Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Agha des Gharraba Khelifa Ben Mahmoud, ou la Bataille de La Macta, 28 juin 1835: Les oubliés de l'Histoire

par Abdelkader Reguig*

C'est grâce au courage et au sacrifice de Tous les combattants et martyrs, que l'Algérie a recouvré son Indépendance. Le moudjahid Chenoufi Habib parle d'un Chahid de la Révolution, un oublié de l'histoire de la tribu des Gharraba mort au champ d'honneur, dans la Wilaya 5, zone 5, région 2 secteur 5. Le Chahid Brahim REGUIG dit Farid né le 28 juillet 1938 est toujours vivant inscrit à l'état civil. Une rue dans la commune à El-Braya porte le nom de son arrière ?grand- père Hadj Ali REGUIG, fils de Bouziane ould Ben Amara Chahid de la Bataille de La Macta, du 28 juin 1835. Un autre oublié de l'histoire, une cité a Arzew au nom de Khelifa Ben Mahmoud. Qui un jour a cherché à connaitre le pourquoi de ce nom à cette cité ? C'est le grand Chahid de la Bataille de La Macta, du 28 juin 1835. L'Agha des Gharraba Khelifa Ben Mahmoud qui a écrit une grande page de l'histoire de l'Algérie : la Bataille de La Macta, du 28 juin 1835. C'est grâce à lui que l'Emir Abd-El-Kader a infligé au Général Trézel, à la tête de plus de 5.000 hommes, une mémorable défaite, une des plus cuisantes de l'histoire. L'histoire retiendra que l'Emir Abd-El -Kader a engagé pas plus 3.000 hommes dont 1.100 des réguliers «Asker» (d'après le rapport du Général Tatareau). Des plumes au service de la colonisation et au service de lahma (le Borgne) Général Trézel, ont falsifié les données pour attribuer à l'Emir des effectifs plus de 18.000 hommes des «masses d'Arabes» pour le djihad. L'historiographie coloniale a minimisé les effectifs de la division d'Oran pas plus 2.500 hommes, or la convention du figuier El karma) du 16 juin 1835 avec Les Douair et les Zémala à elle seule avait ramené plus de cavaliers et fantassins que la tribu des Guerraba plus de 2.000 hommes. C'est fort de cette convention que le Général Trézel « fit venir d'Oran des renforts pour transformer sa force en colonne mobile apte à toutes les formes de combat» (colonel Nabil) pour entreprendre une marche vers Mascara, la capitale de l'Emir. L'Agha Khelifa Ben Mahmoud, âgé de 44 ans l'Oukil de l'Emir très fin, homme de grande culture arabe d'une grande intelligence a une réputation bien établie de bravoure, « c'est un des chefs les plus intrépides du pays» (Général Tatareau voyage dans l'Oranie. Correspondance 1838 par Georges Yver et Adolphe Jourdain). Lors de sa rencontre avec le général Trézel porteur de la lettre de l'Emir, il fit des réclamations au sujet des saccages des cultures du 19 juin 1835 de sa tribu. Le général Trézel dans sa désinvolture lui offre de lui en payer le prix. La réponse énigmatique d'après les auteurs français de L'Agha Khelifa Ben Mahmoud «C'est le droit des gens de guerre de prendre partout ce qui leur convient». L'Agha Khelifa Ben Mahmoud est à la tête de 1.620 hommes de la plaine du Sig (Evaluation du capitaine Daumas, Consul à Mascara).

- Gharraba : 200 fantassins et 700 cavaliers

- Ouled Sidi Mansour : 30 fantassins et 30 cavaliers

- Ouled Sidi Cherif : 30 fantassins et 60 cavaliers

- Ferraga : 40 fantassins et 60 cavaliers

- Méhadja : 20 fantassins et 60 cavaliers

- Khaznadjia : 30 fantassins et 50 cavaliers

- Tahallait : 30 fantassins et 40 cavaliers

- Kristelia : 10 fantassins et 20 cavaliers

- Hmiyane : 30 fantassins et 60 cavaliers (fraction issue de la puissante Confédération hmiyane intégrée par l'Emir aux Guerraba)

- Atba : 20 fantassins e 40 cavaliers

- Zémala : 20 fantassins et 40 cavaliers (fraction dissidente de la tribu pro-française)

