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Gaspillage et pénurie

par Akram Belkaïd, Paris

C’est une initiative suffisamment rare pour qu’elle retienne l’attention. En début de semaine, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont publié un communiqué commun mettant en garde contre un risque de crise alimentaire mondiale en raison de la pandémie de Covid-19. Pour ces trois institutions, la « vague de restrictions à l’exportation » risquent de provoquer « une pénurie sur le marché mondial ». Pour certains pays, le spectre de la famine est désormais une réalité.

Surproduction

Il est vrai que l’inquiétude monte depuis plusieurs semaines. Dans certains cas, ce sont les récoltes qui sont menacées en raison de l’absence de bras. En France, par exemple, les autorités préfectorales envisagent de faire appel à des réfugiés pour suppléer le manque de main-d’œuvre dû au confinement. Dans d’autres pays, comme en Espagne, la fermeture drastique des frontières empêche de faire appel à la main-d’œuvre marocaine ou subsaharienne.

Autre inquiétude de ces trois organisations, le gaspillage des denrées alimentaires. Dans de nombreux ports, des milliers de containers sont en souffrance et leurs cargaisons risquent de se détériorer. Idem pour la production mondiale de lait, de légumes ou de poisson. Faute de marchés et en raison de la fermeture des restaurants et des lieux de restauration collective, toute une partie de la production pourrait être jetée. Ainsi, d’un côté, on fait face au risque de pénurie, de l’autre à celui de gaspillage.

Mais au-delà des risques qu’elle génère, cette crise sanitaire est aussi un révélateur. En fait, on se rend bien compte dans les pays développés que partout la surproduction règne. Dans un contexte où les foyers limitent leurs dépenses à l’essentiel et où l’approvisionnement devient épisodique (on n’achète que parce qu’on y est forcé), il devient évident que la planète produit trop. Ce gaspillage existait avant la crise pandémique et rien n’a jamais été fait pour le juguler. De façon générale, c’est le système capitaliste productiviste qui est mis en cause. Produire sans cesse parce qu’il est impossible de faire autrement, n’est pas tenable. Le Covid-19 vient de nous le prouver indirectement.

Et l’on ne prend pas suffisamment la mesure des dommages collatéraux de cette surproduction. En effet, tout cela requiert des milliers de tonnes d’emballages en plastique dont seule une partie infime est recyclée. Début janvier, plusieurs ONG ont tiré la sonnette d’alarme : l’économie circulaire, qui vise à limiter les quantités de déchets, est en recul. La baisse des cours du pétrole n’arrangera pas les choses puisqu’un brut bon marché signifie une baisse des prix du plastique.

Sécurité alimentaire

Pour l’Algérie, pays dépendant des importations notamment en matière de céréales, cette crise va poser la question de la sécurité alimentaire du pays. Existe-t-il des stocks stratégiques ? Qui les gère ? Les filières d’approvisionnement à l’étranger sont-elles sécurisées ? Pourraient-elles l’être plus ? On le voit, c’est une réflexion fondamentale qui est nécessaire. C’est d’une plus grande urgence que de continuer à persécuter les opposants au pouvoir.