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De l'eau pour tous...

par Hatem Youcef

«De l'eau pour tous, de l'eau partout » était le slogan choisi par l'Algérienne des Eaux (ADE) pour donner des couleurs à son projet ambitieux de mettre fin aux pénuries d'eau qui n'ont jamais cessé même au plus fort de la pluviométrie. De l'eau pour tous sonne bien comme slogan, mais dans les faits il s'avère être un vœu pieux surtout dans les villages et douars qui redoutent l'été non pas pour ses journées longues et chaudes et le farniente, mais pour le manque d'eau qui revient chaque saison, comme une odieuse épreuve. Les gens passent leur temps à guetter l'eau, de jour comme de nuit. On achète d'autres citernes, on se plaint, pétitionne, sollicite le responsable de l'ADE et les autorités, à même de solutionner le problème, sans jamais pouvoir avoir assez d'eau pour se débarrasser de la sueur qui colle à la peau, la semaine durant. Même quand l'eau finit par venir, elle ne rend visite qu'à quelques chanceux, tant le débit est faible parce que le préposé à l'ouverture des vannes n'en fait qu'à sa petite tête. Il en résulte, naturellement, de l'animosité entre voisins, quartiers et villages. La rareté de l'eau devient un leitmotiv dans les conversations, les fuites des grandes conduites refont surface et les problèmes de pompage liés aux coupures d'électricité aussi. On invoque aussi l'intervention des riverains des retenues et grandes conduites qui empêchent le pompage et l'acheminement d'eau parce que eux aussi ont soif et n'admettent pas que l'eau traverse leurs terres sans passer par leurs robinets. Et quand viennent les factures, les altérés découvrent non seulement une facture salée, prix de l'air qui sifflote à longueur d'été, aux lieu et place de l'eau. Les gens en sont réduits à laisser leurs robinets grands ouverts quand ils ne peuvent pas veiller longtemps. Les fontaines sont prises d'assaut, mais elles ne suffisent pas car elles sont tributaires de la pluviométrie et des neiges. « De l'eau partout », l'autre moitié dudit slogan n'est valable que partiellement et partialement. De l'eau, il y en a, effectivement, en abondance en automne et en hiver, dans les rues, qui ruisselle à cause des innombrables fuites qui se nichent vraiment partout, mais dès que l'été pointe du nez, le partout se mue presque en nulle part. Pour qu'il y ait de l'eau pour tous et partout, il ne faut plus favoriser la ville au détriment de la campagne ; la première disposant d'eau H24 alors que la deuxième ne retient du barrage que les moustiques et l'humidité.

Il est grand temps de mettre en place une police de l'eau qui veillerait à ce que les piquages pirates disparaissent et que les gorges soient remplies avant les piscines et les jardins. A défaut d'investir dans la refonte de tous les réseaux vétustes, il convient de doter les Agences de l'eau de moyens matériels et humains suffisants pour parer contre toute éventuelle fuite. La distribution équitable de l'eau est plus que nécessaire parce que l'eau, plus que toute autre matière première, est bien entendu source de vie, mais peut aussi être source de mal vie quand elle vient à manquer. Alors seulement, le slogan suscité revêtira le sens que lui confèrent ses initiateurs.