Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les 7 piliers de la «nouvelle Algérie»

par Rabah Toubal*

Au concept de «IIème République», emprunté par certains partis politiques algériens de l'opposition officielle à la terminologie politique française, le candidat indépendant, Abdelmadjid Tebboune, et ses supporters, toutes tendances confondues, ont préféré celui de «Nouvelle République» ou «Nouvelle Algérie», plus global et moins idéologiquement marqué, en ce sens qu'il implique, dans toute sa diversité, la vie politique, militaire, diplomatique, économique, sociale et culturelle de notre pays.

A l'instar de l'Armée Nationale Populaire, dont il serait l'inavoué, qui a indéfectiblement accompagné le mouvement d'émancipation populaire du 22 Février 2019, afin de mettre fin à 20 années de despotisme obscur et rétrograde pratiqué, tous azimuts, par le clan des prédateurs, cupides et obstinés des Bouteflika et leurs alliés, obligés, protégés et serviteurs zélés, de l'intérieur et de l'extérieur du pays, le Président Abdelmadjid Tebboune a, à maintes reprises, réitéré publiquement, avec force, sa profonde conviction que «le Hirak el moubarak (béni) a libéré le peuple algérien et l'Algérie, Nation, Etat et société, du joug de ce clan destructeur et évité l'effondrement certain de l'Etat algérien», dont il avait miné, corrompu et pris en otage les différentes institutions.

Ainsi, à «l'Assemblée constituante» et «la période de transition» revendiquées par certains partis et personnalités politiques et de la société civile, et ceux et celles qui s'étaient autoproclamés «ténors»1, leaders ou porte-paroles du Hirak, il a opté pour le changement progressif et inclusif, dans la continuité, dans une Algérie qui appartient à l'ensemble de ses enfants, sans distinction d'ordre social, régional ou idéologique, grâce à un remodelage profond et équilibré de la pratique politique, foncièrement dévoyée par les aventuriers de ce clan, dont les principales et tristes figures marquantes croupissent aujourd'hui dans les différentes prisons du pays.

Les 54 promesses ou engagements fermes du candidat Abdelmadjid Tebboune, énoncées lors de la campagne électorale animée à l'occasion de l'élection présidentielle du 12 décembre 2019, après l'échec de l'organisation des scrutins présidentiels prévus pour le 18 avril et le 04 juillet 2019, ont été élaborées autour de 7 axes majeurs ou piliers, à l'issue d'un diagnostic profond de l'état des lieux général du pays, après 20 ans de gouvernance chaotique, sur les plans politique, économique et social notamment et l'ébauche de solutions radicales et courageuses, sectorielles, dont la faisabilité n'obérerait pas lourdement le budget de l'Etat algérien, dont les ressources naturelles non renouvelables ont été bradées et pillées, les capacités de production détruites, les ressources financières dilapidées et les ressources humaines marginalisées et forcées à l'exil massif.

Toutes ces mesures conservatrices et de consolidation d'urgence, hautement bénéfiques, devraient être mises en œuvre durant le premier mandat du Président Tebboune. Le premier pilier porteur de la «Nouvelle Algérie» est, assurément, la profonde révision constitutionnelle, promise par le candidat Tebboune, et dont l'avant-projet a été récemment soumis au peuple algérien, aux différentes institutions de la République et personnalités représentatives.

Elle vise essentiellement à renforcer la position centrale du nouveau président algérien, dans le cadre de la consolidation de la cohésion, de la stabilité, de la sécurité et de l'unité nationales, en ces temps de doutes, de menaces et de bouleversements qui fragilisent considérablement les Etats-nations, par des forces occultes centrifuges internes et externes.

Cette réforme constitutionnelle est articulée autour de 6 axes :

- Le renforcement et la protection des droits fondamentaux et des libertés publiques ;

- Le renforcement de la séparation et de l'équilibre des pouvoirs publics ;

- Le renforcement de l'indépendance de la Justice ;

- Le renforcement des prérogatives du Conseil constitutionnel par sa transformation en une Cour constitutionnelle ;

- Le renforcement de prévention et de la lutte contre le fléau de la corruption ;

- Le renforcement de la protection du déroulement des élections.

Le leitmotiv de cette révision constitutionnelle majeure est le renforcement et la dynamisation de l'Etat de droit, du processus démocratique et l'assainissement de la vie publique politique, économique et sociale tétanisée par le règne despotique du président déchu.

Ces 6 axes pourraient être renforcés, selon le besoin, par des mesures hors cadre visant à une meilleure cohésion et coordination entre les différentes institutions de la République, fragilisée par les abus, méfaits et forfaits du clan qui a dirigé notre pays ces deux dernières décennies.

