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Alibaba grossit, grossit...

par Akram Belkaïd, Paris

C’est l’un des symboles de la diversification économique de la Chine, passée en moins de deux décennies du statut «d’usine du monde» à celui de poids lourd planétaire capable de damner le pion aux multinationales occidentales notamment américaines, dans les services liés aux nouvelles technologies. Annoncés en début de semaine, les résultats du groupe Alibaba pour l’exercice annuel (du 1er avril au 31 mars) laissent songeurs. Le géant du commerce en ligne enregistre un chiffre d’affaires de 71,9 milliards de dollars, soit une progression de 35%. De quoi talonner la référence mondiale du secteur, l’américain Amazon, qui affiche 87 milliards de dollars de ventes ( 21%, chiffres de l’année 2019).

Un volume d’activité qui explose

Mais si l’on veut prendre la mesure de l’essor d’Alibaba, il faut aussi réfléchir en termes de volume d’activité. Pour bien le comprendre, il faut savoir que cette entreprise met en relation des acheteurs et des vendeurs et qu’elle empoche une commission sur chaque transaction. Le total des commissions représente le chiffre d’affaires indiqué plus haut. Le total des transactions qui s’effectuent grâce à la plateforme de e-commerce -et dont elle ne perçoit donc qu’une partie- est le volume d’activité (ou d’affaires). Pour l’exercice qui vient de se terminer, on est dans l’indescriptible avec 1.000 milliards de dollars de volume d’activité. Un record.

Ce chiffre laisse d’autant plus songeur que l’on sait que l’activité en Chine s’est fortement contractée pour les trois premiers mois de l’année en raison de la pandémie de Covid-19. Tant que les entrepôts de la plateforme étaient fermés, les expéditions chutaient mais la fin du confinement a permis aux flux de reprendre. Un site standard peut ainsi traiter jusqu’à 600.000 colis par jour. Certains ont une capacité deux à trois fois supérieure. Et la hausse du volume d’activité va avec l’amélioration constante de la profitabilité puisque le groupe a dégagé un bénéfice net de 18,7 milliards de dollars. C’est bien mieux que son grand rival Amazon qui ne réalise «que» 11,6 milliards de dollars de résultat.

Pour de nombreux analystes, Alibaba est loin d’avoir terminé son expansion. Comme indiqué lors d’une précédente chronique, le groupe a besoin de croître à l’international qui ne représente que 10% de ses activités (*). Aujourd’hui, près de 90% des vendeurs qui accèdent à ses plateformes sont Chinois (la part est de 30% pour les acheteurs). Qu’en sera-t-il quand cette part diminuera à 30% de vendeurs internationaux, notamment européens. Le groupe dispose déjà d’une plateforme physique (hub) à Liège en Belgique. Il prospecte l’Europe entière et envisage des installations d’entrepôts en France, en Italie, en Espagne et même en Turquie, pays qui lui ouvrirait à la fois le chemin de l’Europe centrale et du Proche-Orient.

Le Congrès US réagit

L’autre piste de développement de cette multinationale, qui dispose de 50 milliards de dollars de cash à investir, concerne les services informatiques via internet (cloud computing). Associés avec le développement de la téléphonie mobile de cinquième génération, ces services sont l’une des cibles prioritaires du groupe. La décennie 2020-2030 sera-t-elle celle d’Alibaba comme les précédentes furent celles d’Amazon ? C’est possible. Sentant la menace venir, des parlementaires américains viennent d’élaborer un texte pour exclure les entreprises étrangères cotées à Wall Street qui n’arriveraient pas à prouver qu’elles dépendent d’un gouvernement étranger. Alibaba, comme d’autres multinationales chinoises sont clairement visées par une disposition qui pourrait les priver de lever des fonds sur les marchés américains. La question étant : en ont-elles vraiment besoin ?

(*) «Jack Ma, milliardaire et (déjà) retraité», 11 septembre 2019.