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L'Algérie, les chantiers de la réforme et les errements de la diplomatie marocaine

par Salim Metref

Faut-il continuer d'espérer de la nouvelle gouvernance qui semble se mettre en place en Algérie et qui sans le dire gère au pas de charge ce qui ressemble à une véritable course contre la montre et même à une période de transition vers l'Etat de droit auquel nous aspirons? Oui, il le faut !

Rebâtir tout ce qui mérite de l'être et surtout commencer par implémenter une nouvelle constitution qui soit consensuelle et pérenne et qui ne soit pas sujette à triturations au gré des années qui passent et des effets pervers de l'enracinement semble l'être le leitmotiv de la gouvernance actuelle.

Et nier dans le contexte de bouillonnement interne responsable qui la caractérise actuellement que l'Algérie ne fait pas l'objet de tentatives de déstabilisation, de convoitises et autres complots serait comme nier le jour qui se lève.

L'existence de ces complots ne fait pas l'ombre d'un doute et n'a aucun lien avec l'aspiration légitime à la liberté, aux droits de l'homme où tout simplement avec le désir du plus grand nombre de changer en mieux notre vécu quotidien. Cela les dépasse !

Il faut d'abord survivre au bouleversement qui caractérise actuellement le monde avec une refondation des relations internationales d'où sont exclus les plus faibles. Puis continuer d'exister pour espérer construire un idéal. Qui peut prétendre sans mentir qu'on peut rebâtir après que tout ce qui a déjà existé ait été brisé et détruit ? Difficile d'y croire.

La raison devrait avoir raison de la folie des hommes et de son pendant, la misère et la désolation qui se répandent partout. Combien de fois n'avons-nous pas entendu que l'on pouvait tout changer en claquant juste des doigts et en disant des mots justes comme ceux qui vous secouent les tripes comme on dit mais qui ne vous donnent pas pour autant plus de bonheur à vivre. Il faut changer, transformer, reconstruire mais à une cadence qui ne fasse pas s'effondrer tout l'édifice déjà fragilisé par tant d'épreuves et de trahisons. Donner du temps au temps n'est pas un renoncement. Mais plutôt ne pas commettre ces erreurs fatales, celles commises par d'autres qui se paient souvent au prix fort, celui de l'anéantissement pur et simple. Ne pas oser ainsi l'aventure incertaine, celle qui peut d'errements en errements vous conduire à l'errance.

A coté de ces chantiers du renouveau de l'Algérie qui ont le mérite d'exister s'insinue hélas une relation algéro-marocaine perturbée et essoufflée par un long parcours semé d'embuches et de provocations. Une relation devenue aussi enquiquinante puisque nos efforts et notre attention sont concentrés sur ces défis qui attendent notre pays et que nous devons relever.

Mais quelle est la part du mythe de celle de la réalité dans la relation algéro-marocaine ?

Souffler le chaud et le froid, entretenir la stratégie de la tension, afficher des dispositions à l'apaisement puis les renier juste après, faire de l'agitation au niveau des institutions internationales, exhiber le spectre du détournement par l'Algérie de l'aide humanitaire destinée aux Sahraouis, agir en Algérie même comme cette exhibition de mauvais gout d'un Consul à Oran qui violant le comportement qui sied au statut de diplomate qualifie l'Algérie d'ennemi du Maroc au moment où des milliers de nos frères Marocains vivent et gagnent leur pain en Algérie et subviennent aux besoins de leurs familles restées au Maroc sont quelques uns des éléments de la politique conduite par le régime marocain à l'égard de l'Algérie.

Nous avons déjà relaté dans nos précédents écrits (1,2) que ce comportement était récurrent et que la question du Sahara Occidental qui reste une question de décolonisation ne constitue pas le socle qui nourrit cette animosité. Les marqueurs de cette haine du régime marocain non pas pour le pouvoir algérien mais bel et bien pour l'Algérie et son peuple étaient déjà symptomatiques au sortir de la guerre de libération nationale. Cette propension bien marocaine à provoquer l'Algérie a été depuis encouragée par les conseillers français et israéliens. Ces derniers ont suggéré leur modèle de gestion des crises déjà éprouvé en Palestine et appliqué présentement dans les villes occupées du Sahara Occidental.

