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L’aérien en péril

par Akram Belkaïd, Paris

C’est une évidence. La pandémie de Covid-19 et les mesures de confinement qu’elle a imposées à plus de la moitié de la population mondiale ont déjà provoqué un effondrement économique de grande ampleur. Sur le plan social, le chômage bondit, qu’il soit total ou technique. Le tourisme, la restauration, l’hôtellerie d’affaires, tous ces secteurs sont en grande souffrance faute de clients mais aussi faute de perspectives à court et moyen termes. Très concerné, l’aérien est un autre domaine pour lequel les difficultés ne disparaîtront pas après la levée du confinement, voire même après la fin de la pandémie.
 
Chute du nombre de passagers

Ce secteur est effectivement l’un des symboles majeurs d’une mondialisation désormais en panne. En croissance constante, il a très bien digéré les conséquences restrictives des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ainsi que la crise financière de 2008. Mais cette fois, la donne est différente. Près des deux tiers des avions de la planète sont aujourd’hui cloués au sol. Faute de passagers, les vols sont annulés et même les grandes compagnies en appellent aux aides des gouvernements comme c’est le cas d’Air France qui va bénéficier de 7 milliards d’euros (aide qui, au passage, a été consentie sans exigences majeures notamment dans le domaine environnemental). Selon l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), près de 1,2 milliard de passagers devraient manquer à l’appel au cours des prochains mois en prenant pour hypothèse une fin de l’épidémie, ce qui reste à démontrer. En Europe, le trafic passager va ainsi diminuer de moitié pour l’année 2020. Car, contrairement à d’autres secteurs, la levée du confinement ne signifie pas l’éclaircie. Qui va prendre l’avion en ces temps de phobie de la promiscuité humaine ? En temps normal, rares sont ceux qui ont conscience du fait qu’un avion, aussi propre soit-il, est aussi un bouillon de culture où les germes circulent notamment à cause de la climatisation sans compter les tablettes que les passagers pensent rarement à nettoyer avec du gel hydroalcoolique. Mais, aujourd’hui, chacun a compris que prendre l’avion exposera nécessairement au virus même si les compagnies jurent qu’elles prendront toutes les mesures de désinfection nécessaires. On veut bien les croire, mais qui peut croire qu’elles seront capables de nettoyer un avion de fond en comble entre deux vols ?
 
Guerre des prix annoncée

La conséquence de tout cela, c’est que les compagnies devraient se livrer à une vraie guerre des prix au cours des prochaines années. Selon le cabinet spécialisé Archery, le retour à la normale n’interviendra pas avant 2023. Un avis partagé par David Calhoun, le pdg de Boeing, qui concède que plus rien ne sera comme avant pour l’aérien. Avec, peut-être déjà, la disparition programmée des gros porteurs. Ces avions à grande capacité, eux aussi symboles de la mondialisation, risquent de faire les frais des déboires des compagnies aériennes. Qui sait, le temps des gros charters à destination de l’autre bout du monde est peut-être révolu. Dans une lettre à ses salariés, Guillaume Faury, le pdg d’Airbus ne dit pas autre chose en évoquant étudier «toutes les options» car dans cette affaire, le changement de capacités qui risque de s’imposer aux avionneurs ne changera rien à la désaffection durable pour le transport aérien.