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Le Président Macron sonne la retraite de l'opposition (1ére partie)

par Sid Lakhdar Boumediene*

Le Premier ministre français, après accord du conseil des ministres1 comme l'exige la Constitution, vient de brandir son article 49-3 qui sonne le glas aux velléités de l'opposition à poursuivre leur blocage du vote de la loi sur la réforme de la retraite. Souvent utilisée dans la cinquième république, l'arme du 49-3 est fatale à l'opposition, car ses chances de riposte prévues dans la Constitution sont quasiment nulles.

Depuis trois ans, à partir de la réforme du code du travail, la fronde grogne jusqu'à avoir atteint son paroxysme avec les gilets jaunes et les fortes grèves contre l'actuelle réforme de la retraite, assez majoritairement contestée.

Le pouvoir de la rue n'a pu en venir à bout. Il s'est essoufflé comme il était prévisible qu'il le soit. Et d'ailleurs on peut se poser la question sur la légitimité de la rue lorsque la politique annoncée par le président lors de sa campagne électorale fut validée par le suffrage universel. Et cela quelles que soient les réserves sur le taux d'abstention et le vote repoussoir pour bloquer l'accession du Front National à la présidence (actuellement Renouveau National).

C'est donc à l'assemblée qu'il revenait de prendre en charge le débat final. La fronde de la rue a laissé place à la fronde des députés, particulièrement ceux de la France insoumise. Des milliers d'amendements ont été déposés, ce qui rendait la situation impossible pour en arriver à la fin car tout amendement doit être discuté et voté. Tout a été fait pour bloquer l'avancée du texte par des amendements qui allaient depuis la remise en cause d'une virgule ou d'un point d'interrogation jusqu'aux propositions les plus farfelues.

La certitude était dans toutes les bouches et la nouvelle est tombée ce samedi. Elle est d'autant plus humiliante qu'elle fait suite à un conseil des ministres exceptionnel dont on pensait que le sujet était la crise du coronavirus. L'humiliation a été ressentie encore plus fortement par des députés qui ont été, pour la plupart, mis au courant par les médias alors qu'ils étaient dans leurs circonscriptions, ce qui est habituel pour un week-end.

Le Premier ministre a certainement préféré la surprise et le choix d'un jour où l'hémicycle est peu chargé pour éviter les images d'une colère massive des députés. Mais de quoi s'agit-il donc ?

Que dit l'article 49-3 ?

Il est tellement célèbre qu'on prononce toujours à son égard la formulation «le 49-3» comme une vielle connaissance mais surtout comme l'épée de Damoclès perpétuellement suspendue sur la tête des députés de l'opposition. Le voici reproduit uniquement dans les parties les plus explicatives. Les autres sont tout aussi importantes mais relèvent des conditions d'application, plus techniques.

«Le Premier ministre, après délibération du conseil des ministres, engage devant l'Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale.

L'Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d'une motion de censure. Une telle motion n'est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l'Assemblée nationale.../...

.../... Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session.»

Autrement dit, le texte est adopté sans vote, il appartient aux députés de proposer et de voter une motion de censure qui, si elle aboutit, fait tomber le gouvernement et donc son texte n'est plus valide jusqu'à une nouvelle décision de l'exécutif suivant. Nul doute que ce dernier réfléchirait avant de repartir sur les mêmes bases.

Refuser le droit de vote aux parlementaires est l'acte le plus grave dans une démocratie ; raison pour laquelle la Constitution prévoit un équilibre par la riposte de la motion de censure.

Il faut bien se convaincre que dans la république les motions de censure n'ont pratiquement aucune chance d'aboutir. Sur les très nombreuses proposées, une seule a pu renverser le gouvernement, au début de la Ve république. Pourquoi ?

A suivre

* Enseignant

1- Même si le Président de la république a laissé la main à son Premier ministre, il est constitutionnellement le chef de l'exécutif et préside le conseil des ministres. Il est impossible que le feu vert n'ait pas été donné par le Président.