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INSTINCT ET SOLIDARITE

par Abdou BENABBOU

Très souvent l'instinct de survie ne fait pas bon ménage avec la solidarité. Le constat est valable aussi bien pour les individus que pour les Etats. Arracher le drapeau européen à Rome et le remplacer par le chinois ne répond pas seulement à un élan de colère et surprendre les vociférations du Premier ministre portugais contre le ministre des Finances luxembourgeois qui a formulé une grande réserve quant à une aide, donne une idée précise sur la virtualité d'une union continentale n'ayant d'union que la très vague intention saupoudrée. De même que les fortes récriminations des officiels comme de la population italienne étalées sans prise de gants et sans langage diplomatique ne présagent pas une consolidation de l'esprit européen et l'on doit admettre d'ores et déjà, avec la montée des nationalismes, un autre confinement des Etats. Il n'aura rien à voir avec celui imposé aujourd'hui par le corona.

Autrement mieux que la crise économique mondiale, la pandémie du coronavirus est en train de démailler les bonnes intentions et certains indices nouveaux sont en passe de démontrer que l'Union européenne se dirige vers l'éclatement. Malgré quelques initiatives de deux ou trois pays, pour un rassemblement solidaire et effectif, et les efforts marqués par quelques-uns de ses Etats, il est clair que chacun d'entre eux a d'abord le souci de sauver sa peau et son périmètre. On a vu comment ont été gérés les déboires grecs et on comprend un peu mieux les réticences que les Britanniques ont en permanence manifestées pour une entière intégration dans une union qui s'avère de plus en plus symbolique. La dernière mésentente autour de la réclamation d'un bloc financier européen pour sauver le peu qui reste pourrait être le glas qui sonne pour une UE régulièrement en désaccord face à des sujets d'importance qui recommandaient pourtant une harmonie nécessaire pour l'Union.

L'enchevêtrement des problèmes multiformes, tous imparables, que plaque la pandémie forge un sauve-qui-peut inédit chez les Etats. L'esprit de Schengen, on le voit bien, n'est pas né sur une base solidaire mais sur la base d'un individualisme d'Etat. Comme à l'issue des deux dernières guerres mondiales, un fameux coronavirus s'est abattu sans prévenir pour un retraçage des frontières et pour la prédominance du chacun pour soi.