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Le pas à ne pas franchir

par Abdelkrim Zerzouri

Un pas sévère a été franchi dans cette affaire scabreuse de la livraison par une filiale de Sonatrach d'un carburant défectueux au Liban. Deux navires de transport de fuel de SPC de la filiale londonienne de la Société nationale algérienne des hydrocarbures Sonatrach Pétrolier Corporation ont été, en effet, mis sous séquestre le 2 juillet dernier par le ministre libanais de l'Énergie, Raymond Ghajar. L'Etat algérien peut-il encore rester à l'écart de cette intrigue judiciaire qui commence à prendre des proportions assez graves ?

Au début de l'éclatement de cet esclandre contre Sonatrach, au mois d'avril dernier, et sa médiatisation au mois de mai, l'affaire pouvait s'assimiler à un litige purement commercial, qui peut se régler au niveau des tribunaux, mais aujourd'hui, avec cette montée au créneau des autorités libanaises, il y a comme une volonté inavouée d'attirer l'Algérie dans un traquenard qui engageait à l'origine des parties libano-libanaises. Tout au plus, cela pouvait impliquer des personnes mais « pas l'Etat algérien en tant qu'Etat », comme l'a laissé entendre le porte-parole de la présidence lors d'une conférence. Mais, le séquestre de deux navires par l'Etat libanais ne pourrait pas laisser indifférent l'Etat algérien. Des éclaircissements s'imposent, du moins à la lumière des résultats de l'enquête engagée par le ministère de la Justice, sur ordre du président de la République, au mois de mai dernier.

En second lieu, la société Sonatrach, dont la filiale est chargée de transporter et de vendre le pétrole dans la région, notamment au ministère libanais de l'Energie qu'elle fournit en gaz et fuel depuis 2005 pour faire fonctionner les centrales électriques, et qui doit certainement avoir des données assez importantes sur le sujet, ne peut plus garder le silence devant cette attaque frontale. Ira-telle jusqu'à engager des poursuites judiciaires contre le Liban ? Si une telle éventualité se confirme, la Sonatrach n'aurait fait que passer à l'exécution de la mise en garde lancée par les avocats libanais de sa filiale, qui ont nié au mois de mai dernier toute responsabilité dans une quelconque infraction dans son activité de livraison de fuel et dénoncé une « vile campagne de diffamation coordonnée visant à nuire à la réputation de la société », non sans prévenir que la société n'hésitera pas à « prendre toutes les mesures judiciaires qui s'imposent contre toute calomnie ou diffamation ».

Là, on voit bien que le stade de la calomnie ou diffamation est dépassé, atteignant un grave préjudice commercial avec l'immobilisation de deux de ses navires de livraison de fuel. Le Liban, secoué par une grave crise politique et économique, a certainement trouvé moyen de régler des comptes avec certains de ses sujets, puisque l'enquête ouverte par la procureure générale près la cour d'appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, et le premier juge d'instruction du Mont-Liban, Nicolas Mansour, avait débouché sur l'émission de mandats d'arrêt visant plusieurs personnes, mais de là à chercher noise à l'Algérie, en s'attaquant à la notoriété de la Sonatrach, il y a un pas à ne pas franchir.