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L'hôpital public surpris par la submersion du coronavirus

par M. Mesafer Chakib*

L'année 2020 restera longtemps imprégnée dans la mémoire des Algériens compte tenu de l'apparition d'un virus mortel nommé coronavirus 2 du Syndrome respiratoire aigu sévère (SARS-CoV-2) qui s'est propagé rapidement à l'échelle mondiale. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé le 11 février 2020 que le nom de cette nouvelle maladie serait « Covid-19 ». Les historiens des maladies et les épidémiologistes ont beaucoup de choses à écrire pour l'histoire de l'humanité. Comment a débarqué ce virus ? Né d'une manipulation spontanée ou créé pour des raisons inconnues. Aux scientifiques de répondre sur la nature de ce virus mortel.

En qualité d'économiste en santé publique, je voudrais apporter une contribution qui a pour objet, d'une part, de décrire la réalité de l'hôpital public et, d'autre part, de s'interroger sur l'ampleur des contestations des citoyens à travers le pays véhiculées abondamment sur les réseaux sociaux à propos des conditions de prise en charge et leurs vifs mécontentements sur les soins prodigués face au coronavirus. Avant d'aborder l'objet de ma réflexion, il est intéressant de savoir que l'humanité a connu depuis la naissance de l'être humain sur terre plusieurs virus, ça n'a pas empêché la vie de continuer. Grâce aux connaissances, les hommes et les femmes ont surmonté les épreuves douloureuses. Actuellement, le combat est planétaire. Celui qui découvrira le vaccin rendra beaucoup d'espérance à l'humanité. La course au vaccin est lancée depuis que les autorités chinoises ont partagé la séquence génétique. Dans l'attente d'un vaccin contre le nouveau coronavirus, l'Organisation mondiale de la santé appelle les pays à mettre en œuvre un dépistage généralisé des cas suspects, à leurs isolements et au suivi des contacts. Force de constater la vitesse de la multiplication, l'Algérie s'est manifestée rapidement par la voix du président de la République pour ordonner et coordonner la mise en place d'un dispositif pour mieux gérer l'épidémie et limiter les pertes humaines. Ceci s'est traduit par l'importation des moyens de protection au profit du personnel de soins et des citoyens amplifiée par une série de recommandations émanant d'un comité scientifique composé d'éminents professeurs.

