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L’oracle d’Omaha

par Akram Belkaïd, Paris

Son surnom attitré résume tout. Pour la presse économique et financière, Warren Buffet, troisième fortune mondiale selon le magazine Forbes (82,5 milliards de dollars), est «l’oracle d’Omaha». C’est dans cette ville que vit cet investisseur et homme d’affaires qui ne rechigne pas à déjeuner d’un hamburger et d’un soda dans un fastfood. C’est là, au cœur de l’Amérique profonde qu’il a débuté en créant un petit fonds d’investissement Berkshire Hathaway lequel détient aujourd’hui 137 milliards de dollars de réserves en cash. Un immense trésor qui fait saliver tous ceux qui ont quelques entreprises à céder ou à recapitaliser.

Investissement dans le gaz

Pourquoi l’appelle-t-on ainsi ? Parce que l’homme s’est rarement trompé en matière d’investissements. Son histoire est de celle que les magazines aiment raconter. Une mise de départ modeste et puis, au fil du temps, les milliards qui s’accumulent. Depuis trois décennies, chacune de ses prises de participations est détaillée à la loupe par le marché et ses propos font office… d’oracle. Cette semaine, le fonds Berkshire Hathaway vient ainsi de débourser 9,7 milliards de dollars - dont 5,7 milliards de dollars de reprise de dette – pour acheter la branche gazière Dominion Energy. Transport, compression et stockage, l’acquisition fait beaucoup parler (elle reste sujette à l’accord des autorités américaines) car elle témoigne de la volonté de l’investisseur de privilégier cette énergie «propre».

Dans un milieu marqué par la spéculation, les modes changeantes, la multiplication de bulles et donc de crise, Warren Buffet fait figure de sage. Il s’est ainsi largement tenu à l’écart du boom des valeurs internet, n’investissant que dans les poids lourds du secteur de la technologie et refusant de céder à la folie du nimportoi.com. De même, il n’a pas été pris dans les rets des produits dérivés ce qui a limité ses pertes après la crise de 2008. Pour lui, rien ne remplacera la «vieille économie» et les investissements qui privilégient «le temps long» en matière de rentabilité. Il y a plus de dix ans, cette chronique se penchait déjà sur l’un de ses investissements majeurs dans le transport ferroviaire de marchandises (26 milliards de dollars pour acquérir 100% du géant de fret Burlington Northern Santa Fe *).

Pour plus d’impôts

Warren Buffet fait aussi parler de lui pour certaines de ses prises de positions qui dépareillent dans un milieu plutôt prompt à célébrer le laisser-faire et le néolibéralisme. Il fait ainsi partie de ces milliardaires qui jugent qu’ils ne paient pas assez d’impôts et que la baisse de la fiscalité pour les plus riches est dangereuse parce qu’elle aggrave les inégalités. De même, il n’est pas contre des lois limitant les héritages. Bien entendu, l’homme croit aux vertus du marché et il serait exagéré d’en faire un gauchiste mais c’est son bon sens qui fait sa popularité. En 2013, il s’est ainsi élevé contre la politique de rachat de la dette étasunienne par la Réserve fédérale en qualifiant cette dernière de «plus gros fonds spéculatif de l’histoire».

Dans sa lettre aux investisseurs de son fonds publiée en juin dernier, Buffet a aussi livré son avis sur certains points, l’un d’eux, délicieux, concernant les membres de conseil d’administration des entreprises cotées en Bourse. Il faut savoir que ce genre de place peut rapporter jusqu’à un demi-million de dollars par an. Et le constat du milliardaire est sans appel : quand un PDG cherche un nouvel administrateur, il cherchera un homme peu fortuné qui, trop content d’être bien payé grâce à ses jetons de présence au CA, se comportera comme un «caniche» incapable de s’opposer aux décisions du patron.

*«Warren Buffet aime le train», Le Quotidien d’Oran, mercredi 11 novembre 2009.
La chronique de l’économie s’interrompt durant la période estivale et reprendra le mercredi 9 septembre.