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Discipline, mère de sûreté

par Brahim Chahed

Se priver tous les jours est plus difficile que se sacrifier une fois. Le sage dans le monde est plus grand et plus héroïque que le sage dans le cloître. Victor Hugo (Philosophie prose).

Le fondateur de Microsoft et très médiatique Bill Gates suggérait, en 2015 déjà, l'apparition imminente d'une pandémie incontrôlable, un virus hautement contagieux et affirmait qu'il y avait du positif dans l'épidémie d'Ebola, c'est que ça sert d'avertissement, de prise de conscience, pour se préparer. « Si nous commençons maintenant, nous pouvons être prêts pour la prochaine épidémie » prédisait le milliardaire.

Aucune nation n'est préparée pour cela. Aucune nation n'est assez préparée pour contenir,rapidement, comme on voudrait, le covid-19. Ce n'est pas là un aveu d'échec, ce n'est pas une fatalité, c'est une réalité scientifique. C'est une affaire de bon sens, c'est une réalité matérielle et c'est un fait, une réalité tout cours.

Nous ne pouvons pas avoir des lits pour accueillir tout le monde, en même temps, en cas d'atteinte, mais nous le savons, les possibilités pour qu'on soit atteints, tous et en même temps, sont pratiquement inexistantes.

De plus, il n'y a pas que le covid-19, il existe toujours beaucoup d'autres problèmes de santé auxquels les gens continuent d'être confrontés, tout le temps, tous les jours, qu'on est en devoir de prendre en charge, d'assister et à qui nous devons prodiguer soins et attention. Les mesures de mise en quarantaine, de restrictions des déplacements, d'interdiction de rassemblement et de confinement,sous toutes ses formes, ne sont pas vaines, elles sont, vu les expériences des autres nations, essentielles.

Nous devons nous informer parce que c'est un fait nouveau, une situation nouvelle qui nous impose des comportements inédits (pas si inédit que ça finalement) que nous devons apprendre à exécuter, apprendre à répéter, à reproduire et à pérenniser. Même si c'est nouveau, nous ne sommes pas à notre première épidémie, à notre première pandémie. Nous y avons survécu à toutes. Nous devons apprendre rapidement, le temps nous est compté et les expériences des autres pays semblent avoir leurs fruits et sont partagées. Les infectiologues conditionnent l'efficacité des mesures préventives de confinement à la rapidité d'exécution et d'anticipation.

Nous devons nous conformer parce qu'il s'agit de responsabilité, parce qu'il est question de discipline, pour sauver nos vies, pour préserver la vie des siens et pour sauvegarder la santé publique. Aucun système de santé au monde n'a la capacité ou la résilience de gérer une augmentation soudaine du nombre de malades.

Nous devons prendre conscience de la dangerosité et du sérieux de la menace. Plus que le risque, c'est l'incertitude qui aggrave le danger. Si dans le sens communrisque et incertitude se valent, il est aujourd'hui, plus que nécessaire de saisir la différence : le risque correspond àun futur connu, répété à l'identique, même si nous ne le maitrisons pas totalement. Dans l'incertitude, par contre, on estdans l'inconnu, on est dans l'impossibilité de connaitre. Dans l'incertitude, le problème n'est pas dans la difficulté de connaitre ou dans l'incompétence de l'homme.

L'Organisation mondiale de la Santé qualifie la pandémie de «crise sanitaire majeure de notre époque», à l'heure où nous écrivons, près de 374 000cas de contamination ont été enregistrées dans 174 pays et territoires, et plus de 16 000décès ont été recensés dans le monde dont plus de 9 000 en Europe.On dénote le confinement de près de deux milliard de personnes de par le monde -c'est pratiquement un être humain sur quatre-. Si l'Italie, l'Espagne, l'Iran et la France enregistrent des nombres élevés de contamination et de morts, la Chine, quant à elle n'enregistredésormais aucunecontamination d'origine locale et semble arriver à maitriser le virus.

S'il semble peu probable de pouvoir endiguer,très rapidement, le Covid-19, il est tout à fait possible de freiner, au maximum, sa circulation et sa propagation effrénée, afin de laisser le temps au système de santé de s'organiser et éviter ainsi sa saturation. Mais la maladie reste bénigne, faut-il le rappeler, dans 80% des cas, grave dans 15% et critique dans 5% des cas.

Partout dans le monde, des efforts de confinement de la maladie les plus ambitieux, les plus adéquats et les plus contraignants de l'histoire ont été prises et adoptés pour freiner la propagation du virus, des limitations de rassemblement d'un certain nombre de personnes, des restrictions de déplacements ont été édictées, des couvres feu ont été instaurées et des fermetures de commerces, d'écoles, de lieux de cultes et d'établissements d'accueil du public ont été décidées.

Les mesures annoncées par les autorités algériennes sont, avant tout, des mesures sanitaires, elles ne sont ni politiques ni dogmatiques. C'est des mesures préventives issues des autorités sanitaires, les autorités politiques ne font que les adopter et les communiquer aux populations.

Aux côtés de nos héros personnels de santé, de qui nous nous attendons des efforts surhumains, deschargés de structures de crises, à tous les niveaux de responsabilités, l'implication et la participation active des organisations de la société civileet du privé national reste plus que nécessaire.

Mais cela ne suffirait pas sans l'adhésion totale et délibérée du citoyen, sans l'assentiment de la population poussée, essentiellement, par la tradition de s'unir et de s'entraider et du patriotismeirréductible de l'Algérien. Le respect strict des consignes, aussi contraignantes qu'elles puissent paraitre, l'adoption de ladistanciationsociale conjuguée à la mobilisationsociale, à l'adhésion populaire, et à la responsabilité des medias et des canaux d'information, loin du sensationnel et des paniques insensées, restent les clés de notre réussite tous ensemble. L'autodiscipline, plus que la discipline, est une qualité dont nous avons besoin aujourd'hui plus que jamais.