En dépit de la gravité de la situation sanitaire, l'Etat, par le biais des moyens de communications audiovisuelles et écrites, ne cesse d'alerter les citoyens sur les conséquences dangereuses du virus. Cette politique de communication est essentielle car elle repose sur la pédagogie et la compréhension pour limiter les risques inévitables. Par ailleurs, la mise en place du confinement constitue un moyen de barrière pour stopper la propagation de l'épidémie. Actuellement, les hôpitaux et autres centres de soins sont dans certains pays submergés par les cas, les gouvernements ont mis à l'arrêt des pans entiers de l'économie mondiale. L'hôpital public en Algérie a été surpris par le déluge des malades atteints du coronavirus, selon notre observation du terrain et les cris d'alarme inédits du personnel de soins lors des sit-in au sein des hôpitaux. Dans ce contexte, l'Etat, en qualité de garant de la santé publique, a pris un certain nombre de mesures non seulement pour limiter les dégâts mais pour mieux renforcer les moyens de protection à travers l'importation de quantités de consommables non négligeable. L'Etat a instruit les gestionnaires de réorganiser l'offre de soins par le biais des aménagements de structures hospitalières dédiées aux malades du Covid-19 dans certaines wilayas, extension des services hospitaliers dans d'autres wilayas. Aujourd'hui, tous les efforts de l'Etat sont clairement focalisés sur la lutte contre cette épidémie, qui, à mon sens, engendre des coûts directs et indirects sur le fonctionnement de l'économie nationale. Actuellement, elle fonctionne en ralenti, ceci découlera certainement des conséquences négatives sur l'évolution du produit intérieur brut du pays. Depuis l'apparition du Covid-19, un élan de soutien s'est manifesté dans l'ensemble du territoire national à travers les images télévisées. Ceci témoigne clairement de l'esprit de solidarité dont fait preuve le peuple. Des actions de volontariat sont lancées par le mouvement associatif pour nettoyer et décontaminer les espaces hospitaliers. En milieu hospitalier, le rôle du gestionnaire est de veiller sur la logistique et les conditions de travail pour faciliter le travail des soignants et d'apporter la souplesse psychologique afin de rehausser le moral des soldats blancs. A l'heure où l'issue de la pandémie mondiale du Covid-19 semble incertaine. Pour remonter le temps et observer ce que nous enseignent les exemples du passé entre 1918 et 1919, l'épidémie de la grippe espagnole, l'une des pires qu'ait connues l'humanité, a fait jusqu'à 50 millions de morts. On peut s'interroger aujourd'hui sur la façon dont le monde a fini par se débarrasser de ce virus, quoique différent de celui qui nous concerne aujourd'hui et sur la façon dont il s'est relevé de la pandémie, malgré son grand affaiblissement, quelques mois après la Première Guerre mondiale. Le nouveau coronavirus est dix fois plus mortel que le virus responsable de la grippe A (H1N1) apparue fin mars 2009, ont indiqué les autorités sanitaires mondiales. La pandémie du Covid-19 a fait plus de 700.000 morts dans le monde depuis son apparition en décembre 2019 en Chine, selon l'OMS. Force de constater, cette rapidité de contamination qui suscite des interrogations et des angoisses chez la population, l'Algérie a pris la mesure du confinement comme un moyen de protection pour limiter la propagation du virus. Elle a interdit les rassemblements lors des mariages, décès et les visites familiales. Ceci s'est traduit aussi par la fermeture des restaurants, cafés et des lieux de loisirs. Au moment où le confinement de la population s'installe dans le pays, nous constatons des campagnes de solidarité de diverses formes voir le jour et se manifester à travers plusieurs endroits du pays pour assister la population isolée et vulnérable qui subit les conséquences parfois douloureuses de la crise sanitaire.

Pour revenir à l'objet de ma réflexion, je constate que l'hôpital public traverse actuellement un cycle de crises dont les fondements sont multiples. Avant d'aborder les motifs du malaise du personnel de la santé et le mécontentement des usagers. Dans ce contexte, L'hôpital public n'a pas pris conscience de l'ampleur de ce déferlement dans ses services compte tenu de la croissance du nombre de malades. Je crois que l'épidémie du coronavirus a permis de discerner nos capacités de prise en charge ainsi que les conditions de travail du personnel soignant, notamment les contraintes psychologiques et logistiques. Ce constat témoigne, en premier lieu, du manque de confiance des citoyens éventuellement dans la notion du service public, ceci clairement manifesté sur les réseaux sociaux à travers les agressions contre le personnel de la santé. Par ailleurs, les cris de détresse du personnel justifient la profondeur du malaise qui règne dans nos hôpitaux publics. L'hôpital public est devenu un lieu de combat non seulement pour montrer ces muscles mais aussi pour décider sur la nature de la prescription à obtenir faute de quoi, le malade et l'accompagnateur ne sont jamais satisfaits. En revanche, en milieu libéral, il paie une somme colossale sans la moindre réaction et peut même attendre de longues heures et venir de bonne heure pour prendre le ticket de consultation. La psychologie du malade et son comportement ont complément changé depuis un certain temps. Le principe de la gratuité des soins pourrait être une source dépréciative de l'image du service public. Cette évocation est largement partagée par nos citoyens. Il est temps d'ouvrir un débat sur les perspectives du principe de la gratuité.

