quelquefois gênés par les forces de l'ordre, lorsque celles-ci commençaient à débarrasser les lieux des revendeurs de l'informel», remarqua Imed.

Des petits boulots occasionnels qui font occuper les jeunes, parfois des personnes d'un certain âge, des commerçants malgré eux de fruits et légumes, étalant leur marchandise au bord de la chaussée, ou encore ce revendeur d'ustensiles de cuisine en plastique, l'œil vif, de peur d'être chassé lui aussi par les agents de l'ordre, celui-là a choisi les articles vestimentaires en squattant le trottoir, l'autre fait dans le commerce de cosmétiques, son voisin exposait ses confiseries. Des dizaines de jeunes revendeurs à la sauvette et pour ne pas sombrer dans l'oisiveté, sans rien faire, se mettaient à vendre tout et n'importe quoi. «C'est très nocif pour notre santé mentale à rester sans emploi» nous expliqua Ahmed, qui tient un étal de fruits et légumes au quartier de Bab Zouatine, là où un troupeau de chèvres venait fouiner près de ses caisses de laitues. En attendant la rentrée scolaire qui elle également aura ses revendeurs et sa clientèle, «oui on faisait déjà la reconstitution des stocks d'articles et de fournitures scolaires, en prévision de l'évènement, des sacs et tabliers scolaires, par exemple» nous informa Salim du haut de ses 25 ans, lui l'habitué du marché, il connaît bien les circuits et les procédés pour s'approvisionner en choisissant les marchandises les plus demandées, en fonction des prix et de la qualité. Tout au long de l'année, les activités commerciales légales ou tolérées ne chôment jamais, il y a toujours une armada de jeunes, qui pour des motifs évidents sont là pour animer les lieux, des petits boulots sortis de nulle part viennent comme par enchantement donner vie à des endroits publics, sous le regard ahuri des gens.

À l'instar d'autres villes du pays, Tébessa se pare dès les premières heures, d'innombrables étals hétéroclites, un commerce mal vu, mais qui pour des raisons sociales fait vivre des familles entières.