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Les promesses de l’épidémie

par Akram Belkaïd, Paris

Il ne fait désormais nul doute que la pandémie de coronavirus Covid-19 aura un impact majeur sur l’économie mondiale. Les plongeons à répétition des marchés financiers, la débandade des cours de l’or noir, les écarts de taux constatés pour certaines obligations d’État (Italie) et l’interruption de plusieurs productions (cas d’Airbus en France et en Espagne) ne sont que les premiers épisodes d’une crise qui, à bien des égards, pourrait faire écho à celle née du grand krach de 1929 (grande dépression). Seule différence, cette fois, c’est à l’échelle planétaire que l’incendie s’est déclaré.

L’État, acteur central

Pour l’heure les gouvernements et les banques centrales tentent de parer au plus pressé. La situation est d’une telle gravité qu’il faut à la fois stopper ou ralentir l’épidémie et, dans le même temps, veiller à atténuer les dégâts économiques et financiers. Des aides financières massives sont prévues pour les entreprises, et, à un degré moindre, aux particuliers. Dans ce genre de situation, il n’est pas inutile de rappeler que c’est l’État qui est le principal acteur. Par exemple, en Espagne, les autorités ont décidé de nationaliser les structures de santé privées. Dans une situation de gravité extrême, il n’est plus question de tergiverser, de défendre le dogme du marché ou de la libre-concurrence. Et l’on voit bien ce qui sous-tend ces mesures : seul l’État est capable d’agir au nom de l’intérêt commun. Même le gouvernement français n’exclut pas de recourir, lui aussi, à des nationalisations. Pourquoi ? Parce que dans un tel contexte, il faut empêcher les inévitables stratégies de maximisation du profit. Par exemple, des grossistes indélicats, mais certainement plus réactifs que les autorités, ont stocké des masques de protection à partir de début janvier. Leur pari, tenu, était que le prix des dits masques augmenterait en cas d’aggravation de l’épidémie. Devant cela, la seule réaction possible est la réquisition décidée par plusieurs gouvernements.

D’autres initiatives et mesures sont aussi à relever. Toutes ne sont pas adoptées mais elles commencent à être discutées sans qu’il n’y ait diabolisation. Un exemple ? La gratuité. Ici, c’est un opérateur télévisuel qui met ses programmes à disposition du public confiné. Là, c’est un éditeur qui donne accès à plusieurs titres. Ailleurs, comme en France ou en Italie, la question du revenu minimum universel refait surface alors qu’on la croyait déconsidérée. Et dans ses deux dernières allocutions, le président français Emmanuel Macron a insisté à chaque fois sur le fait que les convictions d’hier ne seraient pas forcément celles de demain notamment en matière de système de santé.

Promesses à tenir

Bien entendu, on n’est pas obligé de le croire. A chaque crise grave, viennent les serments d’ivrogne qui promettent des lendemains différents. En 2008, on pensait que le capitalisme financier allait perdre de sa superbe. Nous sommes en 2020 et de l’avis de nombreux acteurs financiers, il n’en est rien. Bien au contraire. Jamais la spéculation n’a été aussi florissante, du moins jusqu’à ce que le coronavirus s’en mêle. Le risque est donc qu’une fois l’épidémie passée, le « business as usual » reprenne ses droits avec ses coupes dans les budgets de santé, ses personnels médicaux mal payés et ses millions de personnes sans assurance-maladie. Il appartiendra à tout le monde alors de faire en sorte que les promesses soient tenues.