La société a profondément changé, l'hôpital public doit s'adapter pour surmonter ses épreuves compte tenu que le coronavirus va certainement modifier nos comportements et nos relations sociales dans l'avenir. Devant ces faits, il est essentiel d'accompagner moralement la corporation soignante et mettre l'esprit de solidarité au cœur des préoccupations du personnel de la santé en vue de combattre efficacement ce virus. Rien ne justifie le laxisme devant la croissance des incivilités dans les établissements de soins. L'Etat a pris récemment des sanctions pénales à l'encontre des agresseurs du corps de la santé. «La protection pénale de l'ensemble du personnel des établissements de santé publics contre les agressions verbales et physiques et la répression des actes de destruction des biens meubles et immeubles des établissements de santé ». Ce que stipule l'objet de l'ordonnance signé par le chef de l'Etat. Ceci va certainement atténuer le phénomène de l'agressivité. Dans ce sens, l'implication du mouvement associatif des malades y compris les élus locaux pour apporter de la compréhension et de la pédagogie dans les rapports des soignants avec les citoyens. L'hôpital public, à mon sens, a besoin d'une culture qui fera référence, car son image est largement dénigrée dans les milieux urbains. C'est la raison pour laquelle il faut vaincre ses préjugés. Actuellement, l'augmentation des cas de coronavirus fait l'objet d'une grande attention, voire reflète une évolution inquiétante, selon les autorités sanitaires du pays. L'inconscience et l'irresponsabilité des citoyens non seulement ont largement contribué dans le développement du coronavirus mais aussi les mesures prises par les autorités sanitaires locales ne sont pas à la hauteur de la pandémie. Les contaminations étant en hausse, pourquoi ne pas généraliser les tests systématiques pour mieux cibler les personnes asymptomatiques source de contamination. Le virus est toujours présent, ceci se traduit par le nombre de contaminations quotidiennes qui ne cesse d'augmenter. Les mesures de barrières sont les seuls outils disponibles pour limiter la propagation du virus, en attendant la découverte d'un vaccin. Le combat est rude. Il est fondamental de rassembler tous les efforts pour réduire les dégâts mortels. L'appel récemment des différents syndicats de la santé pour être associés et écoutés par les autorités sanitaires afin de concevoir collectivement une stratégie concertée de terrain pour faire face au coronavirus. Ceci témoigne clairement que les acteurs l'hôpital public vont mal et ils ont besoin de la reconnaissance et de la considération compte tenu du lourd tribut qu'ils payent. La problématique de la gouvernance de nos structures de soins fait l'objet des interrogations à propos des conditions de nomination des gestionnaires compte tenu de l'absence des fiches d'évaluations de carrière dans le cadre des promotions. Le clientélisme et les affinités sont probablement devenus à juste titre les seules conditions d'accès. Où sont les critères de l'équité, le mérite et la probité. Aujourd'hui, la promotion est aléatoire et ça se voit dans la qualité de la prestation, car la politique de gouvernance est à l'image de son dirigeant. Je constate clairement qu'il existe un sentiment d'injustice dans la promotion des cadres gestionnaires. Cette gestion des ressources humaines suscite des interrogations ?

A la lumière de cette contribution issue de mon observation professionnelle en milieu hospitalier de plus de vingt ans, je crois que si l'Etat n'interviendra pas dans la mise en place d'une approche économique qui repose particulièrement sur le caractère de la contractualisation en vue de repenser la mission du service public avec son environnement économique, social et l'émergence des nouvelles maladies du 21e siècle, l'hôpital public va continuer à souffrir de l'héritage du passé. Dans ce contexte, il est indispensable de mettre en place une nouvelle stratégie de gouvernance dans le cadre d'un nouvel élan propre à notre culture. Le combat contre la gestion médiocre exige la nécessité d'associer toute la famille hospitalière pour mettre fin aux contraintes de gestion et mettre au cœur de la politique hospitalière la science et la conscience qui constituent le fondement d'une médecine de qualité. Cet état d'esprit va certainement rehausser profondément l'image de l'hôpital public auprès des hôtes. Le coronavirus a dévêtu la réalité, tel est l'objet de ma réflexion.

* Ex-Directeur de l'EPH de Tiaret - Administrateur en chef des services de santé - CHU de Sidi Bel-Abbès