L'Emir Abd el-Kader attaque les colonnes du général Camille Trézel, dans le défilé de Moulay-Ismaël : le lieu de l'embuscade ne pouvait être mieux choisi. Pendant vingt heures, les Français subissent assaut sur assaut de la cavalerie légère algérienne. La position est intenable. Le combat devient vite désespéré. Les deux bataillons de la Légion, rameutés en catastrophe, rejoignent les lignes françaises, à marche forcée. Voulant opérer une retraite le général Trézel examine tard dans la soirée les possibilités de repli qui s'offrent à lui : Oran ou Arzew par le sentier d'Oum El Ghelaz. L'Emir Abd-El-Kader a manœuvré pour bloquer les issues du retour de la colonne vers Oran ou Arzew: il a laissé une seule voie accessible, la voie des marais salants de La Macta. Poursuivis sans cesse et harcelés par l'Asker les cavaliers de l'Emir, les soldats français foncent dans le golfe par les gorges de l'Habra, à l'endroit où cette rivière, sortant des marais, prend le nom de la Macta. l'Agha des Gharraba khelifa Ben Mahmoud, cet homme pieux est là avec ses 1.600 hommes, cavaliers et fantassins, derrière les talus et une forêt d'arbres halophiles de tamarix, réunies pour un ultime discours : «En ce dimanche 1835, nous devons inscrire cette Bataille au même titre que la Bataille de Yarmouk face à l'armée byzantine, 1 homme face 5 hommes, levant sa main droite très haut en demandant à tous les combattants, qui font serment avec moi pour la mort..Un tonnerre retentit d'Allah Akbar, Allah Akbar, avec des mains levées très haut». Une préparation au combat commence. Des cavaliers se couchent avec leurs montures derrière les retranchements d'arbres de tamaris et des peuplements de graminées de phragmites communis se trouvant naturellement dans les lits d'oueds et dépressions d'eau. La Macta est pratiquement divisée en deux zones : une zone des marais ou l'anguille, des reptiles et serpents et une zone limoneuse argileuse de la glaise noire, des fantassins barbouillés de noir enfouis dans le décor pratiquement invisibles. Pour la première fois l'Agha va user d'une tactique militaire d'un genre nouveau et révolutionnaire que les grandes Ecoles militaires françaises n'ont jamais étudié, une véritable défiance à toutes stratégies militaires. Un style nouveau adapté au terrain marécageux.

 Le dimanche 28 juin 1835, l'infanterie du général Camille Trézel s'enlise dans les marais, alourdie par les charrettes du convoi de ravitaillement et les blessés. Un autre obstacle imprévu à surmonter, la boue et la pluie. L'Emir attaque et lance sa cavalerie contre la longue chenille qui s'embourbe dans les roseaux. C'est par cette manœuvre conçue avec l'Agha des Guerraba maître de sa région que le dispositif français se trouve en mauvaise posture. Les fantassins algériens embusqués sur les bords du ravin, prenaient l'offensive barbouillée de glaise se ruant de toutes parts. Quelques pièces de canon placés sur le premier mamelon de droite appuyaient cette attaque, tandis qu'à la gauche un feu bien nourri et plus meurtrier prenait en flanc les troupes françaises. L'infanterie française de ligne est entrainée afin de combattre en ligne, ils tirent en même temps ils sont généralement sur trois rangées. Ils sont assaillis par une nouvelle technique, ils sont désemparés et en mauvaise posture et réclament de l'aide. Les Algériens opposent la baïonnette aux baïonnettes, le courage et l'adresse au courage et à l'adresse, malgré sa supériorité, l'infanterie française perd du terrain et s'enfuit en désordre. Une nouvelle offensive des Algériens avec des clameurs retentit sur les hauteurs également occupées. Le lieutenant-colonel Conrad ordonne au commandant Horain de se porter à la rescousse mais la voix des officiers fut méconnue. Les fantassins français épuisés, fuient face au front algérien.

«Les cavaliers algériens, par tactique, très bruyants, très mobiles tâtent sur tous les points, et s'il y en a un mal gardé, ils ouvrent une brèche, s'y précipitent et sont suivis des masses de guerriers, avec la rapidité de la foudre», d'après le général Changarnier.

