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Le cas Bezos

par Akram Belkaïd, Paris

C’est l’un des hommes les plus riches au monde et l’un des plus médiatisés aussi. Il n’y a pas longtemps, les médias américains rapportaient que Jeff Bezos, le patron d’Amazon, aurait subi un piratage de son téléphone portable par le biais d’un message WhatsApp. Un « hacking », qui intéresse l’ONU, et rendu possible grâce à une technologie de pointe israélienne. Son coupable utilisateur ? Le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman (MBS). Par ailleurs, Bezos a aussi annoncé avoir fait l’objet d’une tentative de chantage par un tabloïd américain. Ces deux affaires sont loin d’avoir livré tous leurs secrets mais elles démontrent une tendance de fond : les grands patrons sont désormais des cibles aussi importantes, sinon plus, que les chefs d’États. Au cours des dix dernières années, un nombre important d’entre eux a été soumis à des pressions ou des actions criminelles. D’autres sont morts dans des conditions suspectes. Dans tous les cas, les rivalités stratégiques entre pays ou grandes multinationales servent de toile de fond à ce genre d’affaires dignes d’un film hollywoodien.

Une fortune qui augmente...

Voilà pour l’aspect « james-bondien » de la vie de Bezos. L’autre grande nouvelle le concernant a, elle aussi, fait le tour du monde. Avec la proclamation de bons résultats trimestriels d’Amazon au quatrième trimestre 2019, la fortune de l’intéressé a fait un bond spectaculaire de 13,2 milliards de dollars en un petit quart d’heure. Explication : comme il est de coutume, les entreprises inscrites à la Bourse de New York sont tenues de publier leurs résultats tous les trimestres. Cette obligation est destinée à informer régulièrement le public et les investisseurs de la santé financière des entreprises. Entre bons et mauvais résultats, le moment des annonces est donc l’un des principaux facteurs d’animation du marché. La semaine dernière, le bénéfice d’Amazon dépassait de loin les prévisions en s’élevant à 87,4 milliards de dollars. Le bénéfice rapporté au nombre de titres qui composent le capital de la firme, autrement dit le bénéfice par action - l’un des ratios incontournables pour juger de la performance de l’entreprise - a atteint 6,47 dollars quand le marché s’attendait à 4,04 dollars. Résultat, le titre Amazon a progressé de 12% à 2.100 dollars en quinze minutes et Jeff Bezos qui détient 12% du géant mondial du commerce en ligne a vu sa fortune atteindre alors 129 milliards de dollars.

... mais qui reste en partie virtuelle

Cela amène deux remarques. D’abord, les chiffres trimestriels sont souvent critiqués pour la volatilité qu’ils provoquent dans le marché. Certes, l’obligation de transparence est louable mais au jeu des prévisions-résultats réels, l’emballement ou la panique des investisseurs peut être dommageable pour les entreprises cotées. Ensuite, on ne dira jamais assez que la fortune de Bezos repose principalement sur la valeur de l’action d’Amazon. Bien sûr, les 12% du capital qu’il possède lui donnent droit à une part appréciable des dividendes qui seront versés par la compagnie. Mais cela n’atteindra jamais la valeur des 129 milliards de dollars cités ci-dessus. Si le milliardaire veut du cash, il lui faut céder des actions. Cela est possible mais à petites doses car, sinon, le marché penserait qu’il ne croit plus en Amazon. C’est ce qui permet à plusieurs commentateurs de dire qu’une grande partie des 129 milliards de dollars sont presque virtuels.