Le Maroc est au bord de l'implosion. C'est un fait incontestable. La pauvreté commence à devenir endémique et la colère a gagné des régions reculées de ce royaume jusque là épargnées. Les attentes du peuple marocain qui sait pertinemment que l'ennemi n'est pas l'Algérie sont immenses et urgentes.

Dans ce contexte précis et alors que notre immense pays est entouré de foyers de tensions qu'il faut contenir l'un après l'autre, gérer et apaiser, jamais pourtant pays n'aura eu, en réalité, une frontière aussi consolidée que le Maroc dont le flanc Est est sécurisé par le puissant voisin algérien. Cette situation est paradoxalement induite par la fermeture des frontières entre les deux pays, elle-même conséquente à la stratégie de la tension permanente entretenue par le Maroc.

Il est inutile de ressasser de nouveau les raisons qui ont conduit à la fermeture de ces frontières. L'Algérie sécurise bien ce flanc est du Maroc et contribue ainsi à renforcer la stabilité de ce pays auquel nous lient depuis très longtemps tant de choses communes.

Les humeurs des officiels marocains et l'agitation de tout ce qui constitue la galaxie anti algérienne du Maroc participe bien entendu des orientations des experts israéliens puisque l'on peut y déceler la marque de ces derniers et plus généralement l'ABC de la politique étrangère de l'entité sioniste.

Selon de nombreux observateurs, le Maroc connaitra probablement de sérieux troubles à court et à moyen termes. Ce n'est pas ce que nous lui souhaitons bien au contraire mais la conjonction d'éléments de fracture économique et sociale avec d'autres éminemment endogènes pourrait sérieusement hypothéquer la paix sociale dans ce pays sans omettre de mentionner aussi l'existence d'autres variables qui pourraient également compliquer l'équation interne marocaine.

Face à la crise potentielle interne à venir au Maroc et malgré l'existence d'un véritable contentieux entre les deux pays, l'Algérie réitére par la voix de ses plus hautes autorités son amitié à ce pays et à son peuple et réaffirme sa disponibilité à construire une relation bilatérale sereine et fraternelle. Cette attitude de l'Algérie constitue un nouveau gage de notre pays à l'endroit de la stabilité de ce pays voisin et frère.

L'Algérie le fait conformément à la politique de bon voisinage, d'amitié et de fraternité prônée depuis son indépendance et ce malgré un leadership militaire inégalé dans la région qui lui est acquis, leadership reconnu par ailleurs par les experts en la matière et autres rapports publiés dans ce cadre.

Cette gestion algérienne apaisée et sans agitation médiatique de la relation algéro-marocaine se fait également dans un contexte caractérisé par l'affirmation récente par les autorités marocaine de leur volonté de construire des infrastructures militaires aux frontières de notre pays, infrastructures dont les observateurs avertis de la région savent qu'elles seront mises à la disposition des experts israéliens présents au Maroc dans le cadre de la coopération militaire entre ce pays et l'entité sioniste.

L'Algérie est actuellement engagée dans un processus de réformes qui essaye d'entrer en résonance avec les ruptures provoquées par le mouvement populaire du 22 février.

Les efforts actuellement consentis par les pouvoirs publics pour sortir de la crise, reconstruire la confiance et redonner une vison de l'avenir tout en définissant un cap qui soit le plus consensuel possible doivent être poursuivis. Il s'agit au final de permettre à notre pays d'incarner le statut de puissance régionale incontournable tant sur le plan militaire, économique que politique qui lui échoit.

A la stratégie de la tension adoptée par le Maroc à l'égard de l'Algérie, notre pays oppose le contraire et préconise une relation sereine et apaisée, chaque pays devant en priorité se consacrer plutôt à se construire, à se projeter vers l'avenir et à réaliser autant que faire se peut le bonheur et l'épanouissement de son propre peuple. La réouverture des frontières entre l'Algérie et le Maroc comme semble le souhaiter certains est prématurée et n'est pas à l'ordre du jour car les facteurs inductifs qui l'ont provoquée n'ont pas été levés et existent toujours. Et seules les générations futures jugeront de l'opportunité de la réouverture de ces frontières si et seulement si et d'ici-là les conditions de cette réouverture seront réunies.

(1) La guerre des sables n'aura pas lieu

(2) Algérie, Maroc, seul l'essentiel nous incombe