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Riyad et le coronavirus mettent le feu aux marchés

par Akram Belkaïd, Paris

Des marchés qui dévissent de concert, un vrai krach qui se profile, une panique boursière planétaire, un marché pétrolier en déconfiture : la crise, de nouveau ? Si oui, à qui la faute ? A cause du virus, diront certains. Il est clair que les mauvaises nouvelles se succèdent à vitesse désormais exponentielle. Après avoir minimisé la menace d’une pandémie, voici que les gouvernements des pays industrialisés reconnaissent que l’heure est grave. La situation en Italie, pays où quinze millions de personnes sont en quarantaine, serait appelée à se dupliquer chez ses voisins, notamment en France. Les prochaines semaines vont donc apporter leur lot d’informations négatives concernant la propagation du coronavirus et, par conséquent, l’augmentation des entraves à la bonne marche de l’économie.
 
Guerre des prix sur le pétrole
 
Les Bourses n’aiment pas les mauvaises nouvelles et elles ont tendance à amplifier leurs réactions à la baisse, effets moutonniers obligent. En clair, plus un marché baisse, plus les vendeurs sont nombreux ce qui, en retour, aggrave les reflux et ainsi de suite. Certes, quelques malins font actuellement de bonnes affaires. Se plaçant sur le long terme, ils achètent à bon compte des titres en attendant que l’économie reparte en bénéficiant d’un effet rattrapage. La vision est optimiste mais rémunératrice si elle se vérifie. Dans cette optique, toute la question est de savoir combien de temps la pandémie, car il s’agit bien d’une pandémie, va durer.
 
Mais le « lundi noir » auquel on a assisté ce 9 mars n’est pas dû uniquement au coronavirus. Le responsable de cette tempête est avant tout l’Arabie saoudite qui vient de déclencher une guerre des prix de l’or noir pour mettre au pas… la Russie. On sait que les deux pays ne se sont pas entendus pour une diminution de la production mondiale de l’ordre de 1,5 million de barils par jour (mbj). Selon les informations de presse, Moscou aurait expliqué à ses interlocuteurs de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) qu’un baril de brut à 42 dollars lui était acceptable. Résultat, Riyad, véritable patron du Cartel, a déclenché une guerre des prix en bradant son brut à un prix inférieur de 10 dollars par rapport au cours de référence. Voilà une initiative qui restera dans les annales. L’économie mondiale patine, l’angoisse s’installe un peu partout, on annonce ici et là que les prix du Brut risquent de tomber autour de 20 dollars (comme à la fin des années 1990) et l’Arabie saoudite ne trouve rien de mieux à faire que de mettre le feu au marché pétrolier. Quelques jours après l’arrestation de membres de la famille royale, on se dit que, décidément, les jours tranquilles à Riyad sont un lointain souvenir du passé…
 
Peu d’outils pour réagir
 
Ce choc frontal a provoqué un effet d’entraînement dont on ne connaît pas les conséquences. Il faut bien se rappeler que les gouvernements et les Banques centrales n’ont plus de munitions pour faire face à une nouvelle crise d’envergure, comparable à celle de 2008. Les taux d’intérêt sont déjà très bas, quand ils ne sont pas négatifs, les marges de manœuvre en matière de politique monétaire sont donc restreintes. Reste l’arme de la relance budgétaire. Cela obligerait à faire voler en éclat les dogmes néolibéraux et à repenser les politiques fiscales trop favorables au capital et aux grandes fortunes. Il est peut-être temps.