En effet, outre la constitutionnalisation du Hirak (depuis le 19 février 2020, la journée du 22 février est officiellement célébrée comme la «journée nationale de la fraternité et de la cohésion entre le peuple et son armée pour la démocratie»), la prohibition du discours haineux et de discrimination, le renforcement du rôle des collectivités locales, APC notamment, du rôle de l'Etat dans la protection de l'environnement, de l'eau et de la qualité de la vie et d'autres aspects relatifs à l'identité nationale et à la culture, les missions et les prérogatives de défense, de sécurité et à la diplomatie algérienne seront revues à la hausse pour être au diapason de l'importance géostratégique et économique de notre pays.

Les renforcements, ajouts complémentaires et éventuelles limitations raisonnables prévus dans la réforme constitutionnelle en cours donnent au Président Tebboune, à son Vice-Président, au Chef du gouvernement, c'est-à-dire à l'Exécutif, en général, les moyens constitutionnels et juridiques de mener à bien une mission, pour le moins délicate, qui n'est pas à l'abri de perturbations et de turbulences politiques et sociales lourdes, malgré toutes les bonnes intentions affichées par les uns et les autres.

Pilier 2 : L'Education et la Justice : la tête et les pieds de la démocratie. Sans un fonctionnement sain de ces institutions l'Algérie évoluera à l'aveuglette et ne cessera de tituber.

Pilier 3 : La bonne gouvernance politique et économique et la lutte implacable contre la corruption, une œuvre de longue haleine.

Pilier 4 : Raffermissement et évaluation constante de la démocratie participative avec une société civile indépendante et responsable, qui constitue un contre-pouvoir nécessaire, surtout si elle suscite un plus grand intérêt et une implication durable chez les jeunes générations, qui ont montré l'étendue de leur génie collectif au sein du Hirak qui a ébahi le monde.

Pilier 5 : Consolidation des composantes de l'identité nationale, dans toutes ses dimensions.

Pilier 6 : Substitution progressive de l'économie rentière par une économie hors hydrocarbures compétitive, relance de l'industrie, du secteur agroalimentaire et impulsion du secteur touristique, générateur de plus-values et de devises étrangères et attractifs pour les investissements directs étrangers. Le pays, dont les ressources financières ont été massivement dilapidées dans des opérations commerciales stériles, sera ainsi moins soumis aux pressions des organisations internationales ou régionales, comme le FMI, la Banque mondiale, l'OMC ou l'Accord avec l'Union européenne, qui ont occasionné à l'économie algérienne d'énormes pertes et d'importants manques à gagner, cause de le démantèlement des barrières douanières et la suppression des droits et taxes y afférents.

Par ailleurs, l'Etat algérien doit être socialement solidaire avec ses ressortissants dont les salaires sont bas et avec la classe moyenne laminée par les crises successives et déployer tous les moyens juridiques et diplomatiques pour récupérer l'argent et les biens détournés et illicitement transférés à l'étranger par d'anciens responsables, leurs prête-noms ou des membres de leurs familles.

Pilier 7 : Une diplomatie rénovée et ambitieuse, qui reflète les aspirations généreuses et solidaires du peuple algérien et représentative de sa longue histoire, nourrie de valeurs, idéaux et principes justifiant son soutien indéfectible spontané aux causes justes à travers le monde.

Révision des missions classiques de représentation et de protection de ses ressortissants à l'étranger et coopération industrielle et technologiques, mutuellement bénéfique, grâce à des accords bilatéraux et à l'implication intensive des compétences de la communauté algérienne à l'étranger, dans le renouveau national.

La meilleure défense étant l'attaque, l'ANP devra adapter ses capacités et objectifs stratégiques à l'environnement immédiat difficile, voire hostile à notre pays.

D'où la nécessaire participation de l'armée algérienne à des opérations de maintien de la paix et de la sécurité, sous les auspices de l'ONU et de l'Union africaine notamment et sa participation à des opérations de maintien de la paix dans la région ou dans le cadre d'accords bilatéraux.

Conclusion

Sans aucun doute, la pandémie de la Covid-19 a permis à notre pays bien-aimé, dont le peuple souverain est l'âme éternelle, le Hirak, la conscience vivante, l'Etat, le cœur battant, et l'ANP, le bras armé protecteur, de sortir indemne de l'impasse mortelle où les extrémistes l'avaient fourvoyé, à cause de leurs ambitions démesurées et de leur aveuglement morbide, qui excluent toute tentative de réconciliation bienfaitrice.

Pour qui roulent les aventuriers qui s'acharnent quotidiennement sur l'ANP et le Président Tebboune notamment ?

Pourtant, depuis la prise de ses fonctions, le 19 décembre 2019, il multiplie les gestes nobles et approches fondatrices en direction des forces politiques et des personnalités nationales soucieuses de voir la stabilité, la paix, la sécurité et la prospérité se renforcer dans notre pays.

*Diplomate à la retraite

1- «Qui sont ces ténors autoproclamés du Hirak algérien», Ahmed Bensaâda, Editions APIC, Juin 2020