 L'Agha des Guarraba Khelifa Ben Mahmoud à la tête de sa cavalerie attaque la colonne du général Trézel, qui ne le voit pas venir. La colonne se scinde en deux groupes, ceux qui perdent le contact sont voués à la destruction. Les cavaliers algériens enfoncent le dispositif français en plusieurs endroits, ils brûlent les chariots de l'intendance, les charrettes de fourrage. La bataille fait rage les Algériens voient la victoire à leur portée. Une mêlée sanglante s'engagea, l'Agha des Guarraba khelifa Ben Mahmoud, sabre à la main, fonce dans la bataille, son vœu se concrétise, touché d'une balle en plein cœur, il tente de se relever péniblement puis s'effaisse, un cri de tonnerre retentit Allah Akbar...Allah Akbar?

 Les Algériens attaquent avec une férocité inouie. En tête de la colonne, le général Trézel se dégage péniblement et se réfugie derrière les deux bataillons de la Légion et là avec l'arrière-garde, charge sans arrêt, pour obliger les Algériens à reculer. Il y arrive alors que la nuit approche. Puis, l'arme prête, il s'accroche au terrain, le temps pour que le convoi se replie et rallie la tête de la colonne (d'après Léon Galibert, Jean Balazuc P). Le désordre s'installe dans les rangs. Ce fut une déroute complète et les nombreux fuyards jettent leurs armes les hommes conducteurs du train des équipages coupent les traits de leurs chevaux et abandonnent les caissons, se ruant vers Arzew et abandonnant voitures et munitions.

 Décrivant le « désastre» le Duc d'Orléans l'héritier du trône de France (d'après le colonel Nabil -Ahmed Kouider Ben Ahmed. La Bataille de La Macta) « la colonne est glacée d'horreur : le désordre s'accroît de plus en plus ; les corps se heurtent et se confondent ; le général Trézel ne peut ni se faire obéir ni se faire tuer : cette masse confuse ne pouvant même plus fuir, parce qu'elle est entourée de toutes parts, tourbillonne sur elle-même, éperdue et haletante. Une sorte de délire s'empare des soldats : on voit des hommes nus et sans armes se précipiter en éclatant de rire, au-devant des Arabes ; d'autres devenus aveugles tombaient dans la rivière qu'ils ne voyaient pas et nageaient dans quelques pouces d'eau, d'autres à genoux adressaient un hymne au soleil, dont l'ardeur excessive égarait leur raison, tous ont perdu le sentiment de leur position et de leur devoir, et jusqu'à l'instinct de leur conservation, cette faculté qui survit à toutes les autres» Au vu du désastre des troupes françaises, l'Emir en grand Seigneur ordonna l'arrêt des hostilités pour permettre aux soldats français de se replier. Ces derniers rejoignent Arzew. Ce fut l'apogée de la gloire de l'Emir Abd-El-Kader, alors âgé seulement de 27 ans ; il a fait preuve d'une grande intelligence en écoutant l'Agha des Guarraba qui connaissait parfaitement sa région et qui a su galvaniser ses troupes et user d'une tactique militaire unique.

 La défaite du général Trézel lors de la Bataille de La Macta a fait, d'après certaines sources, 1000 morts et quelque 1500 blessés et destruction de matériel. Elle fut la plus mémorable bataille pour les troupes françaises. Pour la première fois on redoutera l'Emir Abd-El-Kader, Prince des fidèles (Emir El-Moumenin) qui ressent une grande satisfaction, sa victoire aura un retentissement en Algérie, en France et dans le Monde. Après la prière des Morts, l'Emir debout la gorge serrée avec une respiration pénible plus gênée que de coutume une voix luette est plus douce demande à tous les combattants de se souvenir de cette grande Bataille de La Macta ou des amis très chers sont tombés au champ d'honneur. Ce sont des martyrs à la gloire de notre Algérie. Il citera nommément l'Agha Khelifa Ben Mahmoud des Guarraba, l'Agha Kaddour Ben Bhar de l'infanterie régulière, Mohamed Cherif Bendjillali, El-Ouarighi, le cadi Si Ben Fréha, Aissa Ben khelif et Mecherfi Mohamed, Bouziane ould Ben Amara et tous ceux qui ont combattu aux côtés de l'Emir et qui ont payé de leur vie et de leurs biens.

*Ingénieur Agronome Expert International - Président de l'Ordre des ingénieurs Experts Arabes - ORAREXE, Suisse - Ancien Secrétaire général de l'U.N.S.T.A - Ancien Membre du Conseil de la Nation