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L'Université a besoin de travailler sur elle-même

par Mohammed Abbou

La déclaration du ministre de l'Enseignement supérieur devant les députés n'est peut-être pas surprenante mais, elle n'est pas moins péremptoire et brutale.

Venant d'un homme qui dans sa discipline a participé à la naissance et au développement de l'Université algérienne, elle est inconsidérée. Venant d'un responsable tenu à la prudence et à la pondération, elle est injuste.

Venant d'un scientifique tenu à la concision et à la précision, elle est même aventureuse.

Personne ne remet en cause les implications négatives de la prolifération des espaces universitaires sur le niveau des enseignements et la qualité des diplômes délivrés à leur issue.

Mais personne n'ignore non plus que l'Université a subi au même titre que toutes les institutions structurantes du pays une véritable entreprise de démantèlement.

Ces constats autorisent-ils pour autant de jeter le discrédit sur toutes les femmes et tous les hommes qui s'échinent à maintenir debout un édifice qui se lézarde sous les coups ininterrompus d'une politique délibérée qui le cible depuis près de deux décennies ?

Un édifice qui demeure encore debout grâce à l'honorabilité et aux sacrifices que ces femmes et ces hommes lui ont offerts comme étais.

Les survivants de la génération, qui au lendemain de l'indépendance se sont investis dans la création de l'Université algérienne, (notamment à partir de 1967, date de l'inauguration officielle de la première université de l'Algérie indépendante à Oran) peuvent encore témoigner de la beauté d'une telle conquête et les promesses qu'elle recelait pour notre pays.

Leurs premiers élèves ont vaillamment poursuivi l'œuvre qui justifie à elle seule tous les sacrifices consentis par les valeureux enfants de l'Algérie.

Ils ont dans les conditions sociales et matérielles, que le ministre connaît très bien, continué à offrir à nos enfants l'accueil qu'autorisaient les faibles moyens mis à leur disposition et que compensaient leur enthousiasme, leur engagement et leur abnégation.

La génération des fondateurs et celle de leurs élèves immédiats n'a jamais « rencontré » la reconnaissance tout simplement parce qu'elle n'en a jamais cherché le chemin mais se contentait de suivre le sentier caillouteux de l'effort qui débouche sur la satisfaction silencieuse du devoir accompli.

Aujourd'hui, la demande pléthorique d'encadrement générée par un essaimage incontrôlé a attiré des prétendants enseignants que le ministre juge incompétents ou pour le moins non qualifiés.

Si par honnêteté intellectuelle, le constat de la grande faiblesse de l'encadrement des centres universitaires ne peut être que partagé, ce constat autorise-t-il une sentence aussi sévère et dégradante pour ceux qu'elle vise ?

Un responsable politique du secteur universitaire ne doit pas se hasarder à émettre un jugement sur ses pairs.

Il est en charge de leurs questions d'organisation et d'intendance et doit veiller à la mise en œuvre des orientations issues de leurs réflexions collectives et de leurs concertations au service de leur secteur et du pays.

Si la situation de l'Université est préoccupante, il a le devoir d'en alerter toute la communauté, de lui faire part de son inquiétude et de s'employer à engager le travail collectif de l'Université sur elle-même.

L'Université dispose des ressorts qui lui permettent d'analyser ses propres défaillances et de mobiliser ses meilleures énergies pour y faire face.

L'Université peut développer ses réseaux de solidarité et de partage des compétences entre toutes ses structures pour offrir aux enfants de l'Algérie une formation honorable.

Par ailleurs, l'encadrement humain décrié est-il dans son ensemble irrécupérable ?

L'Université- qui a une grande part de responsabilité dans cette situation- ne peut-elle grâce à ses compétences avérées, que le ministre connait très bien, offrir des voies de qualification à ceux qui ne manquent pas de vocation ?

Le ministre milite pour la séparation de l'administratif et du pédagogique.

Il est lui-même, dans l'exercice de ses fonctions actuelles, une autorité politique qui doit alors donner l'exemple dans la recherche de cette séparation entre les prérogatives pédagogiques et scientifiques et les prérogatives administratives.

L'Université a besoin de renouveler son projet mais ce projet reste dépendant de l'avenir que le mouvement actuel ouvrira au pays.